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Grand cours: EXISTENCE & MORT (b de g)

Publié le 22/02/2012

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I) L'EXISTENCE

- Exister, est-ce la même chose qu’être ? L’existence se confond-elle avec l’essence ? L'existence se déduit-elle de l'essence ?

A) LA PRIMAUTE DE L'ESSENCE

- On peut, dans un premier temps, envisager la supériorité ou la primauté de l'essence par rapport à l'existence. Pour quelles raisons ?

1) De la nécessaire distinction entre l'essence et l'existence

- L’existence, nous l'avons vu dans l'introduction, c’est d’abord le fait que quelque chose est ou existe.

- Or, le verbe être revêt trois acceptions essentielles :

1.     la liaison entre un sujet et un prédicat. Exemple : Socrate  (le sujet) est mortel (le prédicat);

2.     le verbe " être " signifie aussi l'appartenance d'un prédicat à une classe ou un genre (Socrate appartient à l'espèce humaine);

3.     il désigne, enfin, l'identité, entendue comme le caractère de ce qui est semblable à quelque chose ou de ce qui demeure le même à travers le temps;  le fait de se trouver là, la réalité.

- Si l'existence et l'être semblent être des termes apparemment équivalents, cette équivalence est trompeuse : dire d’une chose qu’elle est, c’est poser son existence; dire ce qu’elle est, c’est définir son essence. L’existence, par conséquent, renvoie à l’être, non en tant qu’essence, mais à l’être en tant qu’il s’oppose au néant.

- L’essence, c’est tout simplement ce qu’est une chose, ce qui fait qu’une chose est ce qu’elle est et non point une autre. L'essence dit ce qu'est la chose qui existe, quels sont les attributs fondamentaux qui lui appartiennent en commun avec tous les êtres de même espèce (ex. : l'homme est un animal raisonnable). Il y a ainsi une différence entre savoir s'il y a ou qu'il y a une éclipse, et savoir ce qu'est une éclipse.

- C’est la raison pour laquelle l’essence semble posséder une supériorité sur l’existence puisqu’elle constitue la nature permanente et universelle d’une chose : si tel triangle dessiné sur la table peut cesser d 'exister, il n'en est pas de même de l'essence du triangle.

- Ainsi, selon Platon, l’existence appauvrit-elle l’essence, le passage du possible (autre nom de l'essence) à la réalité constitue une déchéance. Donnons un exemple : nos projets, nos espoirs, par exemple, qui se situent au niveau du possible par définition, sont riches en comparaison de nos réalisations effectives; avec un billet de $ 500, je puis faire d'innombrables projets d'achat mais de ces projets je ne pourrai jamais réaliser qu'un seul; ne pouvoir être qu'une chose à la fois, voilà le drame de l'existence et on comprend dès lors qu'on puisse la considérer comme une dégradation.

- De même, dit Platon, le monde sensible est le seul que connaisse le vulgaire; il est constitué par l'ensemble des réalités perçues par les sens; il incarne le monde des existences, monde changeant, fait de multiplicité, par distinction d'avec le monde intelligible, celui des essences éternelles et immuables, identiques à elles-mêmes. Si tout s'écoule et tout passe dans l'univers, au-delà des formes sensibles précaires et changeantes est l'ordre des essences ou des Idées.

- Par Idée ou essence Platon entend la notion intelligible qui donne un sens ultime à chaque réalité. Par exemple, si une définition de la beauté est possible, c'est que, indépendamment des cas particuliers qui l'illustrent (tel objet beau, telle personne belle), la beauté en soi existe. L'essence de la table, c'est la table idéale, sa nature, son principe directeur, sa définition.

- Platon en conclut que l'essence, sans exister à proprement parler, éclaire néanmoins les phénomènes, tout en n'étant pas du même ordre qu'eux. Elle appartient à une autre sphère. Aussi l'essence figure-t-elle l'objet par excellence de la réflexion philosophique

- Plus généralement, quelles sont les raisons de cette distinction entre l’essence et l’existence ? Ce sont essentiellement des considérations d’ordre scientifique et d’ordre moral.

- Des raisons d'ordre scientifique d'abord.

- La science, selon Platon, n'a pas pour objet la connaissance de ce qui existe : elle vise au général et s'intéresse moins à une espèce particulière qu'à un genre englobant des espèces multiples (aux rongeurs plutôt qu'aux souris, aux vertébrés plutôt qu'aux rongeurs, etc.). Pour que la science constitue une connaissance du réel, il faut admettre, derrière les caractères individuels des êtres existants, une essence qui peut se multiplier dans un nombre indéfini d'individus. Ce n'est pas tant le réel qui est objet de la science que le nécessaire et l'universel .

- Des raisons d'ordre moral ensuite.

- La morale ne semble possible qu'à la condition d'admettre, en dehors des humains avec lesquels il nous est donné d'entrer en rapport, le type même de l'humanité, le type d'homme sur le modèle duquel je dois vivre. Autrement dit, c’est dans le monde des essences que nous trouvons la lumière qui nous permet de comprendre toutes choses et la sagesse nécessaire à la conduite de la vie.

- Le projet platonicien – tout ordonner à la lumière de l'essence ou de l'idée – va se perpétuer dans la culture occidentale, comme nous allons le voir avec la pensée chrétienne et cartésienne.

2) L'existence déduite de l'essence : l'argument ontologique (texte de Descartes, in Méditations métaphysiques, cinquième méditation)

- Avec la pensée chrétienne, l’opposition entre essence et existence est portée à son comble. C'est à Saint Thomas d'ailleurs que l'on doit l'invention du terme latin existentia, du verbe existere, qui signifient " sortir de ", " naître de ". C’est, en effet, dans la perspective chrétienne de la création ex nihilo qu’est introduite la distinction entre essence et existence.

- Dieu, en effet, est défini comme le seul être qui existe en vertu de sa seule essence. Les créatures ont une existence dérivée, elles existent littéralement (elle sortent ou naissent de) à partir de Dieu. Dans cette perspective, l'existence est envisagée comme un moindre être puisqu'elle désigne un mode d'être dérivé, second, dépendant de Dieu qui la fait être.

- D'où l'idée que l'existence est déduite de l'essence, que le réel procède du possible. Cette idée a pris la forme du célèbre argument ontologique qui tente de prouver l'existence de Dieu, en posant le concept dont l'essence envelopperait nécessairement l'existence. Le concept même de Dieu implique son existence, Dieu étant défini comme l'être qui possède toutes les perfections, donc aussi la perfection d'exister. En somme, la seule essence, la seule idée de Dieu implique son existence.

- Pour tout ce qui n'est pas Dieu, l'essence doit être distinguée de l'existence : l'essence de l'homme n'implique nullement son existence; la définition de l'homme comme animal politique, animal raisonnable, etc. n'implique pas qu'il existe au monde six milliards d'hommes, ou six mille, ou aucun. Mais pour Dieu, il en va autrement :

- Texte de Descartes.

- Thème du texte : la preuve ontologique de l'existence de Dieu (ontologique : ce qui est relatif à l'objet lui-même, c'est-à-dire ici à Dieu).

- Question : l'existence est-elle un attribut logique ou une donnée irréductible ? Peut-on passer du possible au réel, de l'essence à l'existence ? L'existence peut-elle être déduite de l'essence ? Dès lors, peut-on prouver l'existence, c'est-à-dire en fonder la nécessité ?

- Idée directrice : De même que le mathématicien, à partir d'une définition, déduit les conséquences qu'elle renferme, on peut déduire de l'idée d'un Etre parfait son existence nécessaire. L'idée de perfection absolue implique l'existence. Autrement dit, l'existence est une perfection contenue dans l'essence même de Dieu ; l'existence de Dieu est une propriété de l'être divin infiniment parfait.

-  Principales articulations du texte :

1.     " Or maintenant…l'existence de Dieu " (1 à 5) : dans la troisième méditation, Descartes établit l'existence d'un être " souverainement parfait et infini " – Dieu – qui garantit la véracité de nos idées claires et distinctes. Ici il s'agit de déduire l'existence de Dieu de l'idée même de Dieu.

2.     " Il est certain…ce nombre " (5 à 11) : de l'idée de cercle, je peux déduire l'équidistance de tous ses points au centre; de même, de l'idée d'un être absolument parfait, je peux en toute logique déduire qu'il existe, la non-existence constituant à l'évidence un défaut de perfection.

3.     " Et partant…point de vallée " (11 à 29 ) : aucune essence finie n'implique l'existence. L'essence de Dieu fait cependant exception : elle est infiniment parfaite, en elle seulement se trouve réalisée l'unité de l'idée et de l'être.

- Explications et commentaire de ce texte :

- La preuve de l'existence de Descartes définit Dieu comme Dieu " l'être souverainement parfait " (Méditation cinquième). Dieu est défini  de manière positive par le concept de perfection et de manière non relative (il est "souverainement parfait"). Cette idée de Dieu n'est pas donnée par la foi, mais découverte par la raison dans l'esprit.

- Cet argument est le suivant : l'idée de Dieu est celle d'un être doté de toutes les perfections; or, l'existence est une perfection : il vaut mieux exister plutôt que ne pas exister, l'être vaut mieux que le néant; cette perfection d'exister fait donc partie de la définition même de l'idée de Dieu. Si Dieu est compris comme possédant la perfection d'exister, alors il existe.

- Quand je songe à un triangle, il se pourrait bien qu'il n'existât nulle part dans la nature une telle figure géométrique. Cela ne change rien à la manière dont je pense le triangle, aux propriétés que mon esprit est obligé de lui accorder : je suis obligé d'admettre que la somme des angles d'un triangle est égale à deux angles droits.

- Dès lors, par analogie, on peut déduire de l'essence de Dieu qu'il existe, comme on peut déduire de l'essence du triangle que ses angles sont égaux à deux angles droits. Inversement, on ne peut pas penser Dieu sans l'existence, comme on ne peut séparer l'idée d'une montagne de l'idée d'une vallée.

3) Critique de l'argument ontologique (texte de Kant)

- Mais l'existence est-elle bel et bien un attribut logique ? Peut-elle se déduire de l'essence ?

- Kant va montrer que rien ne saurait fonder la preuve ontologique de l'existence de Dieu. IL établit que l'existence est une donnée irréductible, qu'elle n'est pas un attribut, qu'elle n'appartient pas à la sphère de l'essence. L'existence est, dès lors, une position absolue.

- Conséquence : de l'idée d'un être parfait, je ne peux pas déduire son existence elle-même. L'existence est une donnée que je peux seulement constater. L'existence n'est pas un concept, ce n'est pas l'attribut d'une essence. Par exemple, d'une somme de cent euros dans ma tête, je ne peux d'aucune façon déduire l'existence de cent euros dans ma poche. Conceptuellement, il n'y a pas de différence entre cent euros en pensée et cent euros réels; mais dans un cas cette fortune n'existe pas, dans l'autre elle existe. Ainsi de l'idée de Dieu comme de toute autre idée, je peux déduire d'autres idées, mais je ne peux déduire aucune existence.

- En critiquant l'argument ontologique, Kant souligne avec force ce qu'il y a d'original, d'irréductible, de non rationnel dans l'existence proprement dite. L'existence, qu'il s'agisse de l'existence de Dieu ou de celle de n'importe qui, ne peut jamais être déduite.

1.     Plan du texte :

1.     (1 à 2) : Réfutation de la preuve ontologique de l'existence de Dieu, avancée notamment par Descartes, qui déduit l'existence de Dieu de l'analyse logique du concept de Dieu, indépendamment de toute expérience.

2.     (2 à 13) : Si je dis d'un sujet quelconque qu'il est, je n'ajoute pas un prédicat à son concept; j'affirme simplement qu'à ce concept correspond un objet dont on peut constater empiriquement l'existence.

3.     (13 à 28) : Puisque l'être n'est pas un prédicat, la simple analyse d'un concept, le concept de Dieu y compris, ne peut me livrer l'existence de l'objet qui lui correspond. Pour affirmer l'existence d'un objet, je dois faire la synthèse de son concept et des faits et donc recourir à l'expérience.

2.     Termes importants :

1.     Le prédicat : un attribut, ce qui est affirmé ou nié d'un sujet, par simple analyse de son contenu.

2.     Concept : notion de notre esprit. L'existence n'est ni une notion, ni une pensée s'ajoutant aux autres notions, mais elle possède sa spécificité. Logique et existence sont deux domaines bien distincts.

3.     Copule : le mot " est ", ce qui relie logiquement le prédicat au sujet.

4.     Le réel : ce qui a une existence de fait, par opposition au possible. Ce qui pourrait être mais n'est pas.

5.     La position : le fait de faire surgir une chose de manière absolue. L'existence est une position absolue, irréductible.

-  Commentaire :

- L'existence de la chose se constate dans l'expérience, c'est ce que montre Kant entre comparant l'existence possible et l'existence réelle. L'existence d'un objet ne peut être établie que par la perception. Le sens brut de l'existence est exprimé par la comparaison des cent thalers : l'argent est une des formes les plus vulgaires, les plus solides de la réalité. L'existence d'une chose quelconque se constate dans l'expérience.

- L'expérience, par sa structure, ne nous présente que des existences dépendantes, enchevêtrées les unes aux autres, conditionnées. L'inconditionné, l'Absolu, ne peuvent jamais apparaître dans l'expérience. Or, si Dieu existe, son existence est nécessairement inconditionnée. Cette existence ne pourra jamais être prouvée. On ne peut pas non plus prouver son inexistence.

- Kant va ramener l'idée de Dieu à un simple idéal, une idée de la raison exprimant un besoin d'inconditionné, enraciné dans la raison. Cette idée a une fonction régulatrice : inciter l'entendement à aller plus loin dans l'unification des lois de la nature. Dieu couronne la connaissance humaine seulement à titre d'Idée, et non comme objet supra-sensible que nous pourrions connaître. C'est par une illusion que l'Idée de Dieu est hypostasiée en existence. 

Conclusion

- Nous nous étions demandés si l'existence pouvait être déduite de l'essence. Nous avons vu que la primauté accordée à l'essence pouvait se justifier d'un double point de vue épistémologique et moral. Mais, en réalité, l'existence est irréductible et ne semble pas pouvoir être déduite d'un principe ou de quelque concept. Avec Kant, l’existence devient une pure position; elle ne se prouve pas, elle s’éprouve, à travers l’expérience. L’existence désigne la présence, la réalité effective de la chose dont on parle : le fait qu’elle ne soit pas seulement possible, mais actuelle. Or, si l'existence est irréductible, que désigne-t-elle alors vraiment ? Qu'est-ce qui, en elle, semble échapper à tout système et à toute définition ?

 

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