La Vérité Doit-Elle Être Une Règle Politique?
Publié le 22/07/2010
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A l’ère de la sur-médiatisation, on voit apparaitre des critiques de plus en plus nombreuses à propos de ce que certain appellent aujourd’hui « l’industrie du mensonge «, et qui concerne principalement les techniques de manipulations politiques et économiques. Ce mouvement contestataire remet en cause la morale des dirigeants politiques, et engendre un désir de réforme du système. C’est le manque de véracité qui leur est principalement reproché. A partir de là, on pourrait se poser la question suivante : « La vérité doit-elle être une règle politique ? «. La vérité peut-elle être aussi efficace que le mensonge dans la sphère politique ? Ou bien, si la vérité se trouve être impuissante, quelles sont les conditions conformément auxquelles le mensonge se trouve être légitime? Mais n’existe-t-il pas une certaine obligation morale qui, dans le domaine de la conscience individuelle, condamne les mensonges en tout genre, à quelque échelle que ce soit ? « La vérité doit-elle être une règle politique ? «. Cela revient à se demander si la vérité doit se poser en obligation, et si elle doit être appliquée en toutes circonstances dans la sphère politique (et donc si le mensonge doit être absolument condamnable). Avant de se poser cette question, il faut avant tout déterminer si la vérité et la politique peuvent être compatibles, puisque ce sont deux notions que l’on voit très rarement s’exercer conjointement. On peut définir la vérité comme une représentation mentale qui est conforme à la réalité, réalité qui est donné indépendamment de soi. La notion de vérité contient donc une certaine forme d’impartialité et d’objectivité, c’est une chose immuable : ce qui est conforme à la réalité est conforme à la réalité. Certains penseurs distinguent différentes sortes de vérités : ils distinguent les vérités absolues (par exemple la vérité des sciences mathématiques) et les vérités relatives, qui se rapprochent des vérités de faits = par exemples la vérité de certains évènements (historiques notamment) qui découle parfois de témoignages divers. La politique quant à elle ne contient aucune notion de permanence ou d’objectivité (au contraire). Le mot politique recouvre deux réalités : la politique au sens de Politeia renvoie à la constitution et concerne donc la structure et le fonctionnement d’une communauté, d’une société ou d’un groupe social. La politique au sens de Politikos, Politiké , qui signifie science des affaires de la cité, renvoie plutôt à la pratique politique, à l’art du pouvoir politique et par extension aux luttes de pouvoir et aux différents partis. Vérité et politique sont-elles compatibles ? En d’autres termes, la vérité peut-elle permettre à la politique d’atteindre sa finalité et d’être ainsi aussi efficace que le mensonge ? On peut considérer que le principe de la politique est d’assurer la cohésion et la survie de la communauté. Dans cette acceptation, la vérité peut parfois remettre en question cette survie. En effet, il ya une certaine ambivalence qui caractérise le peuple : il réclame plus de vérité mais n’est parfois pas prêt à l’entendre. Dire la vérité n’est pas forcément payant : depuis le choc pétrolier de 1974, en France tous les partis qui annonçaient des réformes douloureuses mais nécessaires, ont échoué. Une citation de Charles Péguy résume bien cet état d’esprit : > Hannah Arendt s’est posé beaucoup de questions sur cette relation vérité/politique. Pour elle, la politique par essence, relève de l'agir, de l'engagement, du parti-pris; la vérité de fait est de l'ordre du neutre, du désintérêt. Il ne faudrait pas chercher à tout pris une place pour la vérité dans la sphère politique, puisque ce sont deux domaines distincts. Considérer la politique du point de vue de la vérité, c'est se placer en dehors du politique. Elle souligne qu’il serait absurde de prétendre que la vérité doit prévaloir en toutes choses, dût la communauté en périr. Le principal ressort du mensonge de masse est ce qu' Hannah Arendt appelle la tromperie de soi. La propagande n'a prise sur les consciences que si de vastes pans de la population s'y laissent adhérer. La manipulation grossière et délibérée des politiciens a donc pour corollaire l'auto-aveuglement des foules. Il serait donc dans l’essence du pouvoir d’être trompeur, notamment à cause de l’attitude du peuple. Au vu de l’histoire politique, la vérité serait donc beaucoup moins efficace que le mensonge dans la sphère politique, puisqu’elle remettrait en cause une de ses finalité, qui est d’assurer la cohésion et la survie de la communauté. Mais, si le mensonge est une donnée incontournable de la vie politique, il est évident que cette légitimité de l’art de mentir risque de conduire à certains abus. Donc, quelles sont les conditions conformément auxquelles le mensonge se trouve être légitime ? On pourrait s’en référer au célèbre proverbe : la fin justifie les moyens. Cette sentence comprend l’idée d’un certain type de fin, dans le sens que toute action politique qui comprend une action condamnable doit avoir une finalité noble. C’est ce que pensait Machiavel, qui conseille de devenir « grand simulateur et dissimulateur, d’apprendre à manœuvrer par ruse la cervelle des gens « au nom de l’efficacité. Cependant, le pouvoir de l’Etat n’est jamais pour lui l’exercice de la force pure : la finalité de la politique est d’instaurer de « bonnes lois «, pour la défense de l’intérêt général. La politique selon Machiavel serait l'art de faire accroire des faussetés salutaires pour quelque bonne fin. La politique, si elle ne doit pas être immorale, peut cependant se permettre d’être amorale si cela lui permet d’atteindre une finalité juste. User de mensonges pour accomplir le bien public, même si ce principe reste moralement et intellectuellement condamnable, reste une attitude philosophique opposée à celle qui fait du mensonge l'instrument de fins viles. Une finalité plus ou moins morale serait donc une des conditions qui rendrait le mensonge légitime en politique. De même qu'il est illusoire de penser que les politiciens vont gouverner d'après les seuls faits, de même est-il indispensable de restreindre la tendance de tout pouvoir à manipuler les faits à son avantage. À cette fin, les régimes libéraux réfrènent les excès du pouvoir par une constitution et des freins et contrepoids qui divisent la puissance publique. Toutefois, Arendt doute que la limitation constitutionnelle du pouvoir soit un rempart suffisant contre le mensonge politique. Si le domaine politique est emprunt de mensonges, il faudrait que certains domaines dans la société en soient préservés, afin qu’il y ait un réel contrepoids. Le domaine de l’enseignement ou de la presse par exemple devraient être des endroits où la vérité et l’impartialité soient de véritables règles. Cette impartialité de la presse et des médias, que Hannah Arendt considère comme indispensable, pose de gros problème dans notre société actuelle, ou ce type d’institutions relayent impunément les mensonges des politiques. Enfin, le mensonge peut être légitime quand il se présente comme une substitution à un usage de la violence. Le mensonge peut s’avérer être un moyen moins dévastateur de préserver la paix. Donc si la vérité ne doit pas se poser comme règle politique et que le mensonge se trouve être un moyen légitime, il faut cependant que celui-ci soit encadré par des règles précises, par exemple qu’il ne soit pas généralisé à tous les domaines de la société, ou qu’il comporte la recherche d’une finalité juste. Mais lorsque l’on se pose la question de savoir si la vérité doit être une règle politique, on ne sous-entend pas uniquement la notion d’efficacité, mais également une obligation qui serait morale. Or légitimer le mensonge en politique laisse de côté la notion de morale. N’existe-t-il pas une certaine morale individuelle qui condamne le mensonge, à l’échelle de l’individu comme à l’échelle de la nation ? En effet, on pourrait se poser la question de la dignité d’un pouvoir politique qui serait totalement amoral. Selon Platon, la morale est intimement liée au domaine politique, puisque le but ultime de la politique, c’est la justice, c’est-à-dire l’application du Bien, donc la morale. Le plus grand désir de Platon est de faire triompher la vérité dans les faits, et en particulier d’établir une organisation politique et sociale conforme à la vérité. Il veut mettre à la tête de la cité ceux qui ont un caractère philosophe : c’est-à-dire qui possèdent l’amour passionné de la vérité. On est donc bien loin de la vision politique actuelle. Une cité qui serait basée sur le mensonge serait une cité viciée et indigne. Seules les cités justes ont un droit légitime. C’est l’idée qu’énonce Emile Zola lorsqu’il dit : > De plus, le manque de véracité des politiques, lorsqu’elle est découverte, discrédite la parole des dirigeants et la confiance que les citoyens ont placé en eux. Or cette confiance est indispensable au progrès et au bonheur de la société. Le mensonge, qui est censé assuré la cohésion sociale lorsqu’il est dissimulé, divise socialement lorsqu’il est découvert à grande échelle. Car la méfiance envers les autres engendre une agressivité mutuelle et empêche le progrès (comme par exemple la mise en place d’un droit international). Le mensonge n’est efficace que si la majorité du peuple croit en son subterfuge. Si le peuple n’est pas dupe, la vérité est toujours préférable afin de mettre en place une société pérenne et morale, qui bien que risquant la division par l’annonce de certaines vérités difficile à entendre, assurera une relation plus juste entre les dirigeants et les dirigés. Le mensonge en politique n’est légitime si l’on se trouve dans l’optique de conserver la cohésion sociale au prix de toutes autres valeurs morales, et si l’on considère que le but ultime de la politique est une certaine recherche de pouvoir. . Mais si l’on souhaite accéder à une société réellement juste, l’exercice de la vérité en sera obligatoirement une règle absolue.
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limitation constitutionnelle du pouvoir soit un rempart suffisant contre le mensonge politique.
Si le domaine politique est empruntde mensonges, il faudrait que certains domaines dans la société en soient préservés, afin qu'il y ait un réel contrepoids.
Ledomaine de l'enseignement ou de la presse par exemple devraient être des endroits où la vérité et l'impartialité soient de véritablesrègles.
Cette impartialité de la presse et des médias, que Hannah Arendt considère comme indispensable, pose de gros problèmedans notre société actuelle, ou ce type d'institutions relayent impunément les mensonges des politiques.Enfin, le mensonge peut être légitime quand il se présente comme une substitution à un usage de la violence.
Le mensonge peuts'avérer être un moyen moins dévastateur de préserver la paix.
Donc si la vérité ne doit pas se poser comme règle politique etque le mensonge se trouve être un moyen légitime, il faut cependant que celui-ci soit encadré par des règles précises, par exemplequ'il ne soit pas généralisé à tous les domaines de la société, ou qu'il comporte la recherche d'une finalité juste.
Mais lorsque l'on se pose la question de savoir si la vérité doit être une règle politique, on ne sous-entend pas uniquement lanotion d'efficacité, mais également une obligation qui serait morale.
Or légitimer le mensonge en politique laisse de côté la notionde morale.
N'existe-t-il pas une certaine morale individuelle qui condamne le mensonge, à l'échelle de l'individu comme à l'échellede la nation ? En effet, on pourrait se poser la question de la dignité d'un pouvoir politique qui serait totalement amoral.Selon Platon, la morale est intimement liée au domaine politique, puisque le but ultime de la politique, c'est la justice, c'est-à-direl'application du Bien, donc la morale.
Le plus grand désir de Platon est de faire triompher la vérité dans les faits, et en particulierd'établir une organisation politique et sociale conforme à la vérité.
Il veut mettre à la tête de la cité ceux qui ont un caractèrephilosophe : c'est-à-dire qui possèdent l'amour passionné de la vérité.
On est donc bien loin de la vision politique actuelle.
Unecité qui serait basée sur le mensonge serait une cité viciée et indigne.
Seules les cités justes ont un droit légitime.
C'est l'idéequ'énonce Emile Zola lorsqu'il dit : >De plus, le manque de véracité des politiques, lorsqu'elle est découverte, discrédite la parole des dirigeants et la confiance que lescitoyens ont placé en eux.
Or cette confiance est indispensable au progrès et au bonheur de la société.
Le mensonge, qui estcensé assuré la cohésion sociale lorsqu'il est dissimulé, divise socialement lorsqu'il est découvert à grande échelle.
Car la méfianceenvers les autres engendre une agressivité mutuelle et empêche le progrès (comme par exemple la mise en place d'un droitinternational).
Le mensonge n'est efficace que si la majorité du peuple croit en son subterfuge.
Si le peuple n'est pas dupe, lavérité est toujours préférable afin de mettre en place une société pérenne et morale, qui bien que risquant la division par l'annoncede certaines vérités difficile à entendre, assurera une relation plus juste entre les dirigeants et les dirigés.
Le mensonge en politique n'est légitime si l'on se trouve dans l'optique de conserver la cohésion sociale au prix de toutes autresvaleurs morales, et si l'on considère que le but ultime de la politique est une certaine recherche de pouvoir.
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Mais si l'on souhaiteaccéder à une société réellement juste, l'exercice de la vérité en sera obligatoirement une règle absolue..
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