Grégoire de Tours, Histoire des Francs (extrait)

Donc la reine commanda qu’on fit venir secrètement saint Rémy évêque de Reims, afin qu’il endoctrinât le roi de son Salut. Étant arrivé, il commença plus particulièrement à l’émouvoir à croire en Dieu vrai créateur du ciel et de la terre, et à condamner les idoles qui ne peuvent profiter ni à elles-mêmes, ni à autrui. Le roi lui dit : « Très Saint Père, je consentirais très volontiers à ton dire, mais il reste une difficulté, à savoir que le peuple qui est à ma suite ne veut souffrir d’abandonner ses Dieux. Mais je m’en vais vers eux, et leur parlerai selon ta parole «. Il fut d’accord avec ses gens, y précédant la puissance de Dieu, avant qu’il leur tint aucun propos, tout le peuple se prit à crier ensemble. « Ô roi pieux, nous quittons et chassons les Dieux mortels, et sommes prêts de suivre le Dieu immortel qui est prêché par l’évêque Rémy «. On fit entendre cela à l’évêque, dont épris de grande liesse, il commanda qu’on préparât les sons, la place de l’église fut ombragée de voiles peintes, et parée de courtines blanches : on accoutre le baptistère, on répand du baume par la place. Les cierges reluisent partout et rendent une odeur suave.

[…] Tout le temple du baptistère est rempli d’une divine odeur, Dieu donna là telle grâce aux assistants qu’ils [crurent] être entre les célestes odeurs du Paradis. Le roi le premier pria l’évêque qu’il fut baptisé. Ce nouveau Constantin entre dans les sons pour effacer la maladie de l’ancienne lèpre, et avec une eau récente nettoyer les sales taches de ses œuvres anciennes. Étant entré dans le saint lavoir pour recevoir le baptême, saint Rémy usa de ce langage disant, « Débonnaire Sicambre, humilie ton chef, adore ce que tu as brûlé, brûle ce que tu as adoré «. Saint Rémy était homme de grande science, et savant en rhétorique, et élevé en tel degré de sainteté qu’en vertu, il était égal à saint Sylvestre. On lit encore un livre de sa vie qui raconte qu’il a ressuscité un mort. Le roi donc ayant confessé Dieu tout-puissant en Trinité, reçut le saint baptême au nom du Père, et du Fils, et du Saint Esprit, et fut oint du Chrème Sacré avec le signe de la croix de Jésus-Christ. Il y eut trois mille hommes de son armée et davantage qui furent baptisés, et pareillement sa sœur, Albofledis, laquelle peu de temps après passa vers notre Seigneur.

Source : L’Histoire françoise de S. Grégoire de Tours en dix volumes, livre II, éd. de 1610.

Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation. Tous droits réservés.