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Dissertation gratuite: S'engager, est-ce renoncer à sa liberté ?

Publié le 23/07/2010

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L'homme vient de se marier. Hier soir, il a enterré sa vie de garçon sachant que désormais, il ne pourra plus faire certaines choses. En effet, il vient de s'engager devant Dieu à aimer et protéger son épouse et ce jusqu'à ce que la mort les sépare. Cet engagement est-il pour autant un renoncement à sa liberté ?  L'engagement est une promesse, une convention que l'on contracte. Par lui, on est lié par une sorte de lien moral, de lien juridique également. Or la liberté peut se définir comme l'absence de lien, de contrainte. Par suite, l'engagement est un renoncement à sa liberté.  Cependant, l'engagement découle d'un choix, d'une volonté et dans ce sens, il affirme au contraire la liberté puisque cette dernière réside également dans la capacité de choisir. On est donc amené à se demander ce qu'est réellement un engagement et à quelle définition de la liberté renonce-t-on lorsqu'on s'engage ? L'engagement ne conduit-il pas au contraire à l'affirmation d'une autre liberté plus grande encore ? Mais sur quoi doit alors reposer l'engagement pour être affirmation et non renoncement ?    On considère souvent que s'engager, c'est se lier par une promesse. C'est également d'après la définition de Lalande adhérer à une cause, s'y attacher et la servir. L'engagement est donc un acte volontaire de quelqu'un qui abandonne sa position de simple spectateur et qui met sa personne, sa pensée, son art au service d'une cause. La personne engagée se crée ainsi une obligation morale. L'engagement est donc un lien moral. Par exemple, lorsqu'on s'inscrit auprès d'un professeur à suivre les cours de regroupements d'éducation sportive du CNED, on s'engage à suivre les cours avec assiduité. On se sent obligé de le faire puisqu'on s'y est engagé. Or la liberté peut se caractériser par une absence de lien d'ordre moral. Cet engagement constitue donc une entrave à celle-ci. De plus, l'engagement suppose également qu'on ne changera pas d'avis dans un futur plus ou moins proche. En effet, que vaudrait un engagement si on changeait sans arrêt d'avis ou s'il était admis qu'on ne le respecte pas ? Il consiste alors à déterminer un comportement futur. Mais peut-on encore parler de liberté lorsque le futur est déjà tracé par avance puisque celle-ci réside aussi dans la possibilité de se déterminer ? De même, l'engagement réduit aussi le champ des possibles. En choisissant une voie, on s'en interdit d'autres et cela semble contraire à l'idée que l'on se fait bien souvent de la liberté puisqu'on peut la résumer à la possibilité de faire ce que l'o n veut, sans être contraint par quoi que ce soit. Ainsi, si on s'engage à donner des cours particuliers le jeudi et qu'un ami nous propose une activité bien plus attrayante le même jour, on ne peut accepter sauf à manquer à sa parole et à casser le lien moral que suppose tout engagement. On risque alors de se sentir bien mal avec sa conscience.    Le renoncement conséquent à l'engagement semble donc porter sur la liberté. Mais si celui-ci est un lien moral qui détermine le futur et limite les possibles, il est aussi une action déterminée par la volonté réfléchie. Or la liberté se définit aussi par le pouvoir de déterminer ses actions par sa seule volonté. On voit donc que l'engagement ne conduit pas forcément à un renoncement de celle-ci et peut être au contraire une affirmation de la liberté    L'engagement est une action déterminée par une volonté réfléchie parce que l'homme engagé se prouve à lui-même que la cause qu'il veut servir est juste. De ce fait, le lien créé l'est de manière volontaire et en pleine connaissance de cause. Si on considère que l'homme possède le libre arbitre comme le pensaient les métaphysiciens, il a donc la possibilité de choisir et de s'engager par sa seule volonté.  Zola, pendant l'affaire Dreyfus, s'est engagé en toute connaissance de cause. Il était suffisamment instruit pour être capable d'analyser les tenants et les aboutissants de cette affaire. Alors que rien ne l'y obligeait, il n'a pas hésité à s'engager pour une cause qu'il trouvait juste. Son engagement fut un acte réfléchi issu de sa seule volonté et il a donc utilisé son libre arbitre pour agir.

 De plus, la liberté réside dans la capacité de déterminer ce qui est bien ou mal, non pas au regard des seuls intérêts de l'homme mais au regard de l'humanité entière. D'après Sartre, la liberté consiste en la connaissance de ce qui est mal ou bien au point de s'opposer aux lois imposées par la société quand elles sont au service d'une idéologie dangereuse. L'homme qui pendant la seconde guerre mondiale s'est opposé au régime nazi, a montré sa capacité de ne pas participer à un emportement collectif parce qu'il jugeait que c'était mal. Son engagement est une affirmation de cette liberté.    Engagement et liberté peuvent donc aller de pair, mais il convient de voir en quoi il faut nuancer ce propos en se demandant sur quoi l'engagement doit reposer pour ne pas être un renoncement à sa liberté ?    Premièrement, l'engagement doit être fondé sur l'autonomie c'est-à-dire sur la capacité de penser par soi-même et de ne pas être dépendant d'un autre pour conduire ses opinions et ses actions. Il doit être passé au crible de l'examen critique. Celui qui se soumet à un engagement par peur ou par intérêt n'est pas libre. Il est au contraire esclave de lui-même. Ainsi, l'homme qui s'engage à suivre des préceptes religieux par peur d'aller en enfer ou pour être récompensé dans l'au-delà n'affirme pas sa liberté. Il affirme juste une crainte et tente de se rassurer.  Ensuite, l'engagement doit être réalisable. Dans le cas contraire, l'homme se met des chaînes et perd sa liberté. Il se détermine ainsi un futur qui ne pourra voir le jour et se prive aussi de beaucoup de possibles car il peut rester bloqué dans la réalisation de son engagement. Si un homme s'engage à apprendre parfaitement toutes les langues du monde, il y a fort à parier qu'il n'y parvienne pas. S'il s'entête dans la poursuite de son engagement, il risque de ne vivre que pour lui sans obtenir satisfaction puisque celui-ci est irréalisable. Souhaitons-lui alors de ne pas être obligé de le respecter.  Enfin, l'engagement doit être résiliable pour être une volonté chaque jour renouvelée et par là-même être une affirmation de la liberté chaque jour démontrée. De cette sorte, l'engagement ne pourrait être vu comme une contrainte. Dans ce sens, l'engagement du mariage est affirmation de la liberté puisque le divorce existe. L'un et l'autre sont à chaque moment libres de rompre leur engagement quelle que soit leur raison. Ils restent ensembles par volonté et déterminent ainsi jour après jour leur vie, ce qui signifie l'exercice de la liberté. Il faut qu'il soit résiliable parce que l'Homme change, parce que ses idées évoluent au gré de l'expérience acquise de sorte que l'engagement qu'il a jugé juste à une époque peut lui sembler inadapté à une autre.    L'engagement peut donc parfois être pris pour un renoncement à sa liberté mais il est en réalité affirmation d'une vraie liberté : celle qui repose sur la capacité de choisir ses actes selon sa propre volonté et ses propres opinions. Toutefois, pour qu'il en soit ainsi, il faut que l'engagement soit le fruit d'une réflexion poussée et critique, qu'il soit réalisable et résiliable.

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