Avec la Vie de Saint Louis, Joinville entend ériger un monument à la gloire de celui que le peuple a vénéré de son vivant pour sa noblesse et sa sainteté. De nombreux épisodes de ce livre favorisent la popularité du roi et développent son mythe (le roi rendant la justice sous le chêne, lavant les pieds aux lépreux, etc.). Composé de 769 paragraphes autour des souvenirs de la septième croisade (1248-1254) à laquelle Joinville a également participé, ce récit est souvent spontané et empli de vénération. Si Joinville n’a pas pris part à la dernière croisade au cours de laquelle le roi a trouvé la mort (1270), le récit du décès du roi lui a été raconté par le cinquième fils de Louis XI, le comte d’Alençon, et est retranscrit avec dévotion.
Vie de Saint Louis de Jean de Joinville
[...] 755 Quand le bon roi eut donné ces enseignements à son fils, monseigneur Philippe, la maladie qu’il avait commença à croître fortement ; et il demanda les sacrements de la sainte Église, et il les reçut en toute lucidité et en pleine conscience, comme il apparut, car, lorsqu’on lui faisait les onctions d’huile et qu’on disait les sept psaumes, il disait de son côté les versets.
756 Et j’ai entendu raconter à monseigneur le comte d’Alençon, son fils, que, quand il approchait de la mort, il appela les saints pour l’aider et le secourir, et spécialement monseigneur saint Jacques, en disant son oraison qui commence Esto, Domine, c’est-à-dire : Dieu, sanctifiez et protégez votre peuple. Il appela alors à son aide monseigneur saint Denis de France, en disant son oraison dont le sens est : « Sire Dieu, donne-nous de pouvoir mépriser la prospérité de ce monde, afin que nous ne redoutions nulle adversité. «
757 Et j’ai alors entendu dire à monseigneur d’Alençon, que Dieu absolve, que son père invoquait madame sainte Geneviève. Après le saint roi se fit coucher sur un lit couvert de cendre, et mit ses mains sur sa poitrine, et en regardant vers le ciel il rendit son esprit à notre Créateur, à l’heur même où le Fils de Dieu mourut sur la croix pour le salut du monde.
758 C’est chose charitable et digne de pleurer le trépas de ce saint prince, qui garda si saintement et si justement son royaume, et qui y fit tant de belles aumônes, et qui y installa tant de beaux établissements. Et, de la même manière que le scribe qui a fait son livre et qui l’enlumine d’or et d’azur, le dit roi enlumina son royaume de belles abbayes qu’il y fonda, de la très grande quantité d’hôtels-Dieu et de couvents de Prêcheurs, de Cordeliers et d’autres ordres qui sont ci-devant nommés.
759 Le lendemain de la fête de saint Barthélemy apôtre le bon roi Louis quitta ce monde, en l’an de l’incarnation de Notre-Seigneur l’an de grâce mil deux cent soixante-dix. Ses ossements furent gardés dans un coffre et apportés et ensevelis à Saint-Denis en France, où il avait élu sa sépulture, lieu où il fut enterré, où Dieu a fait depuis maint beau miracle pour lui, par ses mérites. [...]
Source : Joinville (Jean de), Vie de Saint Louis, trad. par Jacques Monfrin, Paris, Garnier-Flammarion, 1995.
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