Goubert, Louis XIV et vingt millions de Français (extrait)
Publié le 13/04/2013
Extrait du document

Dans sa thèse devenue un classique de l’histoire « sociale «, Beauvais et le Beauvaisis de 1600 à 1730 (1960), Pierre Goubert avait restreint ses recherches au Beauvaisis où, toutefois, « le tout d’une société est étudié et présenté «. En 1966, dans le même esprit, mais en étendant son étude à l’échelle du royaume, il publie Louis XIV et vingt millions de Français. Ce titre prend, à lui seul, le contrepied de toute l’historiographie traditionnelle des puissants que Goubert oppose de manière radicale à l’histoire des « forces productrices du royaume «.
Louis XIV et vingt millions de Français de Pierre Goubert
[…] Quinze millions de paysans, dix ou vingt fois moins d’ouvriers (le terme de « compagnon « était peu usité) constituaient ainsi les forces productrices du royaume, et arrivaient à vivre, médiocrement le plus souvent, assez bien parfois, en traversant périodiquement des crises épouvantables. Il est probable qu’étant donné le temps, les lieux et les mentalités, ils devaient compter parmi les populations du monde les plus favorisées. S’ils se plaignaient parfois, se révoltaient violemment ici ou là, lors d’un impôt nouveau, d’une cherté soudaine, d’une fausse nouvelle, d’une peur plus ou moins fondée, ces révoltes, toujours locales ou régionales, inorganisées ou mal organisées, ne prenaient de l’importance que lorsque d’autres secteurs de la société — la noblesse le plus souvent — s’en mêlaient activement.
Ces révoltes populaires, dont personne ne discute plus l’existence, la durée et la gravité, s’achevaient régulièrement par le triomphe de l’ordre symbolisé par la soldatesque royale. Elles ne modifiaient pas gravement les fondements de la société, relativement simples.
Si l’on élimine — pour aller plus vite — la classe moyenne, assez peu nombreuse, mais remuante dans les villes, des petits boutiquiers, des modestes patrons et artisans, on peut dire, en gros, que neuf sujets du roi Louis travaillaient de leurs mains, rudement et obscurément, pour permettre au dixième de se livrer en paix à des activités plus bourgeoises ou plus nobles, voire à la simple paresse. Directement ou non, ce dixième vivait, à un degré plus ou moins fort, de l’immense revenu foncier tiré du sol du royaume par le peuple des campagnes, transformé et accru par celui-ci et par le peuple des villes. À cette classe de rentiers aux multiples formes appartenaient presque toute la Noblesse, presque tout le Clergé et toute la Bourgeoisie : en gros, ceux qui bénéficiaient aussi de régimes juridiques spéciaux, leges privatae, les privilégiés. […]
Source : Goubert (Pierre), Louis XIV et vingt millions de Français, Paris, Fayard, 1966.
Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation. Tous droits réservés.
Liens utiles
- LAVARDIN, Charles Henri, marquis de (1644-1701) Ambassadeur français à Rome lors de la querelle de Louis XIV avec Innocent XI.
- Un critique a dit : « On a raison de mettre Le siècle de Louis XIV aux mains de la jeunesse. Tant qu'il sera un livre d'enseignement, je n'ai pas peur que les Français aiment médiocrement leur pays. C'est le meilleur ouvrage et peut-être la meilleure action de Voltaire. » (Nisard.) ?
- LAVARDIN, Charles Henri, marquis de (1644-1701) Ambassadeur français à Rome lors de la querelle de Louis XIV avec Innocent XI.
- Extrait des Mémoires pour l'instruction du dauphin pour l'année 1661 de Louis XIV
- Louis XIV, Mémoires pour servir à l'instruction du Dauphin (extrait)