Franjo Tudjman, ou le nationaliste fourvoyé
Publié le 17/01/2022
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déjà était leur président - en vinrent à s'enrôler contre une guerre d'agression caractérisée, criminelle dans ses méthodes et dansson objectif de réalisation d'une grande Serbie ethniquement pure ; ces mois pendant lesquels ils résistèrent seuls à l'arméefédérale yougoslave devenue armée de Milosevic, qui leur était massivement supérieure.
Franjo Tudjman venait de connaître desmoments difficiles : critiqué d'abord par ceux qui lui reprochaient de n'avoir pas su empêcher la guerre, critiqué ensuite par desnationalistes plus durs que lui qui l'accusaient de ne pas la mener assez fermement.
Mais en janvier 1992, pour avoir libéré lanation croate du joug de Belgrade, il accédait à l'immortalité aux yeux de ses compatriotes, qui le lui signifièrent peu après, lors dela première élection présidentielle au suffrage universel.
Tout ne fut ensuite que gâchis, mise à mal d'une idée nationale croate qui avait forcé la reconnaissance mais allait être très viteternie.
En Bosnie d'abord.
Alors que Croates et Musulmans sont victimes à leur tour, à partir du printemps 1992, du "nettoyageethnique" dans toutes les régions de Bosnie où vivent des Serbes, cette solidarité de victimes est rompue, à la fin de la mêmeannée, par les nationalistes croates d'Herzégovine, qui proclament l'indépendance de l' "Herzeg Bosna".
Avec le soutien deZagreb, ils mènent à Mostar et en Bosnie centrale contre les Musulmans une guerre qui n'a rien à envier aux méthodes serbes,comme le rappellent aujourd'hui les poursuites intentées par le tribunal de La Haye.
C'est "la guerre dans la guerre", un deuxièmefront dans le conflit bosniaque que la communauté internationale est déjà impuissante à gérer.
LES Croates d'Herzégovine, a-t-on dit, sont pour la Croatie ce que furent un temps les Français d'Algérie pour la France.
Ilsseront la perdition pour Franjo Tudjman, une pression extrémiste dont ils ne se libérera plus, même après la guerre de Bosnie :son régime, jusqu'à la fin, aura été sous l'emprise d'un lobby herzégovinien sans scrupules, profiteur et corrupteur, au point depousser à la démission l'année dernière quelques-uns des plus proches membres de l'entourage du président.
Quant au sort de la Bosnie, Franjo Tudjman n'a jamais dissimulé le grand cas qu'il en faisait.
En mai 1995, invité à Londres à undîner où il avait pour voisin de table le leader du Parti libéral-démocrate Paddy Ashdown, il dessina schématiquement le plan departage de la Bosnie qu'il avait en tête : une ligne grossièrement ébauchée sur un menu, nouvelle frontière serbo-croate, avecBanja Luka et Sarajevo du côté de la Croatie, Tuzla du côté de la Serbie.
Sans honte ; sincèrement convaincu que le plus simplemoyen de régler le problème bosniaque était de faire disparaître la Bosnie de la carte.
S'était-il entendu sur ce schéma avecMilosevic ? On l'en soupçonna, comme on l'en avait déjà soupçonné à des stades antérieurs de la crise dans l'ex-Yougoslavie.Certains observateurs ont recensé les contacts entre les deux hommes durant cette crise et sont arrivés à un chiffre dépassant lacinquantaine ; ce qui fait effectivement beaucoup pour des ennemis historiques.
Les Occidentaux ne l'entendaient pas ainsi.
Sous la forte pression des Américains, un cessez-le-feu est intervenu entre Croateset Musulmans et Franjo Tudjman a accepté, par l'accord de Washington du 1er mars 1994, qu'une fédération croato-musulmanesoit constituée en Bosnie.
Cette initiative américaine, appuyée par une aide active à l'armée croate, débouchera à l'été 1995 sur ladéfaite militaire des Serbes en Croatie et en Bosnie.
Le 5 août, l'armée croate reprend en deux jours le contrôle de la Krajina auxmains des Serbes sécessionnistes depuis 1991 ; quelques jours plus tard, les forces croato-musulmanes lancent en Bosnie uneoffensive qui provoquera la déroute serbe et sera suivie, quelques mois plus tard, par l'accord de paix de Dayton.
Pour la reconquête de la Krajina, comme pour la conquête de l'indépendance trois ans et demi plus tôt, Franjo Tudjman amérité de la patrie.
Les Croates dans leur ensemble ne lui imputent pas les exactions qui furent commises dans cette région enaoût 1995, ni l'exode massif des Serbes qui y vivaient.
Mais une fois parachevée l'indépendance du pays avec le rétablissementde sa souveraineté sur tout le territoire, ils seront progressivement de plus en plus nombreux à souhaiter sortir de la période deguerre et se réconcilier avec la normalité européenne.
Franjo Tudjman, lui, n'en sortira pas : adepte, à la manière d'un ancien communiste, des cérémonies commémoratives qui sontun hommage à lui-même autant qu'aux combattants tombés ; adepte de la même manière d'une forme de pouvoir autoritairedérivé de l'état d'urgence, qui s'embarrasse assez peu du respect des libertés démocratiques ; flirtant avec la droite extrême dansle recours persistant aux thèmes de guerre, dans sa sollicitude envers les Herzégoviniens dont il finira par devenir l'otage ;trahissant, par le traitement qu'il réserve aux Serbes qui sont restés dans le pays, à ceux surtout qui cherchent en vain à y rentrer,la vraie nature de son nationalisme.
Rusant néanmoins avec la communauté internationale qui le surveille, donnant des gages detemps en temps, évitant l'affrontement ouvert, sans que l'on sache encore très bien ce qui dans ce jeu relevait d'une pure duplicitéou d'un réel sentiment d'injustice et d'incompréhension.
En 1941, le jeune Franjo Tudjman, âgé de dix-neuf ans, a rejoint les partisans conduits par Tito dans leur lutte contre le régime"indépendant", sanguinaire, que les nazis ont mis en place à Zagreb.
Il fera après la guerre un brillant début de carrière militaire,avant d'opter pour l'Histoire - marxiste - dans les années 60.
C'est alors qu'il paraît prendre conscience que l'un des thèmes de.
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