Dom Helder Camara, voix des sans-voix
Publié le 17/01/2022
Extrait du document
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le communisme n'est pas le plus grand péril de l'heure.
Le cardinal de Rio fait bientôt comprendre à son auxiliaire qu'il vaut mieuxqu'ils se séparent.
A Rome, c'est le concile.
Dom Helder ne prend pas une seule fois la parole dans l'aula.
Il se méfie de la "vedettarisation".
Cequi l'intéresse, c'est que l'ensemble du corps ecclésial bouge, se convertisse, s'engage.
Il s'y emploie dans les couloirs, dans lespetits groupes.
Une fois ou l'autre, une lettre circulaire, ou une conférence de presse, donne l'idée de la vigoureuse liberté de sathéologie : "Nous, les Excellentissimes, nous avons besoin d'une excellentissisme réforme ! C'en est assez d'une Eglise qui veutêtre servie ; qui exige d'être toujours la première ; qui n'a pas le réalisme et l'humilité d'accepter la condition du pluralismereligieux ; qui crie qu'elle a le monopole de la vérité..."
Dom Helder n'hésitait pas à dire que Lénine et ses disciples avaient eu historiquement raison de voir dans la religion un opiumdu peuple.
Il se refusait à croire que Dieu, qui a fait l'homme libre et co-créateur, puisse se satisfaire d'un culte d'hommes-esclaves, d' "hommes-cactus", d'hommes couchés dans la résignation.
Il a profondément souffert de tout ce qui faisait duchristianisme une "religion aliénée et aliénante" : le chrétien doit être libre, et le christianisme libérateur.
Quand, après le concile, le vent de la contestation s'est levé sur l'Eglise, Dom Helder ne s'est cependant pas révélé comme leleader de cette contestation.
Cela ne l'a pas empêché de déployer, dans son diocèse, un style apostolique très librement post-conciliaire.
Mais il s'est comporté comme si, pour lui, le combat primordial qu'il avait engagé contre l'injustice nécessitait lemaximum de solidarité ecclésiale : on ne peut pas se battre sur deux fronts à la fois.
A quoi s'ajoutait un souci, poussé jusqu'auscrupule, de ne rien faire ni dire qui puisse jeter ne serait-ce qu'une ombre sur sa communion avec l'évêque de Rome.
Dom Helder est nommé archevêque de Recife au moment même où l'armée chasse Joao Goulart du pouvoir, et s'y installe à saplace.
Va-t-il, comme nombre d'évêques brésiliens, baisser d'un ton sa prédication sociale et, se mettant au goût politique dujour, rejoindre le gros du troupeau dans une lecture plus traditionnellement conservatrice de l'Evangile ?
Le 12 avril 1964, il se présente à ses nouveaux diocésains : "Que personne ne se scandalise de me voir fréquenter des gens quel'on considère comme indignes et pécheurs.
Qui donc n'est pas pécheur ?" Et il présente le Christ qu'il veut servir : "Bien que,pour certains, cela puisse paraître étrange, j'affirme que, dans le Nord-Est, le Christ s'appelle José, Antonio ou Severino...
Eccehomo ! Voici le Christ, voici l'homme ! L'homme qui a besoin de la justice, qui a droit à la justice, qui mérite la justice !"
C'est l'heure - qui va durer des mois - où tous ceux que le pouvoir d'ordre moral considère comme "subversifs" sontsystématiquement poursuivis, arrêtés, expulsés, déchus de leurs droits civils.
Usant de ses relations, de son savoir-faire politique,de ses privilèges cléricaux aussi, Dom Helder se dresse comme un paratonnerre au-dessus du Nordeste, protégeant qui il peut,comme il peut.
Dans d'innombrables conférences, il met en évidence les injustices les plus criantes .
De toutes les tribunes qui s'offrent à lui, iltente d'ouvrir les yeux sur les formes multiples de l'esclavage, entretenues par le colonialisme interne comme par le colonialismeexterne.
Chiffres en mains, il dénonce l'exploitation locale, nationale, continentale, internationale des pauvres, qui ne cessent d'êtreplus pauvres, par les riches, qui ne cessent d'être plus riches.
Il reconnaît aux pauvres, étouffés par "la guerre subversive del'argent", le droit de légitime défense.
Le pittoresque "évêque des favelas" est devenu l' "évêque rouge", "subversif", "communiste",dénoncé par certains de ses pairs.
En mai 1968, un attentat crapuleux est ourdi contre lui...
Dom Helder cherche le moyen de passer de la parole aux actes.
Au Brésil comme dans les pays voisins, les jeunes sont de plusen plus tentés par l'insurrection violente.
Le prêtre colombien Camilo Torres fait des disciples.
Dom Helder les comprend, et il nes'en cache pas.
Mais il ne les suit pas.
Son option pour la non-violence ne s'appuie pas seulement sur sa lecture de l'Evangile.
Elleest aussi, pour lui, la seule politique réaliste.
Avant de rêver de révolution, il faut pour l'archevêque de Recife, commencer par "faire de la masse un peuple".
C'est le but des"opérations Espérance" par lesquelles il s'efforce de "conscientiser" des petites communautés de quartier et de leur donner l'idéeet les moyens de prendre dans leurs propres mains leur propre destin.
C'est le sens aussi du mouvement Action, justice et paixque, conjointement avec d'autres évêques, il lance en octobre 1968.
Ce devait être un mouvement de non- violence active, de"pression morale libératrice", inspiré des exemples de Gandhi et de Martin Luther King.
Il en avait soigneusement élaboré lesprincipes, le programme et les méthodes.
Ce devait être, mais cela n'a pas été.
En décembre 1968, l'armée renforce ses pouvoirs en édictant l'Acte institutionnel numéro5.
Il n'y a plus de place ni pour l'action non violente, qui exige, pour être efficace, un minimum de liberté politique, ni pour laguérilla, qui va bientôt être liquidée en la personne de ses chefs Marighela et Lamarca.
La terreur et la torture s'installent dans lepays..
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