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Eisenhower, un diplomate en uniforme

Publié le 17/01/2022

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6 juin 1944 - -C'est vous, Ike ? -Oui. -Le chef dit qu'il faut que vous sautiez dans un avion et que vous veniez ici sans perdre une seconde. Dites à votre patron que les ordres officiels arriveront plus tard. C'est par ce dialogue téléphonique entre le département de la guerre et le colonel Eisenhower, chef d'état-major de la IIIe armée, qu'une honnête carrière militaire devint tout à coup, le 12 septembre 1941, aussi rapide que brillante. Le fils du petit employé d'Abilene (Kansas) avait certes à West-Point accumulé les mauvais points et s'était rendu plus célèbre par son goût du football que par son penchant pour la discipline. Mais, dès sa sortie, il s'était révélé un officier brillant et travailleur attiré par les idées et les techniques nouvelles. C'est ainsi qu'il s'intéressa aux chars d'assaut, alors dans leur prime jeunesse. Il doit aux connaissances qu'il acquit rapidement de se voir retenu bien malgré lui aux Etats-Unis, alors que ses camarades s'embarquaient pour l'Europe. Il leur doit aussi de se retrouver en 1918, à vingt-huit ans, le plus jeune colonel-à titre temporaire-de l'armée américaine. En 1920, la démobilisation terminée, le colonel devient major et commande pendant deux ans des " bataillons " blindés. Puis il part pour Panama. Lorsqu'en 1935 il part réorganiser " l'armée défensive du Commonwealth des Philippines ", MacArthur emmène le discret et précieux Eisenhower, promu lieutenant-colonel. Au début de la seconde guerre mondiale, personne ou presque, dans les milieux militaires américains, ne se préoccupe sérieusement du Japon. Et le conflit en Europe est surtout l'occasion de paris dans les mess de l'armée. Le lieutenant-colonel Eisenhower ne pense pas beaucoup, lui non plus, à la menace japonaise. Mais il est persuadé que l'Amérique devra un jour intervenir en Europe. Il demande à rentrer aux Etats-Unis et, malgré les objections de son " patron ", obtient de regagner la mère patrie où on lui donne le commandement du 15e régiment d'infanterie à Fort-Lewis, dans l'Etat du Washington. Tâche ardue. Les militaires ne croient pas à la guerre et n'y sont pas préparés. " L'armée, écrira-t-il plus tard, concentrait son attention sur l'astiquage des armes, les parades et les revues ". Le commandement du 15e régiment d'infanterie sera le dernier qu'Eisenhower exercera dans la troupe. Le général Marshall est en train de mettre sur pied une armée à la mesure du péril et du rôle mondial des Etats-Unis. Les officiers pourvus d'une solide formation sont peu nombreux, les organisateurs trop rares. " Ike " devient chef d'état-major de la 3e division, puis de la IIIe armée du général Krüger. Marshall, quatre jours après Pearl-Harbor, faisait de l'ancien adjoint de MacArthur le second du général Gerow au bureau " plans de guerre ", et bientôt le sous-chef d'état-major " plans et opérations ". En mars 1942, Eisenhower est major général. Avec un petit groupe d'officiers, il prépare un plan de débarquement en Europe. Une seule base possible, estime-t-il : l'Angleterre. Le plan est approuvé par Roosevelt. Marshall et Hopkins obtiennent, en avril 1943, l'accord de principe des Anglais. A la fin de juin 1942, le nouveau chef de l'ETOUSA (European Theater of Operations United States Army) arrivait à Londres en compagnie du général Clark. Il y fut de but en blanc plongé dans des problèmes non seulement logistiques ou stratégiques mais aussi politiques et psychologiques. Le major général Eisenhower se trouvait chargé d'organiser l'invasion pacifique d'une Grande Bretagne déjà surpeuplée par des hommes de moeurs, de goûts-et même de langage-dissemblables. Il déploya avec l'aide du pittoresque Brendan Bracken une de ses qualités maîtresses : le sens de l'humain, une honnêteté directe et pleine de gentillesse. Mais de cette amabilité, de ce sens des rapports humains, on a voulu faire l'élément essentiel de son caractère. Eisenhower était certes un soldat-diplomate, mais c'était un soldat. Et un grand chef d'entreprise. Commandant de l'armée américaine, il lui fallut non seulement veiller à l'installation et à l'entraînement des unités qui débarqueront dans les îles Britanniques, mais aussi diriger, par l'intermédiaire du général Spaatz, et en liaison avec la RAF, les bombardements aériens. En même temps, il devait assister aux conférences interalliées sur le plan d'invasion. Le commandement d' " Overlord " A la conférence du Caire, Churchill ne put faire prévaloir son idée d'une vaste offensive vers les Balkans, contre " le bas-ventre mou de l'Axe ". L'opération principale demeurerait le débarquement sur les côtes françaises. En décembre, le président Roosevelt, de passage à Tunis, annonça à Eisenhower qu'il en prendrait le commandement. Et dans son allocution radiodiffusée de Noël le président donna pour la première fois au " lieutenant-colonel de l'armée régulière " le titre de " commandant suprême des forces expéditionnaires alliées ". " Vous pénétrerez sur le continent européen, puis, en coordination avec les autres nations alliées, vous entreprendrez des opérations devant vous mener au coeur de l'Allemagne et vous permettre de détruire ses forces armées ". Telle était la brève directive que reçut de l'état-major interallié le nouveau commandant d' " Overlord ". Elle supposait, a écrit Chester Wilmot, " la plus grande opération combinée de l'histoire contre la côte la plus puissamment fortifiée qu'aucune armée ait jamais essayé d'aborder ". Le maréchal de l'air Tedder, commandant suprême adjoint, chargé de l'aviation stratégique, entra le premier dans la bataille. Sur l'ordre d'Eisenhower, il conduisit, à partir de mars 1944, l'offensive aérienne contre les lignes de communications ennemies. En même temps s'accomplissait un énorme travail de préparation. Eisenhower, président-directeur général d'une entreprise sans précédent, sut admirablement le mener à bien. " Le vent a tourné ! Les hommes libres du monde marchent tous ensemble à la victoire ! ", proclamait l'ordre du jour du commandant suprême. La nuit du 5 au 6 juin 1944 fut pour ce chef profondément humain et d'esprit religieux une nuit d'angoisse. Leigh-Mallory ne lui avait-il pas, le 30 mai, représenté comme un " massacre inutile " l'opération aéroportée prévue sur le Cotentin ? Pendant les trois mois qui suivirent le débarquement, Montgomery eut la haute main sur la " coordination tactique ", et, on doit lui reconnaître la paternité du plan qui consistait à attirer dans la région de Caen le maximum de divisions allemandes pour, le moment venu, permettre à Bradley de " pousser la porte " à l'autre extrémité du front, à Avranches. Mais ce fut au sens de l'organisation d'Eisenhower, " patron " hors de pair, que les Alliés durent d'avoir débarqué, au 2 juillet, un million d'hommes, 566 648 tonnes d'approvisionnements et 171 532 véhicules. Son souriant entêtement brisa la vague de critiques, qui, venues d'Amérique et de Grande-Bretagne à la fin de juin, accusaient le commandement de piétiner dans la tête de pont normande. Ce fut lui enfin qui, malgré les arguments de Churchill, lança de Lattre et Devers dans une triomphale chevauchée de Provence en Alsace. Vers la victoire finale " Maître dans la préparation méthodique de forces en vue d'une bataille rangée, d'une attaque bien réglée ", Eisenhower n'en avait pas moins jusqu'alors été, selon le mot d'un critique britannique. " un homme d'Etat militaire plutôt qu'un véritable général ". Mais la façon dont Montgomery avait conduit les combats de l'été 1944 avait suscité chez les Américains, et notamment chez Bradley, un mécontentement croissant. En outre, le commandant du groupe d'armées anglo-canadiennes qui fonçaient au nord de la Seine ne pouvait plus assurer la coordination avec les forces de Bradley qui marchaient vers le nord-est et celles de Devers qui remontaient du sud. Eisenhower décida donc de confier à chacun des trois commandants de groupes d'armées le commandement en chef des forces terrestres dans son secteur. Il ne dépendraient plus que de lui. A partir du 31 août 1944 ce fut donc lui qui assuma entièrement la conduite des opérations. Le 27, Paris, libéré au prix d'en sérieuse entorse à ses plans avait fait à " Ike " un accueil enthousiaste. Le 8 septembre, il installa le SHAEF à Versailles. L'avance alliée avait été bien plus rapide qu'on ne l'avait prévu. Le ravitaillement ne " suivait " pas. Le risque était grand de voir les armées victorieuses non seulement arrêtées dans leur élan mais refoulées faute d'essence, de vivres et de munitions. Il est significatif qu'un des succès dont Eisenhower se montra par la suite le plus fier fut d'avoir réussi au prix d'un colossal effort logistique à empêcher ce désastre. L'affaire des Ardennes avait à peine freiné la préparation de l'assaut final. Sa première phase devait être l'anéantissement des forces ennemies sur la rive gauche du Rhin. Une série d'attaques déclenchées successivement du 8 février au 25 mars 1945 de la Roer à la Sarre y pourvut. Du 24 mars au 1er avril, parties de Wesel et de Remagen, les branches d'une immense tenaille se referment sur la Ruhr. Le 18 avril, trois cent vingt-cinq mille hommes et trente généraux allemands sont prisonniers. Tandis que les Britanniques s'emparent de Brême, les forces américaines et la Ire armée française " éclatent " dans toutes les directions. Montgomery a atteint l'Elbe le 16 avril. Le 25, à Torgau, Russes et Américains fraternisent. " Cedant arma... " Le 7 mai, dans une classe de l'école de Reims où est installé le QG avancé du SHAEF, Jodl, face à Bedell Smith, signe les conventions qui marquent la fin de la résistance allemande à l'Ouest, Tedder, à Berlin, ira parapher le 9 mai le texte final. Le 25 mai 1945 le chef des armées alliées prend le gouvernement militaire de la zone d'occupation américaine. Il s'installe à Francfort et siège, aux côtés des Russes, des Français et des Anglais, au conseil interallié de Berlin. Il lie de cordiaux rapports avec le maréchal Joukov. Le 21 juin, Washington accueille triomphalement le fils du petit employé d'Abilene. Le 19 novembre, le président Truman l'appelle à succéder au général Marshall comme chef d'état-major de l'armée. La guerre, sur tous les fronts, est terminée. Il faut maintenant rapatrier et démobiliser les millions de GI. Est-ce l'heure de la retraite ? Le général Eisenhower a cinquante-huit ans lorsque l'université Columbia, à New-York, lui offre sa présidence. Il ne portera pas longtemps la toge et le bonnet carré. Lorsque le pacte atlantique est signé et qu'on cherche un commandant aux forces encore dans les limbes, son nom rallie tous les suffrages. S'il a eu, comme beaucoup de ses compatriotes, quelque peine à comprendre les subtilités de la politique européenne, du moins d'Alger à Berlin a-t-il dû s'y accoutumer. Le premier objectif du nouveau commandant " atlantique ", chef de la première coalition militaire du temps de paix, est moins d'aligner les divisions encore bien peu nombreuses que de convaincre les Européens de la réalité du péril et de la nécessité de l'union, et les Américains de l'importance vitale de la péninsule européenne pour leur propre protection. Un an après son retour en Europe, le général a réussi, sinon à dresser une barrière infranchissable, du moins à jeter les bases d'une défense. Le 12 avril 1952, il annonce son intention de quitter son poste pour briguer le mandat présidentiel. Il y avait dix ans et cinq mois que, sur un coup de téléphone, le colonel Eisenhower avait sauté dans l'Histoire.

« Le commandement d' " Overlord " A la conférence du Caire, Churchill ne put faire prévaloir son idée d'une vaste offensive vers les Balkans, contre " le bas-ventremou de l'Axe ".

L'opération principale demeurerait le débarquement sur les côtes françaises.

En décembre, le présidentRoosevelt, de passage à Tunis, annonça à Eisenhower qu'il en prendrait le commandement.

Et dans son allocution radiodiffuséede Noël le président donna pour la première fois au " lieutenant-colonel de l'armée régulière " le titre de " commandant suprêmedes forces expéditionnaires alliées ". " Vous pénétrerez sur le continent européen, puis, en coordination avec les autres nations alliées, vous entreprendrez desopérations devant vous mener au coeur de l'Allemagne et vous permettre de détruire ses forces armées ". Telle était la brève directive que reçut de l'état-major interallié le nouveau commandant d' " Overlord ".

Elle supposait, a écritChester Wilmot, " la plus grande opération combinée de l'histoire contre la côte la plus puissamment fortifiée qu'aucune armée aitjamais essayé d'aborder ". Le maréchal de l'air Tedder, commandant suprême adjoint, chargé de l'aviation stratégique, entra le premier dans la bataille.Sur l'ordre d'Eisenhower, il conduisit, à partir de mars 1944, l'offensive aérienne contre les lignes de communications ennemies.En même temps s'accomplissait un énorme travail de préparation.

Eisenhower, président-directeur général d'une entreprise sansprécédent, sut admirablement le mener à bien. " Le vent a tourné ! Les hommes libres du monde marchent tous ensemble à la victoire ! ", proclamait l'ordre du jour ducommandant suprême.

La nuit du 5 au 6 juin 1944 fut pour ce chef profondément humain et d'esprit religieux une nuit d'angoisse.Leigh-Mallory ne lui avait-il pas, le 30 mai, représenté comme un " massacre inutile " l'opération aéroportée prévue sur leCotentin ? Pendant les trois mois qui suivirent le débarquement, Montgomery eut la haute main sur la " coordination tactique ", et, on doitlui reconnaître la paternité du plan qui consistait à attirer dans la région de Caen le maximum de divisions allemandes pour, lemoment venu, permettre à Bradley de " pousser la porte " à l'autre extrémité du front, à Avranches.

Mais ce fut au sens del'organisation d'Eisenhower, " patron " hors de pair, que les Alliés durent d'avoir débarqué, au 2 juillet, un million d'hommes,566 648 tonnes d'approvisionnements et 171 532 véhicules.

Son souriant entêtement brisa la vague de critiques, qui, venuesd'Amérique et de Grande-Bretagne à la fin de juin, accusaient le commandement de piétiner dans la tête de pont normande.

Cefut lui enfin qui, malgré les arguments de Churchill, lança de Lattre et Devers dans une triomphale chevauchée de Provence enAlsace. Vers la victoire finale " Maître dans la préparation méthodique de forces en vue d'une bataille rangée, d'une attaque bien réglée ", Eisenhower n'enavait pas moins jusqu'alors été, selon le mot d'un critique britannique.

" un homme d'Etat militaire plutôt qu'un véritable général ".Mais la façon dont Montgomery avait conduit les combats de l'été 1944 avait suscité chez les Américains, et notamment chezBradley, un mécontentement croissant.

En outre, le commandant du groupe d'armées anglo-canadiennes qui fonçaient au nord dela Seine ne pouvait plus assurer la coordination avec les forces de Bradley qui marchaient vers le nord-est et celles de Devers quiremontaient du sud.

Eisenhower décida donc de confier à chacun des trois commandants de groupes d'armées le commandementen chef des forces terrestres dans son secteur.

Il ne dépendraient plus que de lui.

A partir du 31 août 1944 ce fut donc lui quiassuma entièrement la conduite des opérations.

Le 27, Paris, libéré au prix d'en sérieuse entorse à ses plans avait fait à " Ike " unaccueil enthousiaste.

Le 8 septembre, il installa le SHAEF à Versailles. L'avance alliée avait été bien plus rapide qu'on ne l'avait prévu.

Le ravitaillement ne " suivait " pas.

Le risque était grand de voirles armées victorieuses non seulement arrêtées dans leur élan mais refoulées faute d'essence, de vivres et de munitions.

Il estsignificatif qu'un des succès dont Eisenhower se montra par la suite le plus fier fut d'avoir réussi au prix d'un colossal effortlogistique à empêcher ce désastre. L'affaire des Ardennes avait à peine freiné la préparation de l'assaut final.

Sa première phase devait être l'anéantissement desforces ennemies sur la rive gauche du Rhin.

Une série d'attaques déclenchées successivement du 8 février au 25 mars 1945 de laRoer à la Sarre y pourvut.

Du 24 mars au 1 er avril, parties de Wesel et de Remagen, les branches d'une immense tenaille se referment sur la Ruhr.

Le 18 avril, trois cent vingt-cinq mille hommes et trente généraux allemands sont prisonniers.

Tandis que lesBritanniques s'emparent de Brême, les forces américaines et la Ire armée française " éclatent " dans toutes les directions.. »

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