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Geoffroi de Monmouth, Histoire des rois de Bretagne (extrait)

Publié le 13/04/2013

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Dans son Histoire des rois de Bretagne, Geoffroi de Monmouth livre l’histoire des premiers siècles de l’Angleterre. Il mêle au récit historique un art littéraire fortement marqué par le mythe. Dressant le portrait du roi Arthur, il le pare de nombreuses qualités qui font de lui un roi idéalisé, voire légendaire. Au milieu d'agapes fastueuses, Arthur se montre généreux, pieux, délicat, riche et fort. Geoffroi de Monmouth, dans la pure tradition antique, pose le mythe fondateur d’une origine troyenne, élevant la gloire de la (Grande-)Bretagne à celle de Rome.

Le couronnement du roi Arthur

 

À l’approche des fêtes solennelles de Pentecôte, Arthur, qui débordait de joie après un tel triomphe, décida de tenir rapidement sa cour pour procéder à son couronnement ; il convoqua à ces festivités les rois et les princes qui lui étaient soumis, à la fois pour célébrer solennellement cette cérémonie et pour consolider de nouveau fermement la paix entre les grands du royaume. Ayant exposé son dessein à ses proches, il prit la résolution de mener à bien son projet dans la Ville-des-Légions. Cette ville se trouvait dans le Glamorgan, sur l’Usk, non loin de la mer de Severn : bénéficiant d’un site agréable et plus abondamment pourvue de richesses que les autres cités, elle était le lieu idéal pour une telle cérémonie. D’un côté de la ville, coulait le fameux fleuve de la Severn, par lequel les rois et les princes d’outre-mer qui devaient venir pouvaient accéder avec leurs navires. De l’autre côté, elle était entourée de bois et de prairies ; des palais royaux témoignaient de sa puissance et leurs toitures dorées rappelaient Rome. Elle était aussi réputée pour ses deux églises dont l’une, édifiée en l’honneur de Julius le Martyr, abritait un très beau chœur de vierges consacrées à Dieu. La seconde avait été fondée à l’intention de saint Aaron, compagnon de Julius : elle était entretenue par une communauté de chanoines et représentait le troisième siège métropolitain de la Bretagne. La ville possédait en outre un gymnase de deux cents philosophes ; versés dans l’astronomie et les autres arts libéraux, ils observaient scrupuleusement le cours des astres et, par de sûres estimations, prédisaient au roi Arthur les prodiges des temps à venir. C’est donc dans cette ville, célèbre pour tant d’agréments, que fut préparée la fête. Des messagers furent envoyés dans les différents royaumes et on délivra des invitations à ceux qui devaient venir à la cour aussi bien de la Gaule que des îles voisines de l’Océan. […] Et, fait remarquable, la largesse d’Arthur, qui était connue dans le monde entier lui attirait l’amour de chacun.

 

 

Une fois tous ces personnages rassemblés dans la ville, comme le jour de la fête solennelle approchait, les archevêques furent conduits au palais pour couronner le roi du diadème royal. Ainsi donc Dubrice, dans le diocèse duquel se tenait la cour, était prêt à célébrer la cérémonie et il s’y appliqua avec soin. Le roi, en tenue d’apparat, se rendit en grande pompe à l’église métropolitaine. Deux archevêques l’encadraient à sa droite et à sa gauche. Quatre rois, ceux d’Albanie bien sûr, de Cornouailles, de Démétie et de Vénédotie, s’avançaient devant lui, selon leur prérogative, portant quatre glaives d’or. Un groupe d’hommes aux multiples couronnes le précédait également, en chantant de remarquables mélodies. D’un autre côté, des archevêques et des évêques conduisaient la reine, parée des insignes royaux, à l’église des Vierges-Consacrées. Quatre reines, épouses des quatre rois déjà nommés, portaient devant elles quatre colombes blanches selon la coutume. Toutes les femmes mariées présentes à la fête suivaient la reine, dans une très grande liesse. La procession terminée, les instruments de musique et les chants remplirent les deux églises d’une si douce harmonie que les chevaliers ne savaient pas dans laquelle pénétrer en premier. Ils se précipitaient donc par groupes, tantôt dans l’une, tantôt dans l’autre, et si la cérémonie avait duré toute la journée, ils ne s’en seraient pas du tout lassés. Après la célébration de l’office religieux dans chacune des deux églises, le roi et la reine déposèrent leurs couronnes et, ayant revêtu des parures plus légères, se rendirent au festin, le roi dans son palais avec les hommes et la reine dans un autre palais avec les femmes. Les Bretons observaient en effet une ancienne coutume troyenne et ils avaient l’habitude de célébrer les fêtes séparément, les hommes entre eux et les femmes entre elles. Lorsque tous les invités furent placés selon leur rang, le sénéchal Kai, vêtu d’hermine, servit les plats, secondé par mille hommes de noble naissance, également vêtus d’hermine. D’un autre côté, l’échanson Beduer, accompagné d’autant de personnes habillées de vair, versait des boissons de toutes sortes dans des coupes de formes variées. Dans le palais de la reine, d’innombrables domestiques aux livrées distinctes accomplissaient aussi leur service, chacun à sa place. […] Le festin terminé, les invités gagnèrent des terrains situés hors de la ville, où ils se regroupèrent pour différents jeux. Simulant un combat, les chevaliers organisèrent aussitôt un tournoi et les femmes qui les regardaient du haut des murailles plaisantaient et excitaient en eux les feux furieux de la passion. Le reste du jour se passa, sans le moindre incident, à toutes sortes de divertissements : les uns frappaient avec des cestes, des piques de fer, d’autres s’exerçaient au javelot, au jet de grosses pierres ou de rochers, d’autres encore pratiquaient les jeux de hasard. Tous les vainqueurs étaient couverts de présents de grande valeur, offerts par Arthur. Les trois premiers jours s’écoulèrent ainsi. Au quatrième, on convoqua tous ceux qui, par leurs fonctions, avaient servi le roi et ils reçurent chacun des biens : cités, châteaux, archevêchés, évêchés, abbayes et bien d’autres honneurs.

 

 

Source : Geoffroi de Monmouth, Histoire des rois de Bretagne, Paris, Les Belles-Lettres, 1992.

 

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