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Discutez cette opinion : « La valeur morale de l'homme est en proportion de sa faculté d'admirer.»

Publié le 22/02/2012

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morale
L'affirmation est assez surprenante. Que d'hommes ont eu une vie toute de sacrifice ou de dévouement dans laquelle on ne voit guère la place que tient l'admiration : une mère qui se dévoue pour des enfants même ingrats, une religieuse qui meurt en soignant des malades, etc. Pour bien comprendre la pensée, il faut d'abord expliquer le mot admirer. La valeur morale ne peut pas tenir au fait d'admirer personnellement et continument un modèle, un homme d'exception qu'on se propose d'imiter ; ce cas peut exister, mais il n'est pas une règle. Il s'agit d'admirer tout ce' qui est moralement grand, d'avoir un idéal élevé auquel on sait qu'on n'atteindra pas, mais que l'on admire soit en lui-même, soit dans les hommes qui s'en sont rapprochés; et c'est cette admiration qui est le principe de notre dignité morale. D'autre part, la vérité de la pensée ne peut pas être absolue. Comme nous le disions, une mère ne se sacrifie pas pour ses enfants parce qu'elle admire d'autres mères héroïques, ni même l'idée abstraite de sacrifice; un grand savant ne consacre pas sa vie à une science désintéressée parce qu'il admire d'autres savants, ni même l'idée de la science. Pour admettre la justesse de la pensée, il faut comprendre que les grandes âmes, des plus glorieuses aux plus modestes, ne sont pas capables d'envie et ne le sont guère de critique, de scepticisme; elles ont bien plutôt, même si elles ne l'exercent pas ou ne l'exercent qu'inconsciemment, la faculté de s'enthousiasmer pour les êtres et les actions dignes d'admiration. Pour être exacte, et lourde, la pensée devrait être : « La valeur morale de l'homme est en proportion des vertus de désintéressement et de dévouement qui le rendent plus capable d'enthousiasme et d'admiration que de critique et de scepticisme. » Encore pourrait-on dire que dans bien des cas une morale éclairée, élevée, part d'une critique pénétrante et courageuse de ce que l'opinion accepte ou même admire et dont nous discernons la médiocrité ou l'erreur. Notre pensée a été poussée jusqu'au paradoxe.

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