Gerhard Schröder, une Allemagne décomplexée
Publié le 17/01/2022
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Son enfance, qu'il qualifie d'"heureuse en dépit de la pauvreté", semble sortie d'un roman du XIXe siècle.
Né le 7 avril 1944dans un village de Westphalie, Gerhard Schröder n'a jamais connu son père, ouvrier des foires foraines, mort en Roumanie, dansla Wehrmacht, quelques jours après la naissance de son second enfant.
Sa mère se remarie en 1947 avec un ouvrier et lui donnetrois autres enfants.
Atteint de tuberculose, le beau- père est absent, soigné au sanatorium à partir de 1954, où il meurt au débutdes années 60.
Gerhard Schröder devient l'homme de la famille, fait des "petits boulots" et participe aux récoltes, alors que sa mère fait desménages.
"A la maison, dans les années 50 et 60, ma mère et mes frères et soeurs ont vécu de l'aide sociale.
Je ne l'oublieraijamais", rappelle- t-il.
A l'âge de quatorze ans, il quitte l'école pour devenir apprenti vendeur dans un magasin de porcelaine.
Laquestion de la poursuite des études ne se pose pas : il n'y a pas de quoi payer les livres et le transport à l'école.
En 1963, le jeune Schröder prend sa carte du SPD, puis reprend ses études, en suivant des cours du soir.
En 1966, il obtientson Abitur le baccalauréat allemand et entame des études d'avocat qu'il achèvera en 1976.
Gerhard Schröder ne participe pasvraiment aux révolutions étudiantes : il étudie.
Pour ceux qui ne suivent pas la "voie normale", les études apparaissent comme un"privilège inouï", déclare-t-il à Volker Herres et Klaus Waller, auteurs de sa biographie..
Dans les années 70, le jeune homme à cheveux longs et pull à col roulé se déclare marxiste.
Sa carrière politique décolle en1978, lorsqu'il se fait élire président des "Jusos", les Jeunesses socialistes.
A la surprise générale, il fait rentrer la turbulenteorganisation de jeunesse dans le giron du SPD.
C'est son premier mouvement vers le centre, en direction du pragmatisme...
et dupouvoir.
Qualifié de caméléon par ses adversaires, Gerhard Schröder n'a plus grand-chose à voir avec le gauchiste des années 70.
Eludéputé en 1981, il faisait partie de la génération des "petits-fils" de Willy Brandt, ces ex-jeunes loups qui ont contribué à la chutede Helmut Schmidt, en 1982, en embrassant les combats pacifistes et écologistes.
L'homme qui ne dénonçait pas vraiment lesterroristes de la Fraction armée rouge tient aujourd'hui un discours très ferme en matière de sécurité, proche de celui deschrétiens-démocrates.
Le militant écologiste et antinucléaire des années 80 est devenu le défenseur des automobilistes.
Il ne veutpas entendre parler de la réforme écologico-fiscale des Verts et préconise un abandon du nucléaire négocié...
sur plus de vingtans.
Quant à la politique étrangère et de défense, M.
Schröder a expliqué début août à Washington...
qu'elle serait la même quecelle de M.
Kohl.
GERHARD SCHRÖDER n'a rien du social-démocrate traditionnel.
S'il a été choisi comme candidat par ses camarades departi, ce n'est pas par proximité d'esprit ou amitié, mais parce qu'avec sa popularité il était le seul susceptible de conduire le SPDà la victoire.
Au "Plus de démocratie" de Willy Brandt s'est substitué le "Plus de Volkswagen" de Gerhard Schröder, lui qui siègeau conseil de surveillance du constructeur automobile, dont la Basse-Saxe est le premier actionnaire.
La conversion de Gerhard Schröder à l'économie de marché ne fait pas de doute.
Il en a payé le prix, ayant été démis en 1995de ses fonctions de porte-parole économique du parti pour avoir dit qu'"il ne s'agit pas de faire la différence entre une politiqueéconomique social-démocrate et une politique conservatrice, mais entre une politique moderne ou non".
"M.
Schröder a un bon flair économico-politique ; il a beaucoup appris au conseil de surveillance de Volkswagen et partagebeaucoup des priorités des responsables économiques", reconnaissait au printemps Hans-Olaf Henkel, le patron néo-libéral desindustriels allemands (BDI).
M.
Schröder est un pragmatique, favorable à la réduction du temps de travail pour sauver 30 000emplois chez Volkswagen, mais pour son allongement chez le fabricant de pneumatiques de Hanovre, Continental, qui a besoind'améliorer sa productivité.
Il ne prêche pas une politique industrielle libérale, mais allemande.
Son rêve est de faire de son pays une grande Bavière high-tech, libre d'exporter, mais aussi libre de protéger ses entreprises et ses salariés.
Début 1998, M.
Schröder n'a pas hésité à privatiser pour quelques mois le sidérurgiste Preussag Stahl, en passe d'être reprispar une entreprise autrichienne.
M.
Schröder oublie un peu ses principes dès que quelques emplois sont en jeu.
Le pacifiste d'hierest aujourd'hui pour l'avion de combat européen depuis qu'il peut garantir quelques emplois dans sa région.
Pour aiderContinental à s'implanter en Biélorussie, M.
Schröder a déjeuné à Hanovre, en mars, avec le dictateur de Minsk, AlexandreLoukatchenko, pourtant mis au ban de l'Union européenne.
Enfin, le bilan de M.
Schröder à Hanovre ne correspond pas à son image d'économiste raisonnable.
De tous les LÄnder del'Ouest, la Basse-Saxe est celui où l'endettement a crû le plus depuis 1991 (+ 43 %), et le chômage y est supérieur de deuxpoints à la moyenne de l'Ouest..
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