Pensons donc qu'une balle, étant poussée d'A vers B, rencontre, au point B, la superficie de la terre CBE, qui, l'empêchant de passer outre, est cause qu'elle se détourne ;
Mais afin de ne nous embarrasser point en de nouvelles difficultés, supposons que la terre est parfaitement plate et dure, et que la balle va toujours d'égale vitesse, tant en descendant qu'en remontant, sans nous enquérir en aucune façon de la puissance qui continue de la mouvoir, après qu'elle n'est plus touchée de la raquette, ni considérer aucun effet de sa pesanteur, ni de sa grosseur, ni de sa figure.
Seulement faut-il remarquer que la puissance, telle qu'elle soit, qui fait continuer le mouvement de cette balle, est différente de celle qui la détermine à se mouvoir plutôt vers un côté que vers un autre, ainsi qu'il est très aisé à connaître de ce que c'est la force dont elle a été poussée par la raquette, de qui dépend son mouvement, et que cette même force l'aurait pu faire mouvoir vers tout autre côté, aussi facilement que vers B, au lieu que c'est la situation de cette raquette qui la détermine à tendre vers B, et qui aurait pu l'y déterminer en même façon, encore qu'une autre force l'aurait mue.
Ce qui montre déjà qu'il n'est pas impossible que cette balle soit détournée par la rencontre de la terre, et ainsi, que la détermination qu'elle avait à tendre vers B soit changée, sans qu'il y ait rien pour cela de changé en la force de son mouvement, puisque ce sont deux choses diverses, et par conséquent qu'on ne doit pas imaginer qu'il soit nécessaire qu'elle s'arrête quelque moment au point B avant que de retourner vers F, ainsi que font plusieurs de nos Philosophes ;
et qu'on peut aisément imaginer que celle de la balle qui se meut de A vers B est composée de deux autres, dont l'une la fait descendre de la ligne AF vers la ligne CE, et l'autre en même temps la fait aller de la gauche AC vers la droite FE, en sorte que ces deux, jointes ensemble, la conduisent jusqu'à B suivant la ligne droite AB.
Car elle doit bien empêcher celle qui faisait descendre la balle d'AF vers CE, à cause qu'elle occupe tout l'espace qui est au-dessous de CE ;
Pour trouver donc justement vers quel côté cette balle doit retourner, décrivons un cercle du centre B, qui passe par le point A, et disons qu'en autant de temps qu'elle aura mis à se mouvoir depuis A jusqu'à B, elle doit infailliblement retourner depuis B jusqu'à quelque point de la circonférence de ce cercle, d'autant que tous les points qui sont aussi distants de celui-ci B qu'en est A, se trouvent en cette circonférence, et que nous supposons le mouvement de cette balle être toujours également vite.
et disons, qu'en autant de temps que la balle a mis à s'avancer vers le côté droit, depuis A, l'un des points de la ligne AC, jusqu'à B, l'un de ceux de la ligne HB, elle doit aussi s'avancer depuis la ligne HB jusqu'à quelque point de la ligne FE ;
Eet premièrement supposons qu'une balle, poussée d'A vers B, rencontre au point B, non plus la superficie de la terre, mais une toile CBE, qui soit si faible et défiée que cette balle ait la force de la rompre et de passer tout au travers, en perdant seulement une partie de sa vitesse, à savoir, par exemple, la moitié.
et considérons aussi que, des deux parties dont on peut imaginer que cette détermination est composée, il n'y a que celle qui faisait tendre la balle de haut en bas, qui puisse être changée en quelque façon par la rencontre de la toile ;
Puis, ayant décrit du centre B le cercle AFD, et tiré à angles droits sur CBE les trois lignes droites AC, HB, FE, en telle sorte qu'il y ait deux fois autant de distance entre FE et HB qu'entre HB et AC, nous verrons que cette balle doit tendre vers le point I.
Pensons maintenant que la balle qui vient d'A vers D rencontre au point B, non plus une toile, mais de l'eau, dont la superficie CBE lui ôte justement la moitié de sa vitesse, ainsi que faisait cette toile.
Et le reste posé comme devant, je dis que cette balle doit passer de B en ligne droite, non vers D, mais vers I ;
car il se peut ouvrir, pour lui faire passage, tout aussi facilement vers un côté que vers un autre, au moins si on suppose toujours, comme nous faisons, que ni la pesanteur ou légèreté de cette balle, ni sa grosseur, ni sa figure, ni aucune autre telle cause étrangère ne change son cours ;
Mais si elle est poussée suivant une ligne comme AB, qui soit si fort inclinée sur la superficie de l'eau ou de la toile CBE, que la ligne FE, étant tirée comme tantôt, ne coupe point le cercle AD, cette balle ne doit aucunement la pénétrer, mais rejaillir de sa superficie B vers l'air L, tout de même que si elle y avait rencontré de la terre.
Mais faisons encore ici une autre supposition, et pensons que la balle, ayant été poussée d'A vers B, est poussée derechef, étant au point B, par la raquette CBE, qui augmente la force de son mouvement, par exemple, d'un tiers, en sorte qu'elle puisse faire, par après, autant de chemin en deux moments, qu'elle en faisait en trois auparavant.
Et il suit manifestement de ce qui a été déjà démontré, que, si l'on décrit le cercle AD comme devant, et les lignes AC, HB, FE, en telle sorte qu'il y ait d'un tiers moins de distance entre FE et HB qu'entre HB et AC, le point I, où la ligne droite FE et la circulaire AD s'entrecoupent, désignera le lieu vers lequel cette balle, étant au point B, se doit détourner.
Or on peut prendre aussi le revers de cette conclusion et dire que, puisque la balle qui vient d'A en ligne droite jusqu'à B, se détourne étant au point B, et prend son cours de là vers I, cela signifie que la force ou facilité, dont elle entre dans le corps CBEI, est à celle dont elle sort du corps ACBE, comme la distance qui est entre AC et HB, à celle qui est entre HB et FI, c'est-à-dire comme la ligne CB est à BE.
Enfin, d'autant que l'action de la lumière suit en ceci les mêmes lois que le mouvement de cette balle, il faut dire que, lorsque ses rayons passent obliquement d'un corps transparent dans un autre, qui les reçoit plus ou moins facilement que le premier, ils s'y détournent en telle sorte, qu'ils se trouvent toujours moins inclinés sur la superficie de ces corps, du côté où est celui qui les reçoit le plus aisément, que du côté où est l'autre ;
Mais peut-être vous étonnerez-vous, en faisant ces expériences, de trouver que les rayons de la lumière s'inclinent plus dans l'air que dans l'eau, sur les superficies où se fait leur réfraction, et encore plus dans l'eau que dans le verre, tout au contraire d'une balle qui s'incline davantage dans l'eau que dans l'air, et ne peut aucunement passer dans le verre.
Car, par exemple, si c'est une balle qui, étant poussée dans l'air d'A vers B, rencontre au point B la superficie de l'eau CBE, elle se détournera de B vers V ;
et que vous considériez que, comme une balle perd davantage de son agitation, en donnant contre un corps mou, que contre un qui est dur, et qu'elle roule moins aisément sur un tapis, que sur une table toute nue, ainsi l'action de cette matière subtile peut beaucoup plus être empêchée par les parties de l'air, qui, étant comme molles et mal jointes, ne lui font pas beaucoup de résistance, que par celles de l'eau, qui lui en font davantage ;
car cette lumière n'en doit pas chasser aucunes hors de leurs places, ainsi qu'une balle en doit chasser de celles de l'eau, pour trouver passage parmi elles.
Et il se peut aussi trouver certains cas, auxquels les rayons se doivent courber, encore qu'ils ne passent que par un seul corps transparent, ainsi que se courbe souvent le mouvement d'une balle, parce qu'elle est détournée vers un côté par sa pesanteur, et vers un autre par l'action dont on l'a poussée, ou pour diverses autres raisons.