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La Yougoslavie sera socialiste

Publié le 17/01/2022

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29-30 novembre 1943 - Dans la nuit du 29 au 30 novembre 1943, le Conseil antifasciste pour la libération nationale de la Yougoslavie (AVNOJ) se réunit dans la petite ville de Jajce, capitale des princes de Bosnie au quinzième siècle. Officiellement, Jajce appartient à l' " Etat indépendant de Croatie ", l'un des satellites créés par Hitler et Mussolini après le morcellement du royaume yougoslave en avril 1941. En fait, la ville est depuis deux mois sous le contrôle des partisans descendus des montagnes avoisinantes. Josip Broz-Tito, leur chef, s'y trouve en personne avec plusieurs membres de son état-major. Agé de cinquante et un ans, Tito, qui vit au milieu des combattants, parcourt les diverses régions pour harceler l'ennemi cent fois supérieur en nombre, est déjà un personnage légendaire. L'homme n'ignore pas, au moment où il prépare avec ses collaborateurs la réunion du Conseil antifasciste, que la situation militaire évolue en sa faveur. Sur tous les fronts, les unités de la Wehrmacht commencent à reculer. Et après la capitulation de l'Italie, en septembre, la majeure partie des troupes de Rome stationnées au Monténégro, en Dalmatie et en Slovénie, se rend aux partisans qui peuvent ainsi compléter l'équipement de leurs détachements et mettre sur pied de nouvelles unités. L'époque voit surtout la révision déchirante de la " politique yougoslave " des puissances alliées engagées dans la lutte contre l'Allemagne hitlérienne. En 1941, la Yougoslavie se trouvait dans une situation extrêmement complexe sur le plan international. Pendant que Hitler et ses vassaux se partageaient le territoire, le gouvernement royal, réfugié à Londres, s'efforçait d'assurer sa continuité juridique. L'accroissement rapide de l'activité des forces de Tito pose de plus en plus de problèmes politiques. En effet, la libération du moindre village yougoslave par les partisans, qui entrent en action dès le mois de juillet, est aussitôt suivie par l'installation d'un nouveau pouvoir : Tito vise à la fois la défaite des envahisseurs et l'instauration d'un nouveau régime. Or un autre mouvement de résistance que le sien se forme en Serbie, dirigé par le colonel Draja Mihaïlovitch, royaliste convaincu, désireux d'assurer la survie de la dynastie chassée par l'occupant allemand : les tchetniks (en serbo-croate " ceta " signifie " compagnie militaire " et le mot est devenu " cetnici " ). Tito, surgi du néant... Pour beaucoup de Yougoslaves, Tito représente l'avenir et Mihaïlovitch le passé. Peuvent-ils néanmoins s'entendre, ne serait-ce que provisoirement, pour faire face ensemble à la menace qui pèse sur leur pays? Tito et Mihaïlovitch se rencontrent à deux reprises : entrevues orageuses, sans aucun résultat. Mihaïlovitch, nommé, le 9 janvier 1942, par le gouvernement royal yougoslave en exil à Londres ministre de l'armée, de la marine et de l'aviation, estime que l'heure du soulèvement général n'a pas encore sonné. Bien au contraire, Tito veut se battre. Il est d'autant plus déterminé que le mouvement des partisans a d'ores et déjà pris une ampleur incontestable même si les succès obtenus sont lourdement payés. Pendant ce temps, ni les Américains, ni les Britanniques, ni les Soviétiques-pour des raisons différentes-ne souhaitent clairement définir leur position vis-à-vis du personnage énigmatique qu'est Tito, dirigeant du peuple surgi du néant... Mais il est trop tard. Les partisans intensifient leur combat et appliquent une stratégie dite " souple ". Obligés d'évacuer provisoirement une région en raison des contre-offensives, ils en libèrent une autre pour y installer leur administration. Malgré les attaques incessantes des Allemands et les pertes énormes subies par les maquisards, Tito reste maître de la situation. Progressivement, l'opinion internationale-et surtout les milieux politiques-découvre où sont les véritables résistants aux envahisseurs fascistes, ceux qui parcourent avec leurs blessés plusieurs centaines de kilomètres dans la neige pour échapper à l'encerclement et aussitôt reprennent le combat. A Londres, à Washington et même à Moscou, on commence à s'interroger sur le comportement étrange du colonel Mihaïlovitch et de ses tchetniks soupçonnés de double jeu. D'où la détérioration progressive des liens avec le gouvernement royal et, parallèlement, la hausse de la notoriété de Tito. Une mission militaire britannique est envoyée auprès des partisans qui reçoivent 65 tonnes de fournitures militaires parachutées par la Royal Air Force : jusqu'ici Londres réservait ses livraisons aux tchetniks, sans trop se soucier de leur utilisation. L'attitude de Moscou restera encore pendant un certain temps équivoque. Staline ne veut en aucun cas que Tito transforme le Comité national de libération en cours de constitution en futur gouvernement. Moscou trouve inopportune l'abolition immédiate de la monarchie. Effectivement, la première session de l'AVNOJ réunie à Bihar en novembre 1942 n'a pas pris position sur ce sujet. Un an plus tard, Tito s'estime capable de tenir tête à Staline et convoque la deuxième session du Conseil antifasciste. Dans la soirée du 29 novembre 1943, autour du théâtre de Jajce, plusieurs centaines de partisans armés jusqu'aux dents se tiennent prêts à repousser une attaque-surprise éventuelle des Allemands qui ne sont pas loin. Dans la salle, cent quarante-deux délégués venus de la plupart des régions de la Yougoslavie adoptent dans l'enthousiasme général un projet qui fait de l'AVNOJ le corps législatif et exécutif suprême et du Comité national le gouvernement provisoire dirigé par Tito. Un Etat édifié sur une base fédérative Ils décident que le nouvel Etat sera édifié sur la base fédérative garantissant l'égalité intégrale des peuples de Serbie, de Croatie, de Slovénie, de Bosnie-Herzégovine, de Macédoine et du Monténégro. Les droits du roi Pierre II et de son gouvernement en exil sont déclarés " nuls et non avenus ". Cette réunion restera l'un des sommets de la carrière de Josip Broz-Tito, nommé par les délégués maréchal de Yougoslavie : il possède désormais le statut nécessaire pour pouvoir négocier d'égal à égal avec tous les dirigeants du monde. Ceux de l'URSS, immédiatement informés des décision de Jajce, sont mécontents. Ils interdisent même à la station de radio Yougoslavie-Libre qui fonctionne sous leur contrôle de diffuser les textes adoptés. Staline n'a pas encore compris que ses alliés anglo-saxons sont désormais fermement décidés à aider Tito et abandonnent Mihaïlovitch, devenu suspect, et ses amis royalistes de Londres. Les trois Grands conviennent que la Yougoslavie, redevenue après la défaite de l'Allemagne un Etat indépendant, sera reconstituée dans son intégrité. L'armée de libération nationale de Yougoslavie est reconnue comme une armée alliée " Les partisans doivent être aidés dans toute la mesure possible en ravitaillement et en matériel ainsi que par des opérations de commando " -précise " l'engagement militaire " signé le 1er décembre par Roosevelt, Churchill et Staline. Vers la fin de la guerre, le démantèlement des administrations régionales et locales dirigées par les collaborateurs des occupants s'accompagne de terribles règlements de comptes entre les partisans de Tito et leurs adversaires. En juillet 1946. Draja Mihaïlovitch, condamné à mort pour " collaboration avec l'ennemi ", est exécuté malgré plusieurs mouvements de protestation. Tito est devenu alors le chef incontesté de la Yougoslavie nouvelle née à Jajce le 29 novembre 1943, date qui figurait sur l'emblème national de la Fédération. THOMAS SCHREIBER Le Monde du 4 décembre 1983

« Effectivement, la première session de l'AVNOJ réunie à Bihar en novembre 1942 n'a pas pris position sur ce sujet.

Un an plustard, Tito s'estime capable de tenir tête à Staline et convoque la deuxième session du Conseil antifasciste. Dans la soirée du 29 novembre 1943, autour du théâtre de Jajce, plusieurs centaines de partisans armés jusqu'aux dents setiennent prêts à repousser une attaque-surprise éventuelle des Allemands qui ne sont pas loin.

Dans la salle, cent quarante-deuxdélégués venus de la plupart des régions de la Yougoslavie adoptent dans l'enthousiasme général un projet qui fait de l'AVNOJ lecorps législatif et exécutif suprême et du Comité national le gouvernement provisoire dirigé par Tito. Un Etat édifié sur une base fédérative Ils décident que le nouvel Etat sera édifié sur la base fédérative garantissant l'égalité intégrale des peuples de Serbie, deCroatie, de Slovénie, de Bosnie-Herzégovine, de Macédoine et du Monténégro.

Les droits du roi Pierre II et de songouvernement en exil sont déclarés " nuls et non avenus ". Cette réunion restera l'un des sommets de la carrière de Josip Broz-Tito, nommé par les délégués maréchal de Yougoslavie : ilpossède désormais le statut nécessaire pour pouvoir négocier d'égal à égal avec tous les dirigeants du monde. Ceux de l'URSS, immédiatement informés des décision de Jajce, sont mécontents.

Ils interdisent même à la station de radioYougoslavie-Libre qui fonctionne sous leur contrôle de diffuser les textes adoptés.

Staline n'a pas encore compris que ses alliésanglo-saxons sont désormais fermement décidés à aider Tito et abandonnent Mihaïlovitch, devenu suspect, et ses amis royalistesde Londres. Les trois Grands conviennent que la Yougoslavie, redevenue après la défaite de l'Allemagne un Etat indépendant, serareconstituée dans son intégrité. L'armée de libération nationale de Yougoslavie est reconnue comme une armée alliée " Les partisans doivent être aidés danstoute la mesure possible en ravitaillement et en matériel ainsi que par des opérations de commando " -précise " l'engagementmilitaire " signé le 1 er décembre par Roosevelt, Churchill et Staline. Vers la fin de la guerre, le démantèlement des administrations régionales et locales dirigées par les collaborateurs des occupantss'accompagne de terribles règlements de comptes entre les partisans de Tito et leurs adversaires.

En juillet 1946.

DrajaMihaïlovitch, condamné à mort pour " collaboration avec l'ennemi ", est exécuté malgré plusieurs mouvements de protestation. Tito est devenu alors le chef incontesté de la Yougoslavie nouvelle née à Jajce le 29 novembre 1943, date qui figurait surl'emblème national de la Fédération. THOMAS SCHREIBER Le Monde du 4 décembre 1983 CD-ROM L'Histoire au jour le jour © 2002, coédition Le Monde, Emme et IDM - Tous droits réservés. »

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