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La naissance de Combat

Publié le 22/02/2012

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Novembre 1941 - Novembre 1940, la zone non occupée se prépare à l'hiver, les soucis quotidiens dominent les esprits et, pourtant, quelques-uns imaginent pouvoir refuser la défaite. Ils sont une petite quinzaine : un abbé et un caporal à Avignon, deux officiers à Saint-Raphaël, un ingénieur chimiste, Jean Gemahling (il deviendra chef du renseignement du mouvement Combat), deux médecins, un vendeur de billets de la Loterie nationale dans le Vaucluse, un professeur à Aix, un directeur de la Banque ottomane et deux lieutenants à Marseille, dont l'un, Maurice Chevance, en instance de congé de la coloniale, rêve de créer une agence de voyages et de transport vers l'Afrique. Avec eux, il y a Bertie Albrecht. Dès 1933, elle a mis son aisance financière au service de la gauche antifasciste à la veille de la guerre, elle est surintendante d'usine, engagée dans les premières expériences de travail social en entreprise. Enfin, à l'origine de cette tentative, un officier d'état-major, Henri Frenay. Bon connaisseur de l'Allemagne grâce à sa formation au Centre d'études germaniques de Strasbourg, il a grandi dans le giron de la " droite française, traditionaliste, pauvre, patriote et paternaliste (1) ". Ensemble, ils forment le premier noyau de ce qui deviendra le mouvement Combat. A Marseille, Lyon ou Toulouse, on applaudit, on remercie le vainqueur de Verdun. De son côté, Bertie Albrecht, imperturbable, penchée sur sa vieille machine à écrire, s'acharne sur plusieurs épaisseurs de feuilles et de carbones. Elle fabrique un bulletin d'information, une simple page recto verso, des nouvelles à l'état brut, des notes brèves sur la situation en Alsace-Lorraine, les pertes allemandes ou la bataille d'Angleterre. Dix-huit exemplaires, tel est le tirage du premier bulletin. Ainsi s'expriment quelques individualités entrées modestement en résistance après la rencontre Hitler-Pétain de Montoire. Novembre 1940-novembre 1941. En un an, de l'éparpillement va naître un mouvement de résistance. Henri Frenay a très tôt pensé la mise en oeuvre d'une vaste organisation couvrant les deux zones, avec son armée secrète, ses corps francs, son service social, sa propagande et sa hiérarchie : centrale, régionale, départementale et locale. Il lui a donné un nom : Mouvement de libération nationale. Le cadre est là, méticuleusement pensé, parfaitement ordonné. Mais la coquille est vide, ou presque. On recrute par relations : Maurice Chevance a pris en charge la région marseillaise Claude Bourdet, contacté en février 1941, se voit nommer responsable des Alpes-Maritimes Bertie Albrecht, envoyée à Lyon par l'administration vichyste pour prendre en charge les problèmes du chômage féminin, engage dans le mouvement naissant ses propres collaboratrices. En avril, le capitaine Robert Guedon, condisciple saint-cyrien d'Henri Frenay, regroupe des noyaux épars de la zone nord, dans la Somme, le Pas-de-Calais, à Reims, dans les Deux-Sèvres, à Paris. " Les Petites Ailes de France " En créant les Petites Ailes de France, le MLN s'est doté d'un " vrai " journal, imprimé d'une part à La Garenne-Colombes pour les équipes résistantes des zones occupées et interdites, d'autre part à Lyon, dans le quartier du Tonkin. Les Petites Ailes de France, organe du Mouvement de libération national, ménagent volontairement le maréchal Pétain. Simple tactique politique pour se faire entendre d'une opinion profondément maréchaliste ou respect tout militaire, mais largement partagé, pour le vainqueur de Verdun ? Les deux raisons coexistent, elles expliquent les premières méfiances d'autres groupes de la Résistance envers l'équipe de Frenay et l'attention particulière de certains milieux vichystes pour cette organisation. Une telle modération ouvre quelques portes, celle, par exemple, du ministre de l'intérieur Pucheu elle freine un court moment les activités de répression et apporte quelque argent. Ainsi, par l'intermédiaire de relations monarchistes, le contact est pris avec le général de La Laurencie, pétainiste convaincu et ennemi juré de Pierre Laval. Evincé en décembre 1940, sous la pression allemande, de son poste de délégué du maréchal dans le Paris occupé, il annonce publiquement son souhait d'une victoire anglaise et cache à peine son désir de prendre la direction d'une résistance intérieure. Il offre 350 000 francs à Henri Frenay. L'origine des fonds ? Les services secrets américains. Le but ? Allan Dulles, le patron du service pour l'Europe, a décidé de soutenir un mouvement anti-allemand et antigaulliste d'opposition à Laval capable de ménager le vainqueur de Verdun. La tension sera extrême entre les services de Jean Moulin et la direction de Combat. Novembre 1941. Henri Frenay, dont le mouvement s'impose par ses capacités organisationnelles, cherche à regrouper l'ensemble des activités de la zone sud. Depuis juin, une discussion est engagée avec, d'une part, l'équipe socialisante et laïque de Libération, dirigée par Emmanuel d'Astier, et d'autre part, les animateurs chrétiens (2) de Liberté, journal diffusé clandestinement à 45 000 exemplaires dans les milieux universitaires de Toulouse, Montpellier, Clermont-Ferrand, parmi les anciens du Sillon et les habitués des Semaines sociales. Début novembre, une ultime réunion se tient à Grenoble. D'Astier est absent, Libération se retire de facto du projet. La fusion est donc rapidement décidée entre le Mouvement de libération nationale et les résistants de Liberté. Une nouvelle organisation voit le jour, le Mouvement de libération française un journal unique est créé : Combat. Régionalement, les équipes se regroupent sans problèmes majeurs au niveau central, le comité directeur mis en place est plus sensible aux conflits de personnes et aux différences d'appréciation sur le devenir du Mouvement. Sans démissionner, avec discrétion, les anciens fondateurs de Liberté s'éloigneront assez vite de ce que l'on appelle déjà le mouvement Combat. La plupart rejoindront les services de Jean Moulin dans le cadre du comité général d'études chargé de penser la remise en route d'un appareil d'Etat épuré et de préparer l'installation, dès le débarquement, des commissaires et préfets de la Libération. Les divergences n'empêchent pas le mouvement Combat de développer ses activités et son implantation. Le journal, grâce à une organisation minutieuse et à l'activité de bon nombre d'artisans imprimeurs, est diffusé dans toutes les régions. Certes, il faudra attendre mai 1942 pour que le cordon soit officiellement coupé avec le mythe Pétain, mais, dès février, Combat n'hésite pas à soutenir les initiatives gaulliennes pour asseoir l'indépendance de la France vis-à-vis de ses alliés. Ni l'arrivée sur le devant de la scène du général Giraud ni les conflits avec Jean Moulin ne changeront l'attitude de principe de l'organisation vis-à-vis de de Gaulle jusqu'à la Libération il restera, pour le mouvement, " le chef et symbole de la Résistance ", mais il ne sera que cela. En juillet 1942, tous les responsables régionaux et nationaux du mouvement se retrouvent près d'Albi chez Charles d'Aragon. On y évoque à nouveau les problèmes de fusion avec Libération et Franc-Tireur, mais le débat s'engage d'abord sur la rédaction du manifeste politique du mouvement, le premier. Il sera rédigé par Henri Frenay, André Hauriou et Claude Bourdet pour être publié, en septembre 1942, dans Combat, sous le titre : " Combat et révolution ". En omettant soigneusement de se référer à l'expérience du Front populaire, il annonce une révolution socialiste pour " arracher à une puissante oligarchie le contrôle et le bénéfice de l'économie ! ", et une révolution de l'esprit parce que " la république bourgeoise était faite d'égoïsme, d'étroitesse et de craintes à peine masquées par de bonnes volontés oratoires ". Enfin, le programme réhabilite l'institution républicaine et annonce une IVe République " forte, équilibrée, moderne (...), parce qu'il faut que l'administration publique, dans son esprit comme dans sa technique, bénéficie des progrès qui ont fait la force des entreprises privées ". Nous sommes loin des prudences maréchalistes de la première année de résistance. Jusqu'à la Libération, il restera fidèle à ses rêves et à son manifeste de juillet 1942, s'opposant avec force au retour des politiciens de la IIIe République, notamment au sein du Conseil national de la Résistance, la référence à ce programme, écrit par " les hommes de la Résistance, endurcis par l'épreuve quotidienne ", sera constante. La paix revenue, les morts enterrés, les débats politiques de la IVe République feront exploser l'organisation. Seul signe encore vivant d'un passé récent d'espoirs et de douleurs : Combat, le journal, survit, d'abord avec succès, ensuite avec difficulté, jusqu'à la mort du titre en 1974. YVES-MARC AJCHENBAUM Le Monde du 4 novembre 1991

« Début novembre, une ultime réunion se tient à Grenoble. D'Astier est absent, Libération se retire de facto du projet. La fusion est donc rapidement décidée entre le Mouvement de libération nationale et les résistants de Liberté.

Une nouvelleorganisation voit le jour, le Mouvement de libération française un journal unique est créé : Combat.

Régionalement, les équipesse regroupent sans problèmes majeurs au niveau central, le comité directeur mis en place est plus sensible aux conflits depersonnes et aux différences d'appréciation sur le devenir du Mouvement.

Sans démissionner, avec discrétion, les anciensfondateurs de Liberté s'éloigneront assez vite de ce que l'on appelle déjà le mouvement Combat.

La plupart rejoindront lesservices de Jean Moulin dans le cadre du comité général d'études chargé de penser la remise en route d'un appareil d'Etat épuréet de préparer l'installation, dès le débarquement, des commissaires et préfets de la Libération. Les divergences n'empêchent pas le mouvement Combat de développer ses activités et son implantation.

Le journal, grâce àune organisation minutieuse et à l'activité de bon nombre d'artisans imprimeurs, est diffusé dans toutes les régions. Certes, il faudra attendre mai 1942 pour que le cordon soit officiellement coupé avec le mythe Pétain, mais, dès février,Combat n'hésite pas à soutenir les initiatives gaulliennes pour asseoir l'indépendance de la France vis-à-vis de ses alliés.

Nil'arrivée sur le devant de la scène du général Giraud ni les conflits avec Jean Moulin ne changeront l'attitude de principe del'organisation vis-à-vis de de Gaulle jusqu'à la Libération il restera, pour le mouvement, " le chef et symbole de la Résistance ",mais il ne sera que cela. En juillet 1942, tous les responsables régionaux et nationaux du mouvement se retrouvent près d'Albi chez Charles d'Aragon.On y évoque à nouveau les problèmes de fusion avec Libération et Franc-Tireur, mais le débat s'engage d'abord sur la rédactiondu manifeste politique du mouvement, le premier. Il sera rédigé par Henri Frenay, André Hauriou et Claude Bourdet pour être publié, en septembre 1942, dans Combat, sous letitre : " Combat et révolution ".

En omettant soigneusement de se référer à l'expérience du Front populaire, il annonce unerévolution socialiste pour " arracher à une puissante oligarchie le contrôle et le bénéfice de l'économie ! ", et une révolution del'esprit parce que " la république bourgeoise était faite d'égoïsme, d'étroitesse et de craintes à peine masquées par de bonnesvolontés oratoires ".

Enfin, le programme réhabilite l'institution républicaine et annonce une IV e République " forte, équilibrée, moderne (...), parce qu'il faut que l'administration publique, dans son esprit comme dans sa technique, bénéficie des progrès quiont fait la force des entreprises privées ".

Nous sommes loin des prudences maréchalistes de la première année de résistance. Jusqu'à la Libération, il restera fidèle à ses rêves et à son manifeste de juillet 1942, s'opposant avec force au retour despoliticiens de la III e République, notamment au sein du Conseil national de la Résistance, la référence à ce programme, écrit par " les hommes de la Résistance, endurcis par l'épreuve quotidienne ", sera constante.

La paix revenue, les morts enterrés, lesdébats politiques de la IV e République feront exploser l'organisation.

Seul signe encore vivant d'un passé récent d'espoirs et de douleurs : Combat, le journal, survit, d'abord avec succès, ensuite avec difficulté, jusqu'à la mort du titre en 1974. YVES-MARC AJCHENBAUMLe Monde du 4 novembre 1991 CD-ROM L'Histoire au jour le jour © 2002, coédition Le Monde, Emme et IDM - Tous droits réservés. »

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