LA QUESTION DES GENRES.

 La question des genres est une question uniquement historique : les genres existent comme des formes qui naissent du fait des circonstances publiques et des hommes. Ce n'est nullement une question dogmatique : on ne saurait, une fois pour toutes, fixer et définir la forme des genres en vertu de principes abstraits. Ce n'est pas non plus une question de science expérimentale : les genres n'ont pas d'existence en soi; ils existent uniquement du fait des circonstances historiques et des hommes, dont l'action est capricieuse et imprévisible; on ne saurait assimiler leurs transformations à l'évolution des espèces biologiques.  L'erreur dogmatique est, plus ou moins, celle des théoriciens abstraits, d'Aristote à Boileau et ses successeurs, qui ont prétendu fixer dans l'absolu, les règles de certains genres, notamment des genres dramatiques ; les classiques eux-mêmes ont réagi contre les règles avec un parfait bon sens.  L'erreur scientifique est surtout celle d'un critique universitaire de la fin du 19e siècle, Ferdinand Brunetière (1849-1906) qui a voulu étudier scientifiquement l'évolution des genres dans l'Évolution de la Critique (1890) et l'Évolution de la Poésie lyrique au XIXe siècle (1894).  En réalité, les genres ont une existence historique bien réelle, mais ils subissent des transformations imprévisibles du fait des circonstances historiques. Toute révolution littéraire remet en question la tradition des genres : c'est ce qui s'est produit à la Renaissance, au 17e siècle et à l'époque romantique.  La bonne méthode consiste donc à tracer un cadre général d'étude répondant aux conditions historiques de l'existence de la littérature, et, dans ce cadre, d'étudier les genres dans leur existence historique : origine; forme; public; chefs-d'œuvre.