Henri BERGSON, extrait du Cours I, Leçons de psychologie et de métaphysique
Publié le 22/02/2012
Extrait du document
… Les nuances grammaticales correspondent toujours à des nuances de la pensée. Mais on pourrait aller plus loin encore et montrer que si les lois les plus générales du langage sont fixes, parce que tous les peuples ont la même logique, il existe entre les langues particulières des différences qu'on appelle non sans raison différences de génie, précisément parce qu'elles ont pour origine des différences d'esprit entre ceux qui les parlent. On connaît déjà jusqu'à un certain point un peuple, sa manière de penser ou de comprendre, quand on connaît sa langue, non pas qu'il y ait deux logiques, mais sur un même thème on peut exécuter une foule de variations. C'est ainsi que la langue française avec sa construction soumise à des lois invariables, ses mots dont le sens et l'orthographe sont nettement fixés, est, comme on l'a dit avec raison et comme on l'a répété bien des fois, la langue claire par excellence. Il n'est pas possible en français d'être à la fois obscur et correct. Ainsi se reflète, ainsi se traduit l'habitude contractée chez nous de penser avec netteté, d'établir entre les choses des différences tranchées, de cultiver l'art de la parole, de la discussion, surtout cet amour de la logique, cause de bien des erreurs, de bien des théories extravagantes. La langue anglaise, si parcimonieuse, si avare de ses mots est la langue télégraphique par excellence. Elle reflète, on l'a dit souvent, les habitudes d'un peuple avant tout commerçant. La langue allemande avec des phrases qui viennent se greffer les unes sur les autres, pleines d'incidentes, est peut-être de toutes les langues celle qui suit le plus fidèlement la marche de la pensée. Car notre pensée procède elle aussi par des vues générales, dans lesquelles viennent s'intercaler, chemin faisant, des vues plus particulières. C'est pourquoi on a pu dire que cette langue convenait à la philosophie ; mais, pour cette même raison, elle manque de clarté.
Liens utiles
- commentaire de texte : Henri bergson extrait de "la pensée et le mouvant"
- Les Deux Sources de la morale et de la religion Henri Bergson Chapitre II (extrait) L'homme est le seul animal dont l'action soit mal assurée, qui hésite et tâtonne, qui forme des projets avec l'espoir de réussir et la crainte d'échouer.
- Matière et Mémoire Henri Bergson Extrait traitant des deux mémoires J'étudie une leçon, et pour l'apprendre par coeur je la lis d'abord en scandant chaque vers ; je la répète ensuite un certain nombre de fois.
- Matière et Mémoire - Henri Bergson - Extrait traitant des deux mémoires
- Les Deux Sources de la morale et de la religion - Henri Bergson - Chapitre II (extrait)