Immigration : le gouvernement reste sourd aux critiques émises à gauche
Publié le 17/01/2022
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L'administration sera-t-elle mieux contrôlée ?
Nullement.
Il s'agissait pourtant de l'un des principaux griefs adressés aux lois Pasqua et Debré.
Elles avaient fait disparaître la "commission de séjour " chargée de surveiller certains refus d'attribution ou de renouvellement de cartes.
Elles avaient retiré toutpouvoir à la " commission d'expulsion ", censée se prononcer sur les dossiers d'étrangers expulsés pour trouble à l'ordre public.Elles avaient autorisé l'administration à refuser toute carte pour motif " d'ordre public ".
Sur tous ces aspects, le projetChevènement ne change rien.
La politique des visas est-elle assouplie ?
Pratiquement pas.
Le principe demeure le même : les refus de visas ne sont pas motivés.
Les consulats devront, pour lapremière fois, justifier les refus pour certains étrangers, mais la pratique relativisera sérieusement cette avancée.
Les recours neseront examinés par le Conseil d'Etat qu'après un marathon de plusieurs années.
Pourquoi ne pas avoir supprimé purement etsimplement les visas pour ces catégories ? Un conjoint ou un parent de Français ne devrait-il pas disposer d'un droit à entrer enFrance ? Un travailleur auquel le préfet aurait exceptionnellement accordé une autorisation de travail ne devrait-il pas êtreautomatiquement admis sur le territoire ? Pourquoi refuser un visa à une femme autorisée par la préfecture à rejoindre son maridans le cadre, déjà rigoureux, du regroupement familial ? Pourquoi, de la même façon, continuer à subordonner les visitesfamiliales au double filtre du certificat d'hébergement et du visa ? Le gouvernement souhaite ne pas ébranler le droit de l'Etat àcontrôler ses frontières, qui constitue une des bases du " consensus républicain ".
Les reconduites à la frontière sont-elles facilitées ?
L'architecture générale de la procédure de reconduite à la frontière n'est pas modifiée : l'administration reste largementmaîtresse du processus.
Les délais de recours sont légèrement allongés mais, en contrepartie, la durée de la rétention est étendue.Est supprimée la procédure de recours dissymétrique introduite par la loi Debré, qui donne un caractère suspensif à l'appel duparquet contre une décision de remise en liberté d'un étranger en instance d'éloignement.
Cette abrogation partielle ne va pasdans le sens d'une amélioration de l'efficacité de la procédure de reconduite à la frontière, qui est exécutée dans moins de 30 %des cas.
Le gouvernement entend pourtant atteindre cet objectif grâce à l'allongement du délai de rétention de dix à quatorze jours.
Cesquatre jours supplémentaires devraient permettre à la police de surmonter deux des principaux obstacles à l'éloignement :l'identification des étrangers qui refusent de décliner leur état civil et l'obtention d'un laisser-passer consulaire pour ceux qui ontfait disparaître leur passeport.
Le succès reste hypothétique : ce délai suffira-t-il pour lever l'anonymat qui protège un étrangercontre la reconduite ou pour convaincre un consul rétif de reconnaître l'un de ses compatriotes ? L'argument avait déja été utilisépar Charles Pasqua en 1993 pour justifier le passage, qui s'est révélé peu efficace, de sept à dix jours de la durée maximale derétention.
Le droit d'asile est-il étendu ?
Oui, mais prudemment.
Actuellement, la législation n'accorde l'asile qu'en application de la convention de Genève de 1951.Contrairement aux recommandations du Haut Comité des nations unies pour les réfugiés, la France réserve ce statut auxpersonnes menacées par leur Etat.
Les islamistes algériens peuvent donc être protégés, pas les démocrates pourchassés par lesreligieux.
Pour contourner ce paradoxe, tous les ministres de l'intérieur accordent l'" asile territorial " à certaines de ces personnes.Cette protection, qui touche environ mille personnes chaque année, ex-Yougoslaves et Algériens, est cependant discrétionnaire etprovisoire, et ne donne aucun droit au travail.
Le projet inscrit l'" asile territorial " dans la loi, en l'étendant à toutes les personnes courant des " risques vitaux " en cas deretour dans leur pays, et leur donne le droit au travail.
Ceux qui sont persécutés " en raison de leur action en faveur de la liberté "se verront même accorder un " asile constitutionnel ", en tout point équivalent (droits, aides...) au statut classique.
Ces avancées restent pourtant timides.
L'asile constitutionnel ne devrait concerner, selon les spécialistes, que quelques dizainesde personnes chaque année.
L'asile territorial sera accordé par le ministère de l'intérieur, sans aucune voie de recours efficace etrapide.
Quant à l'asile classique, le projet en limite l'accès en proposant une procédure simplifiée et moins protectrice pour lesdemandeurs issus de pays jugés sans risques.
PHILIPPE BERNARD et NATHANIEL HERZBERG Le Monde du 16 septembre 1997.
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