La politique de Low Cost
Publié le 07/10/2012
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« La pratique du ‘low cost’ voit son domaine s’élargir de plus en plus. Aucun secteur, aucun produit, ou, aucun service ne semble être épargné. De quelle marge de manœuvre la fonction marketing dispose-t-elle dans un tel contexte ? Comment concilier baisse des coûts et différenciation ? Est-ce la fin d’un marketing traditionnel ? « Les entreprises ont compris depuis longtemps que pour réussir une activité commerciale, il faut adapter les produits et les services aux besoins de chaque type de clientèle, et différencier les prix en fonction de ces types. La valeur perçue d'un produit ou service varie en effet selon les consommateurs ; c’est sur ce constat que les directions marketing s’appuient pour bâtir une politique de prix efficace. Certes fondée sur les coûts, elle tente avant tout de répondre à la question cruciale : quelle valeur chaque client attache-t-il personnellement au produit ? C’est l’approche qui permet de valoriser le potentiel de différenciation et de maximiser les profits. En répondant à cette question, les entreprises ont la possibilité de faire en sorte que les clients attachant une valeur élevée à un produit ou service ne puissent pas bénéficier de produits ou services proches à moindres marges, destinés aux clients souvent plus nombreux qui attachent moins de valeur à ce même produit. Pour ce faire, elles optimisent la répartition des produits ou services sur leurs lieux de distribution, ainsi
que leurs prix de vente. Cette répartition dépend, d’une part, du coût du produit ou du service incluant la logistique et la présentation, d’autre part, des habitudes de fréquentation et du « pouvoir d’achat « de chaque catégorie de clients (exemples : grandes surfaces ou petits commerces artisanaux, rayon bio d’un magasin, agence de voyage locale ou électronique …). Notamment, deux produits de même destination et de valeurs perçues trop proches sur un même lieu de vente seront ainsi distribués dans des lieux différents ; à contrario, si ces deux produits ont des valeurs perçues fort distinctes, ils pourront être vendus sur un même lieu avec des prix très différents. La fixation des prix suit plusieurs techniques. Parmi elle, la technique du rabais sur quantité est l’une des plus fréquemment utilisées et fait profiter des bas prix aux fabricants, aux intermédiaires ainsi qu’aux clients finaux, en profitant d’économies d’échelle sur des volumes importants. Par exemple, dans le secteur du transport logistique, DHL Express réduit le prix par expédition selon la quantité d’envois « promise « par période. La demande des consommateurs est mieux exploitée, puisque les gros clients potentiels bénéficient de prix plus attractifs que ceux qui se satisfont d'une seule expédition. La stratégie de gamme est une autre technique très répandue. Face à la concurrence, les grandes marques ont la possibilité d’agir de différentes manières
: baisser les prix de façon permanente ou bien temporaire pour éliminer les concurrents sur une période critique du développement d’un produit ou service ; introduire un nouveau produit moins cher, sous une deuxième marque, une marque générique ou encore une marque de distributeur. Il s’agit de fixer un prix de façon à limiter la cannibalisation avec la marque principale et à regagner des parts de marché. Dans un contexte économique international défavorable et la perspective d’un ralentissement de la croissance, les classes moyennes s’amenuisent progressivement. La politique des entreprises consiste alors à cibler davantage la population à moindre « pouvoir d’achat «, très majoritaire et plutôt tournée vers les besoins fondamentaux (en 2006, 50% des ménages français avaient un revenu annuel disponible de moins de 27 000 euros). Depuis son apparition au milieu du 20è siècle en Allemagne dans le secteur alimentaire, c’est dans le cadre de conjonctures économiques analogues que le concept de produits et services à bas prix, plus souvent appelé « low cost «, s’est répandu en France. Il a été transplanté dans pratiquement tous les domaines de consommation. L’extension de ce concept a en effet été ensuite largement favorisée à la fin des années 90 par le média Internet réduisant les coûts d’infrastructure et de personnel sur des activités commerciales très variées. Aujourd’hui, la généralisation du « low cost « ne se limite
plus aux achats électroniques. Dans le domaine du hard discount alimentaire, les supermarchés comme Aldi, Lidl, Ed sont florissants et séduisent un nombre croissant de consommateurs français au grand dam des enseignes traditionnelles de super et hypermarchés. Pour garantir leurs prix, les enseignes « low cost « commandent d'importants volumes pour l'ensemble de leur réseau, exclusivement distribués sous marque propre ou sans marque, et réduisent les coûts d'exploitation au maximum : locaux minimalistes, une seule référence par type de produit, présenté dans les cartons d'origine ou sur palettes, personnel réduit aux caissières et aux manutentionnaires. Pour faire face à cette rude concurrence, les marques développent de plus en plus leur propre filiale « low cost «, comme Décathlon et son magasin Toboggan, le fleuriste Monceau Fleur et sa filiale Happy, ou encore Intermarché et son marché discount Netto. Si ce type d'opérations se multiplie, c'est bien que les marques y trouvent leur compte. Et les consommateurs aussi. Mais en même temps, en acceptant de payer un « produit bradé «, il ne faut pas s'attendre à un service trois étoiles. Certains consommateurs en ont tout à fait conscience, et acceptent en connaissance de cause les conditions du « low cost «. Les marques hard discount ont ainsi acquis des clients fidèles, même face aux efforts de la grande distribution. Plus de la moitié des ménages français fréquentent au
moins une fois dans l'année une enseigne de Hard Discount. Peu de foyers en France n’ont jamais acheté de produits électroménagers et multimédia sur Internet à un prix défiant toute concurrence. Mobilier, informatique, mode, loisirs, le discount s’étend sur toujours plus de domaines de consommation. Existe-t-il donc encore des secteurs d’activité épargnés par le « low cost « ? Prenons l’exemple de DHL Express, un des leaders mondiaux du transport et de la logistique. Par essence, la politique marketing des sociétés de transport ‘express’ ne peut être fondée sur les bas prix. Le service proposé est un service à valeur ajoutée où chaque expédition demande les efforts et la coordination de nombreux intervenants sur du matériel et des infrastructures variés et spécialisés : du conseiller qui a pris la réservation, en passant par le livreur qui effectuera l’enlèvement chez le client, l’agent de quai qui triera les colis et les chargera en palette, le pilote de l’avion qui transportera la marchandise, le conseiller back-line qui suivra le trajet et optimisera les délais, jusqu’au livreur qui effectuera la livraison en mains propres. Certaines de ces activités sont spécifiques à la qualité ‘express’ du transport et induisent des dépenses considérables en carburant qui se reportent sur les coûts. L’action du marketing de DHL est ainsi surtout fondée sur le nom, la marque qui doivent être synonyme de qualité de service dans l’esprit
des clients. Conscient des efforts de ses concurrents, DHL Express acquiert de nouveaux clients et fidélise la clientèle existante en proposant toujours plus de services à valeur ajoutée pour le même prix : accueil personnalisé de la demande pour les clients en passe d’entrer dans la catégorie « grand compte «, organisation des passages des agents DHL via Internet, facturation simplifiée, suivi personnalisé par catégorie de marchandise, emballage écologique, etc. Face aux « géants « du marché du transport et de la logistique, nombre de petites et moyennes sociétés de transports proposent des prix moins élevés pour le transport express à l’international. Comment parviennent-ils à offrir le même service à moindre prix ? Ces sociétés signent des contrats avec les grandes entreprises de transport comme DHL, Fedex, TNT afin d’utiliser leurs services. Elles regroupent les petits volumes d’affaire de clients localisés, potentiellement clients directs des grandes sociétés de transport. Du fait des volumes quotidiens importants d’expéditions générés après regroupement, ces PME obtiennent de meilleurs prix d’acheminement auprès des grandes sociétés comparativement à ceux qu’obtiendraient individuellement les clients concernés. Ce qui permet à ces PME de proposer à leurs clients des prix inférieurs sur la globalité de l’opération. Autrement dit, ces petites sociétés utilisent judicieusement DHL, Fedex, TNT, etc. comme sous-traitants.
Mais à moindre prix, le service est loin d’être identique : le suivi de colis rarement disponible de bout en bout, le client et le sous-traitant sont obligés de passer par plusieurs intermédiaires pour obtenir des informations en cas de problème de livraison. Malgré l’absence de service trois étoiles, leurs prix restent pourtant élevés sur le marché du transport. En effet, du fait des coûts matériels, de personnel et d’infrastructure nécessaires au transport express sous-traités ou non, ces services d’acheminement restent luxueux comparativement aux services proposés par les services postaux des différents pays d’intervention. Ils ne peuvent donc en aucune manière être qualifiés de « low cost «. Bien qu’on puisse être tenté d’y interpréter une tentative de politique « low cost «, les PME du transport se contentent de rejoindre ici l’un des axes de rationalisation depuis longtemps exploité par les leaders du transport : l’optimisation des réseaux logistiques sur un maillage à leur portée. Malgré le succès du « low-cost « dans de nombreux domaines, les marques à bas prix sont aujourd’hui obligées, elles aussi, de revoir leur politique marketing. Si auparavant l’expression « bas prix « parlait d’elle-même aux consommateurs, les enseignes indépendantes, historiquement spécialisées dans le « low cost «, investissent désormais de plus en plus en publicité, car leur fréquentation ralentit depuis peu. De nombreuses caractéristiques
inhérentes au « low cost « expliquent ce constat : peu de choix, manque de propreté dans les magasins, qualité des produits insuffisante, délais incertains de livraison sur Internet, délais de passage en caisse dans le hard discount, garantie restreinte des produits, ... Les efforts des grandes marques ne leur facilitent pas la tâche. Avec la généralisation des marques « 1er prix « des grandes enseignes et l’ouverture de filiales « low-cost «, la grande distribution, très polyvalente, parvient à reconquérir son ancienne clientèle en proposant finalement la solution idéale pour les consommateurs qui retrouvent leurs magasins et ont la liberté de choisir entre les produits à bas prix et leurs produits habituels, en les présentant de manière « rationnelle «, selon leurs attentes, couvrant la grande majorité de leurs besoins de consommation. Nous avons vu que les décisions des consommateurs ne dépendent pas seulement des prix. Chacun d’eux possède sa propre vision du monde qui influence ses habitudes de consommation et sa fidélité à la marque ou au magasin en fonction des produits et services consommés. Cette vision personnelle et subjective les conduit également à choisir leur appartenance à un groupe social. S’il est un temps où le « low cost « est communément admis comme un moyen de lutte en faveur du pouvoir d’achat, il n’en reste pas moins que chaque consommateur ne peut se percevoir comme appartenant exclusivement
à la catégorie sociale marquée qu’il associe naturellement au « low cost «. Dans certains secteurs d’activité, l’offre des entreprises représente la seule réponse aux besoins du marché et, en vue d’une réduction des coûts, relève davantage de l’optimisation classique des moyens plutôt que de pratiques « low cost «. A l’opposé, les grandes marques traditionnelles d’autres secteurs d’activité ont été directement impactées par la concurrence des enseignes et marques spécialisées « low cost «. En s’appuyant sur les pratiques du marketing traditionnel, ces dernières ont su insérer les valeurs du « low cost « au milieu de leurs gammes de produits et services, et, par là même, laisser aux consommateurs la liberté de choisir en fonction de leurs valeurs respectives. Elles ont gommé à leurs yeux la frontière, initialement bien établie par les spécialistes du « low cost «, entre le « tout à bas prix « et le « prix à payer « pour la variété et la qualité. Répondant à la tendance constante des consommateurs à rejoindre progressivement un niveau et une qualité de vie perçus plus élevés selon leurs propres critères, assujettis à leurs changements d’humeurs et leurs moyens, les praticiens du marketing traditionnel ont une fois de plus démontré une grande adaptation aux évolutions de contexte socio-économique et profité de l’émergence de nouveaux modèles de valeurs. Ils se sont évertués à proposer sans excès le « low cost «, là où il est attendu.
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