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La Russie ratifie le traité de désarmement nucléaire Start II

Publié le 17/01/2022

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14 avril 2000 C'est un grand classique du genre : par fonction, par obligation sinon par inclination personnelle, un ministre des finances, quand il est de gauche, joue forcément contre son camp. Détenteur d'un ministère, qui est d'abord celui de la parole, il doit rassurer les marchés financiers. Protecteur des entreprises, qui relèvent de son périmètre de compétence, il doit nécessairement défendre leurs intérêts, lors des arbitrages interministériels. Gardien des grands équilibres économiques et financiers, il se doit naturellement d'être économe des deniers publics et jouer les pères-la-rigueur contre les ministères dépensiers. Bref, sauf à déroger à sa mission, le patron de Bercy, quelle que soit sa sensibilité initiale, a une voie toute tracée, toujours la même. L'austère voie de la rigueur. Faut-il pourtant enfermer Dominique Strauss-Kahn dans cette caricature ? Avec lui, ce serait sûrement faire fausse route et passer à côté de traits dominants du personnage. En faut-il une preuve, on la trouve dans les hommages qui lui ont été rendus, même après sa mise en cause dans l'affaire de la MNEF. Si son ami Pierre Moscovici, ministre délégué aux affaires européennes, lui a logiquement témoigné son soutien et lui a dit son "admiration ", on a aussi entendu des éloges dans le camp d'en face, par exemple, dans la bouche d'un Pierre Lellouche, député RPR, qui a salué en lui un "ministre talentueux". Et ce qui est encore vrai aujourd'hui, dans le tumulte des affaires, l'était encore plus avant qu'il n'ait présenté sa démission de son poste de ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Car, quels étaient alors les amis ou les "supporters" du patron de Bercy ? Le fait est qu'ils étaient innombrables. La presse financière anglo-saxonne ne manquait jamais une occasion de chanter ses louanges. Raymond Barre, lui- même, s'était transformé en "groupie" inattendu de "DSK" en voyant, en lui, un brin moqueur, un "Edgar Faure du socialisme". Et même le président du Medef, Ernest-Antoine Seillière, pourtant peu suspect d'indulgence à l'égard du gouvernement, y avait été de son compliment, en lâchant devant des troupes patronales médusées : "Nous avons un très bon ministre des finances, peut-être pas le meilleur de l'univers (...) mais il fait de son mieux pour ne pas ajouter aux handicaps des entrepreneurs." Mais dans son propre camp, "Strauss" était parvenu dans le même temps à ne pas se faire étiqueter comme "l'ami des patrons". Entretenant des relations très proches avec de nombreux syndicalistes, comme Marc Blondel (FO) ou Nicole Notat (CFDT), ou plus récemment Bernard Thibault (CGT), il avait aussi des relations privilégiées avec le secrétaire national du Parti communiste, Robert Hue. Signe révélateur : si les députés communistes ont parfois malmené Martine Aubry, sur la réforme des 35 heures ou les projets de loi de financement de la Sécurité sociale, ils ont toujours pris soin d'épargner Dominique Strauss-Kahn et ont régulièrement voté le volet fiscal - toujours le plus délicat - de ses projets de loi de finances. C'est dans ces amitiés-là, très oecuméniques, que réside le talent de "Strauss". De ce talent qui aurait pu faire de lui, s'il n'y avait eu cette funeste affaire de la MNEF, "l'un des plus grands ministres des finances" depuis plusieurs décennies, comme l'ont souvent dit - sans modestie - ses collaborateurs. Car, contrairement à tant de ses prédécesseurs, il s'est précisément bien gardé de se laisser enfermer dans le rôle qui est d'ordinaire dévolu au détenteur de ce portefeuille si délicat. Rigoureux, Dominique Strauss-Kahn l'a, certes, été. C'est lui, par exemple, qui a convaincu Lionel Jospin, au lendemain des élections législatives de 1997, de jouer à fond la carte de l'euro, et, oubliant les fameuses conditions que posaient auparavant les socialistes à son lancement, de se convertir au très contraignant pacte de stabilité européen. C'est lui encore qui a convaincu le premier ministre d'oublier l'engagement pris de garder France Télécom à 100 % public et de se lancer dans des opérations d'ouverture de capital des entreprises publiques ou de privatisation sans précédent, même à l'époque d'Edouard Balladur. Plus que cela : dans de très nombreux arbitrages interministériels, "DSK" a fréquemment pesé - sans toujours être entendu - dans le sens du "réalisme", pour modérer les ardeurs réformatrices de la majorité plurielle. Celle-ci envisageait-elle de faire payer aux entreprises, et à elles seules, en 1997, la facture de la réduction des déficits, via un relèvement de l'impôt sur les sociétés ? Le ministre des finances a tenté - en vain - de limiter au maximum l'addition, en suggérant que les ménages apportent, eux aussi, leur écot, par le biais d'un relèvement de l'impôt sur le revenu. Le gouvernement réfléchissait- il à une montée en puissance de la contribution sociale généralisée ? Peu désireux de durcir trop fortement la fiscalité de l'épargne, il a - cette fois encore en vain - essayé de freiner la réforme, en suggérant qu'elle soit mise en oeuvre en deux temps. Et l'on pourrait poursuivre les exemples : de la baisse de rémunération du livret A - dossier sensible s'il en est, à gauche - jusqu'à l'enterrement de la refonte de la taxe d'habitation, demandée par le PS, au profit d'une autre réforme, celle de la taxe professionnelle, applaudie par de nombreux chefs d'entreprise, les dossiers sont nombreux, qui ont permis à Dominique Strauss-Kahn de jouer à contre-emploi. Mais, à chaque fois, il a manoeuvré avec assez d'habileté pour ne pas renvoyer de lui- même cette seule image. Car, comme aime à le dire son épouse, Anne Sinclair, Dominique Strauss-Kahn, c'est "l'homme des audaces maîtrisées". Libéral, il l'est sûrement, même si depuis toujours - même quand il décide une stagnation des dépenses de l'Etat -, il se réfère au keynésianisme. Mais dans le même temps, il est suffisamment imaginatif pour donner au "peuple de gauche" quelques symboles susceptibles d'apaiser ses impatiences. Depuis l'alternance, ses proches conseillers n'ont donc jamais manqué de rappeler que l'hérésie des emplois-jeunes, c'était lui qui en avait eu l'idée. Et la fameuse réforme des 35 heures, c'est encore lui qui l'a portée dès ses débuts, alors que Martine Aubry y a été longtemps défavorable. Preuve qu'il n'a pas été l'insupportable "libéral" que certains ont voulu voir en lui. Le procès a-t-il eu d'ailleurs quelque écho ? Le fait est que non. Alors qu'en d'autres temps, Pierre Bérégovoy a vivement été pris à partie par ses propres amis socialistes qui le jugeaient responsable, au moins partiellement, des dérives de "l'argent fou" et des "années-fric", Dominique Strauss-Kahn, lui, n'a jamais eu véritablement à se défendre de ces accusations-là. Et, en tout cas, si, ici ou là, la critique a été entendue, elle n'a jamais pris beaucoup d'ampleur et n'est pas devenue systématique. Ce qui est d'ailleurs compréhensible : n'usant qu'avec discernement de la position de force que lui offrait la citadelle de Bercy, le ministre des finances - à la différence encore une fois d'un Bérégovoy - n'a jamais cherché à exister politiquement en faisant entendre sa différence par rapport à Matignon. A quelques accrocs près, c'est même exactement l'inverse. Plutôt beau joueur, et par nature peu rancunier, il s'est toujours incliné devant les arbitrages du premier ministre, même quand ils ne lui étaient pas favorables. Mieux que cela : ayant fait le choix d'indexer en permanence sa carrière politique sur celle de Lionel Jospin, qui fut son témoin de mariage, il a mis en permanence sa compétence au service de son ami. On comprend donc que les charges "anti-Strauss" n'aient jamais pris d'ampleur : lui reprocher d'être le "droitier" de service, c'était du même coup reprocher au premier ministre lui-même de conduire une politique économique trop libérale. Dans les rangs de la majorité plurielle, personne n'a donc succombé à la tentation d'établir une comparaison entre Pierre Bérégovoy et Dominique Strauss-Kahn. Question de personnalité : Si "Béré" était dogmatique, confiait au début de l'hiver 1998, François Hollande, premier secrétaire du PS, "Strauss", lui est un "pragmatique". En quelque sorte, s'il est arrivé au ministre des finances d'avoir le rôle de modérateur inhérent à sa fonction, il a fait, dans ce domaine, "le minimum syndical", selon la formule d'un hiérarque socialiste. Mais cette habileté-là suffit-elle à résumer le personnage ? Longtemps cela été sa force, mais indéniablement, c'est aussi devenu insensiblement sa faiblesse. Car jamais Dominique Strauss-Kahn n'a sans doute livré véritablement le fond de sa pensée. Ne dédaignant pas citer quelques glorieux ancêtres - Marx, Proudhon, Keynes ou quelques autres -, mais cherchant aussi à incarner un socialisme new-look ; durcissant - un tout petit peu - l'impôt sur la fortune, mais parlant aussi - beaucoup - de nouvelles technologies ; dénonçant, comme Lionel Jospin, la recherche d'une "troisième voie", mais évoquant avec délectation la perspective d'une "new economy", très proche du modèle anglo-saxon, il a, depuis l'alternance de 1997, joué sur de multiples tableaux. Comme s'il n'osait dire publiquement qu'il était, malgré tout, à la recherche d'une voie médiane, pas très éloignée de celle d'un Blair ou - version française - d'un Mendes France.... Et cette ambiguïté-là a fini par se faire sentir et a contribué, au moins pour partie, à brouiller l'image de la politique économique du gouvernement. Saura-t-on ainsi, un jour, la véritable histoire de la bataille autour de l'impôt sur le revenu ou encore des stock-options qui s'est déroulée dans les coulisses du pouvoir ? Dominique Strauss-Kahn s'est toujours défendu d'avoir distillé dans la presse, voici bientôt un an, des indiscrétions laissant entendre que le gouvernement pourrait envisager de baisser ce prélèvement - une réforme que jusque là, seule la droite préconisait. Publiquement, il n'a donc jamais revendiqué un changement de doctrine fiscale, jamais défendu auprès de la majorité l'idée qu'il fallait prendre garde aux effets de la mondialisation, se soucier aussi des classes moyennes et ne pas dessiner le grand Meccano des impôts au seul profit des moins favorisés. Lui qui avait manifesté un réel talent pour régler les dossiers industriels et financiers les plus embrouillés, de la Société marseillaise de crédit jusqu'au Crédit lyonnais, en passant par Thomson ou le Crédit foncier il a préféré, pour une fois, avancer de biais. On se souvient de l'imbroglio qu'il a alors créé. Instillant en janvier, sans que personne n'y prenne vraiment garde, un volet prévoyant une forte baisse de la fiscalité des stock- options dans un projet de loi de Claude Allègre sur la recherche, favorable par la force des choses à des couches sociales pas franchement populaires, il a dû battre une première fois en retraite et accepter que le projet soit provisoirement enterré. Puis à l'automne, quand le débat a repris, le groupe socialiste, qui ne l'avait jamais défié, lui a même imposé le camouflet de voter comme un seul homme un amendement prévoyant de durcir la fiscalité de ces stock-options, avant de le retirer, mais avec l'engagement de sa part que la réforme serait reprise dans les prochains mois. Bref, lui qui avait finement piloté la politique économique depuis son arrivée a eu aussi sa part de responsabilité dans les embardées de la rentrée. De l'affaire Michelin, qui a tellement embarrassé le gouvernement, jusqu'au débat fiscal, qui a tourné à la cacophonie, il a montré moins de doigté qu'à l'ordinaire. Mais quelle importance ! Ce n'est sans doute pas ce souvenir-là que laissera Dominique Strauss-Kahn, ministre des finances. Est-ce le résultat d'une chance extraordinaire ou le produit d'un véritable savoir-faire ? Alors que beaucoup de ces prédécesseurs, gaffeurs ou effacés, n'ont guère marqué Bercy de leur empreinte, il a, lui, fortement imprimé sa trace et laissé en héritage une économie en pleine santé. Consommation en vive hausse, investissement des entreprises en forte reprise, morale des patrons à des sommets historiques, chômage en recul constant depuis deux ans : la conjoncture est remarquablement bien orientée, et c'était l'une de ses fiertés. Il ne manquait jamais une occasion pour suggérer que c'était en partie à son doigté qu'on le devait. "Si nous ne faisons pas de bêtises, la France peut connaître une phase d'expansion relativement longue, de l'ordre de six ou sept ans", se réjouissait-il, ainsi, le 25 octobre, dans La Croix. "Si nous ne faisons pas de bêtises"... La phrase prend aujourd'hui une curieuse résonance. Les députés de la Douma (chambre basse du Parlement russe) ont adopté à une très large majorité ­ 288 voix pour, 131 contre et 4 abstentions - la loi de ratification du traité de désarmement nucléaire Start II, vendredi 14 avril. Signé en janvier 1993 par les présidents George Bush et Boris Eltsine, cet accord prévoit, dans la foulée de Start I, une nouvelle limitation des arsenaux nucléaires stratégiques, les deux pays s'engageant à réduire à 3 000-3 500 leur nombre de têtes nucléaires d'ici à 2007. La Douma, dominée par une coalition nationalo-communiste jusqu'aux législatives de décembre 1999, avait jusqu'alors refusé de ratifier ce traité. Au fil des ans, Start II était devenu le symbole de la mauvaise humeur des Russes envers la politique américaine et de la panne du processus de désarmement. Soumis aux députés à plusieurs reprises par Boris Eltsine, cette ratification fut chaque fois ajournée à titre de représailles contre l'extension de l'OTAN en Europe centrale, contre les bombardements américains sur l'Irak, contre l'intervention de l'Alliance atlantique au Kosovo. Cette fois, Vladimir Poutine a pu convaincre une large majorité de députés, réussissant ainsi son premier test parlementaire important. Trois semaines après son élection, le président, dont l'investiture est prévue début mai, relativise l'alliance passée avec les communistes en janvier pour la répartition des postes de responsabilités à la Douma. Il démontre qu'il dispose d'une forte majorité de députés centristes, libéraux ou indépendants prêts à soutenir sa politique alors qu'est annoncée une nouvelle phase de réformes économiques. UN SIGNAL POSITIF Les conseillers de M. Poutine poussaient à une ratification rapide de Start II pour en faire un vote symbole d'une nouvelle période. Au moment où la Russie est accusée de violations massives des droits de l'homme en Tchétchénie, Moscou veut adresser un signal positif à l'Occident. Cette ratification intervient alors que M. Poutine effectuera ce week-end son premier voyage à l'étranger (en Grande-Bretagne, il sera reçu par le premier ministre britannique Tony Blair et la reine d'Angleterre). Le 24 avril, Igor Ivanov, ministre des affaires étrangères, entreprend une tournée aux Etats-Unis, un déplacement en partie consacré aux problèmes de désarmement. Le traité Start II n'entrera pas en application pour autant. S'il a été ratifié par le Sénat américain en 1996, plusieurs protocoles ont été ajoutés en 1997 à l'issue des accords de New York : le délai d'application fut repoussé de 2003 à 2007, et il fut surtout réaffirmé que le traité ABM antimissiles balistiques de 1972 ne pouvait être modifié. Selon tous les experts, le Sénat américain refusera de ratifier ce traité "amendé", comme il l'avait fait savoir dès 1997. Moscou, accusé jusqu'alors de bloquer le processus de désarmement, renvoie ainsi la balle côté américain. "A nos partenaires de faire le pas suivant ", a lancé, vendredi, M. Poutine. Car la ratification de Start II est avant tout un moyen pour la Russie de peser plus fortement sur deux autres négociations, Start III, et le traité ABM. Les Etats-Unis souhaitent modifier ce traité pour pouvoir éventuellement créer dans les vingt prochaines années un système national de défense antimissiles, mettant en avant les nouvelles menaces que représentent certains pays comme la Corée du Nord ou l'Iran. La Russie estime, en revanche, que le traité ABM "constitue la pierre angulaire du système de sécurité" et se dit opposée à toute modification. "La ratification de Start II est le moyen d'empêcher les Américains de modifier le traité ABM", ont expliqué les parlementaires russes reprenant ainsi l'argumentaire du Kremlin. Vladimir Poutine a clairement menacé : "Si les Etats-Unis violent l'accord ABM, nous sortirons non seulement de Start II mais de tout le système de limitation des armements stratégiques et éventuellement tactiques." Moscou se déclare prêt "à proposer de nouvelles réductions des arsenaux nucléaires dans le cadre de Start III", a précisé Igor Ivanov. "Mais cela n'est possible que si le traité ABM est respecté", a-t-il ajouté. Dans le cadre de Start III, les Russes demandent une réduction à 1 500 du nombre de têtes nucléaires quand les Etats-Unis souhaitent rester au niveau initialement prévu de 2 000-2 500. SATISFACTION AMÉRICAINE Côté américain, on se félicite de cette ratification. "Très satisfait", Bill Clinton estime que "cette étape cruciale (...) ouvre la voie à d'autres mesures pour réduire encore davantage les armes nucléaires et la menace atomique". Mais le département d'Etat américain s'est également dit "conscient de certaines conditions" posées par la Russie pour l'entrée en vigueur de Start II et du problème que pose la ratification des accords complémentaires de 1997 par le Sénat américain. "Nous allons intensivement consulter le Congrès", a annoncé James Rubin, porte-parole du département d'Etat. Washington s'est aussi défendu de vouloir quitter unilatéralement le traité ABM. "Nous ne voulons procéder qu'à quelques ajustements", avait répété en début de semaine Strobe Talbott, secrétaire d'Etat adjoint. Le cadeau russe de la ratification de Start II vient ainsi compliquer un peu plus la position américaine. FRANCOIS BONNET Le Monde du 17 avril 2000

« Mais dans le même temps, il est suffisamment imaginatif pour donner au "peuple de gauche" quelques symboles susceptiblesd'apaiser ses impatiences.

Depuis l'alternance, ses proches conseillers n'ont donc jamais manqué de rappeler que l'hérésie desemplois-jeunes, c'était lui qui en avait eu l'idée.

Et la fameuse réforme des 35 heures, c'est encore lui qui l'a portée dès sesdébuts, alors que Martine Aubry y a été longtemps défavorable.

Preuve qu'il n'a pas été l'insupportable "libéral" que certains ontvoulu voir en lui. Le procès a-t-il eu d'ailleurs quelque écho ? Le fait est que non.

Alors qu'en d'autres temps, Pierre Bérégovoy a vivement étépris à partie par ses propres amis socialistes qui le jugeaient responsable, au moins partiellement, des dérives de "l'argent fou" etdes "années-fric", Dominique Strauss-Kahn, lui, n'a jamais eu véritablement à se défendre de ces accusations-là.

Et, en tout cas,si, ici ou là, la critique a été entendue, elle n'a jamais pris beaucoup d'ampleur et n'est pas devenue systématique.

Ce qui estd'ailleurs compréhensible : n'usant qu'avec discernement de la position de force que lui offrait la citadelle de Bercy, le ministre desfinances - à la différence encore une fois d'un Bérégovoy - n'a jamais cherché à exister politiquement en faisant entendre sadifférence par rapport à Matignon.

A quelques accrocs près, c'est même exactement l'inverse. Plutôt beau joueur, et par nature peu rancunier, il s'est toujours incliné devant les arbitrages du premier ministre, même quand ilsne lui étaient pas favorables.

Mieux que cela : ayant fait le choix d'indexer en permanence sa carrière politique sur celle de LionelJospin, qui fut son témoin de mariage, il a mis en permanence sa compétence au service de son ami.

On comprend donc que lescharges "anti-Strauss" n'aient jamais pris d'ampleur : lui reprocher d'être le "droitier" de service, c'était du même coup reprocherau premier ministre lui-même de conduire une politique économique trop libérale. Dans les rangs de la majorité plurielle, personne n'a donc succombé à la tentation d'établir une comparaison entre PierreBérégovoy et Dominique Strauss-Kahn.

Question de personnalité : Si "Béré" était dogmatique, confiait au début de l'hiver 1998,François Hollande, premier secrétaire du PS, "Strauss", lui est un "pragmatique".

En quelque sorte, s'il est arrivé au ministre desfinances d'avoir le rôle de modérateur inhérent à sa fonction, il a fait, dans ce domaine, "le minimum syndical", selon la formuled'un hiérarque socialiste. Mais cette habileté-là suffit-elle à résumer le personnage ? Longtemps cela été sa force, mais indéniablement, c'est aussi devenuinsensiblement sa faiblesse.

Car jamais Dominique Strauss-Kahn n'a sans doute livré véritablement le fond de sa pensée.

Nedédaignant pas citer quelques glorieux ancêtres - Marx, Proudhon, Keynes ou quelques autres -, mais cherchant aussi à incarnerun socialisme new-look ; durcissant - un tout petit peu - l'impôt sur la fortune, mais parlant aussi - beaucoup - de nouvellestechnologies ; dénonçant, comme Lionel Jospin, la recherche d'une "troisième voie", mais évoquant avec délectation laperspective d'une "new economy", très proche du modèle anglo-saxon, il a, depuis l'alternance de 1997, joué sur de multiplestableaux.

Comme s'il n'osait dire publiquement qu'il était, malgré tout, à la recherche d'une voie médiane, pas très éloignée decelle d'un Blair ou - version française - d'un Mendes France.... Et cette ambiguïté-là a fini par se faire sentir et a contribué, au moins pour partie, à brouiller l'image de la politique économiquedu gouvernement.

Saura-t-on ainsi, un jour, la véritable histoire de la bataille autour de l'impôt sur le revenu ou encore des stock-options qui s'est déroulée dans les coulisses du pouvoir ? Dominique Strauss-Kahn s'est toujours défendu d'avoir distillé dans lapresse, voici bientôt un an, des indiscrétions laissant entendre que le gouvernement pourrait envisager de baisser ce prélèvement -une réforme que jusque là, seule la droite préconisait. Publiquement, il n'a donc jamais revendiqué un changement de doctrine fiscale, jamais défendu auprès de la majorité l'idée qu'ilfallait prendre garde aux effets de la mondialisation, se soucier aussi des classes moyennes et ne pas dessiner le grand Meccanodes impôts au seul profit des moins favorisés.

Lui qui avait manifesté un réel talent pour régler les dossiers industriels et financiersles plus embrouillés, de la Société marseillaise de crédit jusqu'au Crédit lyonnais, en passant par Thomson ou le Crédit foncier il apréféré, pour une fois, avancer de biais. On se souvient de l'imbroglio qu'il a alors créé.

Instillant en janvier, sans que personne n'y prenne vraiment garde, un voletprévoyant une forte baisse de la fiscalité des stock- options dans un projet de loi de Claude Allègre sur la recherche, favorablepar la force des choses à des couches sociales pas franchement populaires, il a dû battre une première fois en retraite et accepterque le projet soit provisoirement enterré.

Puis à l'automne, quand le débat a repris, le groupe socialiste, qui ne l'avait jamais défié,lui a même imposé le camouflet de voter comme un seul homme un amendement prévoyant de durcir la fiscalité de ces stock-options, avant de le retirer, mais avec l'engagement de sa part que la réforme serait reprise dans les prochains mois.

Bref, lui quiavait finement piloté la politique économique depuis son arrivée a eu aussi sa part de responsabilité dans les embardées de larentrée.

De l'affaire Michelin, qui a tellement embarrassé le gouvernement, jusqu'au débat fiscal, qui a tourné à la cacophonie, il amontré moins de doigté qu'à l'ordinaire.. »

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