Essais de théodicée - Gottfried Wilhelm Leibniz : Le meilleur des mondes possibles (§ 7 et 8)
Publié le 22/02/2012
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Dieu est la première raison des choses : car celles qui sont bornées, comme tout ce que nous voyons et expérimentons, sont contingentes et n'ont rien en elles qui rende leur existence nécessaire, étant manifeste que le temps, l'espace et la matière, unies et uniformes en elles-mêmes et indifférentes à tout, pouvaient recevoir de tout autres mouvements et figures, et dans un autre ordre. Il faut donc chercher la raison de l'existence du monde, qui est l'assemblage entier des choses contingentes, et il faut la chercher dans la substance qui porte la raison de son existence avec elle, et laquelle par conséquent est nécessaire et éternelle. Il faut aussi que cette cause soit intelligente ; car ce monde qui existe étant contingent, et une infinité d'autres mondes étant également possibles et également prétendants à l'existence, pour ainsi dire, aussi bien que lui, il faut que la cause du monde ait eu égard ou relation à tous ces monde possibles, pour en déterminer un. Et cet égard ou rapport d'une substance existante à de simples possibilités ne peut être autre chose que l'entendement qui en a les idées ; et en déterminer une, ne peut être autre chose que l'acte de la volonté qui choisit. Et c'est la puissance de cette substance qui en rend la volonté efficace. La puissance va à l'être, la sagesse ou l'entendement au vrai, et la volonté au bien. Et cette cause intelligente doit être infinie de toutes les manières et absolument parfaite en puissance, en sagesse et en bonté, puisqu'elle va à tout ce qui est possible. Et comme tout est lié, il n'y a pas lieu d'en admettre plus d'une. Son entendement est la source des essences, et sa volonté est l'origine des existences. Voilà en peu de mots la preuve d'un Dieu unique avec ses perfections, et par lui l'origine des choses.
Or, cette suprême sagesse, jointe à une bonté qui n'est pas moins infinie qu'elle, n'a pu manquer de choisir le meilleur. Car comme un moindre mal est une espèce de bien, de même un moindre bien est une espèce de mal, s'il fait obstacle à un bien plus grand ; et il y aurait quelque chose à corriger dans les actions de Dieu, s'il y avait moyen de mieux faire. Et comme dans les mathématiques, quand il n'y a point de maximum ni de minimum, rien enfin de distingué, tout se fait également ; ou quand cela ne se peut, il ne se fait rien du tout ; on peut dire de même en matière de parfaite sagesse, qui n'est pas moins réglée que les mathématiques, que s'il n'y avait pas le meilleur (optimum) parmi tous les mondes possibles, Dieu n'en aurait produit aucun. J'appelle monde toute la suite et toute la collection de toutes les choses existantes, afin qu'on ne dise point que plusieurs mondes pouvaient exister en différents temps et différents lieux. Car il faudrait les compter tous ensemble pour un monde, ou si vous voulez pour un univers. Et quand on remplirait tous les temps et tous les lieux, il demeure toujours vrai qu'on les aurait pu remplir d'une infinité de manières, et qu'il y a une infinité de mondes possibles dont il faut que Dieu ait choisi le meilleur, puisqu'il ne fait rien sans agir suivant la suprême raison.
«
Dieu a choisi le meilleur de tous les univers possibles 1
Gottfried Wilhelm von Leibniz (1646-1716)
Vous ne le savez peut-être pas encore, mais vous êtes une
Monade et vous vivez dans le meilleur des mondes possibles.
Voilà de quoi vous réjouir ou, au contraire, vous agacer forte
ment, comme le fut Voltaire, qui écrivit Candide uniquement
pour tourner en ridicule l'optimisme leibnizien, béat donc idiot.
N'en déplaise à Voltaire, Leibniz est un philosophe fonda
mental.
Mais sa pensée est difficile.
Elle risque fort, pour le
profane, d'être à l'image de ses fameuses Monades: sans portes
ni fenêtres.
Il est ardu d'y pénétrer.
Et pour peu qu'on y arrive,
le chemin, pour autant, n'est pas assuré.
Comme Leibniz lui
même, le lecteur est souvent amené à se dire : «Je croyais entrer
dans le port; mais je fus comme rejeté en pleine mer 2• >> La philqso
phie leibnizienne est opaque, abstraite, et il est nécessaire, pour
la comprendre, de tirer des bords afin de parvenir au but.
Esprit encyclopédique à la curiosité universelle, Leibniz est
aussi insaisissable que sa philosophie est retorse:.
mathémati
cien de renom, il invente le calcul infinitésimal, dont Newton
lui conteste la paternité au cours d'une longue et célèbre
controverse.
Conseiller diplomatique auprès du prince électeur
de Mayence, il tente de convaincre Louis XIV d'entreprendre
une campagne en Égypte.
Bibliothécaire du duc de Brunswick
(ensuite électeur de Hanovre), historiographe, juriste, géo
logue, Leibniz est un temps conseiller technique auprès des
mines du Harz, dont il entreprend le drainage.
Chrétien
fervent et œcuménique, il s'emploie aussi inlassablement à
l'union des Églises protestantes et catholique.
Toutes ces acti-.
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