histoire du temps présent
Publié le 13/04/2013
Extrait du document
1 | PRÉSENTATION |
histoire du temps présent, champ de l’histoire, défini comme le temps de l’expérience vécue et caractérisé par la présence de témoins, d’une mémoire vivante.
Pour des raisons idéologiques, l’histoire dite « contemporaine « commence en France — voire dans le monde occidental — en 1789 avec la Révolution française. La notion de contemporanéité perdant inévitablement de son sens à mesure que la durée de cette période s’allonge, la notion de « temps présent « s’est progressivement imposée, puis institutionnalisée. Aujourd’hui reconnue comme un champ historique légitime, l’histoire du temps présent occupe une place majeure dans l'ensemble de la production historiographique, ainsi que dans l'enseignement supérieur.
Cette histoire du passé proche ne peut avoir le caractère fini des autres périodes historiques : sans commencement ni fin, elle est nécessairement mouvante et inachevée en ce sens que son écriture est quasi contemporaine des événements analysés, et qu’elle ne peut se faire qu’avec et sous le regard de ses acteurs.
2 | L’INSTITUT D’HISTOIRE DU TEMPS PRÉSENT (IHTP) |
En 1944, avant même l’achèvement de la Seconde Guerre mondiale, est fondée la Commission d'histoire de l'Occupation et de la Libération de la France. L’objectif est de rassembler au plus vite toute la documentation possible témoignant des crimes perpétrés durant la période. Le Comité d'histoire de la Deuxième Guerre mondiale (CHDGM) succède à la commission en 1951 et se fait plus analytique. Les années passant, le CHDGM devient bientôt insuffisant pour répondre aux nouveaux champs d’étude qui s’offrent à l’historien, telles les guerres de décolonisation ou la question communiste. Aussi en 1978, le comité est-il intégré dans une unité plus large, l’Institut d’histoire du temps présent (IHTP). Cette unité de recherche de la section 33 (Formation des mondes modernes) du CNRS est officiellement inaugurée deux ans plus tard. L’IHTP est dirigé jusqu’en 1990 par son fondateur, François Bédarida. Robert Frank lui succède pendant quatre ans, avant qu’Henry Rousso, durant ses onze années de direction (1994-2005), imprime à son tour sa personnalité à l’institution. En janvier 2006, Fabrice d’Almeida reçoit la direction de l’IHTP. Des instituts comparables existent dans de nombreux pays.
3 | OBJETS D’ÉTUDE DE L’HISTOIRE DU TEMPS PRÉSENT |
Si la Seconde Guerre mondiale reste un champ de recherche et d'expertise majeur de l’IHTP, ce n’est pas son unique domaine d'activité. Les thèmes d’étude des historiens du temps présent s’articulent autour de deux axes majeurs. Le premier regroupe des travaux sur les phénomènes et événements remarquables du xxe siècle, tels que l’Europe nazie, la Seconde Guerre mondiale, le système soviétique et son effondrement, les conflits coloniaux et postcoloniaux, les mutations culturelles et sociales des années 1960-1970. Le régime de Vichy et l’attitude des Français durant l’Occupation — le fameux « syndrome de Vichy « défini par Henry Rousso — font depuis les années 1970 l’objet de nombreux travaux. L’histoire de la Résistance commence également à être revisitée, l’hagiographie faisant place à une relecture critique des rôles des protagonistes. Le deuxième axe d’étude des historiens du temps présent porte sur les transformations longues des sociétés européennes. Il regroupe des recherches sur l'histoire de l'État et des administrations, l'histoire et la sociologie du droit et de la justice, l'histoire des intellectuels, l'étude des entreprises publiques et privées, ou encore l'histoire des cultures et des modes de vie.
4 | SPÉCIFICITÉS DE L’HISTOIRE DU TEMPS PRÉSENT |
Contrairement à d’autres écoles historiques qui, telles l’école des Annales ou la Nouvelle Histoire, ont porté ou portent un regard nouveau sur des champs déjà étudiés (par le choix des sources ou par l’angle d’approche), l’histoire du temps présent a la double particularité de s’intéresser à une période qui n’a, par définition, jamais été étudiée et qui induit l’utilisation de sources inédites.
Les historiens dont l’objet d’étude est le xxe siècle sont en effet confrontés à une abondance de sources : citons les innovations technologiques du siècle et la multiplication des images qui en découle, l’ouverture récente des archives des pays du bloc communiste, de celles de l’Allemagne nazie, ainsi que l’accès facilité aux archives publiques, les médias, la littérature grise (documentation à diffusion restreinte), les archives privées (journaux intimes, photographies, films, etc.) et, bien entendu, les sources orales.
Par ailleurs, le « temps présent « n’est pas seulement une période de l’histoire : il est le terrain d’exercice de la plupart des sciences sociales ainsi que du journalisme. Ce partage du terrain entre historiens, sociologues, politologues et journalistes pose des questions (épistémologiques, méthodologiques, d’objectifs et de moyens) tout à fait spécifiques à ce champ de la science historique qui s’articule autour de quatre éléments : le témoin, la mémoire, l’expertise scientifique et l'événement.
4.1 | Le témoin |
Le témoin apparaît comme un élément clé de l’histoire du temps présent, puisque c’est l’existence de ce dernier qui définit techniquement la période. Cette mémoire vivante est l’un des matériaux de base de l’histoire du temps présent, matériau délicat à travailler s’il en est, puisque porteur d’effets pervers tels que la (re)construction, la (re)hiérarchisation des faits et / ou l’extrapolation. Cette source, aussi précieuse soit-elle, est donc particulièrement soumise à la critique ce qui permet aux zones d’ombres, oublis et omissions (volontaires ou non) d’acquérir leur sens, autant que les souvenirs exprimés.
4.2 | La mémoire |
La mémoire est constitutive de l'histoire du temps présent. La reconnaissance dont l’histoire du temps présent bénéficie auprès des scientifiques est sans doute à mettre en relation avec le profond changement que connaît la société dans sa relation au passé, fortement liée à la notion de « devoir de mémoire «.
4.3 | L’expertise scientifique |
La fonction traditionnelle de l’historien d’expertise et de recherche de la vérité se trouve particulièrement accrue lorsque l’on aborde l’histoire du temps présent : son travail porte alors sur des événements constitutifs de notre identité sociale et du monde dans lequel nous vivons. De surcroît, l’historien du temps présent travaille sur un champ d’étude sensible, situé au confluent des rapports entre pouvoir, savoir et société : le passé est devenu un champ d’action sur lequel la société prétend agir rétroactivement. Ainsi, les historiens François Bédarida et Marc Olivier Baruch ont apporté leur témoignage d’expert aux procès respectifs de Touvier et de Papon, tandis que d’autres ont refusé d’utiliser leur titre pour se faire les « procureurs du passé «, selon l’expression d’Henry Rousso.
4.4 | L’événement |
Après le discrédit de l’histoire événementielle par les historiens des Annales, on assiste depuis les années 1980 à sa réhabilitation. L’histoire du temps présent porte à l’événement un intérêt tout particulier du fait de sa contemporanéité, mais également à cause de son changement de statut au cours du xxe siècle : le travail sur l’événement inclut aujourd’hui à la fois l'étude de ses représentations contemporaines et celle de ses représentations léguées aux générations futures.
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