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Diderot, réfléchissant sur les conditions de la grande poésie, écrit : « Plus un peuple est civilisé, poli, moins ses moeurs sont poétiques... La poésie veut quelque chose d'énorme, de barbare et de sauvage... Quand verra-t-on naître des poètes? Ce sera après les temps de désastres et de grands malheurs, lorsque les peuples harassés commenceront à respirer. Alors les imaginations, ébranlées par des spectacles terribles, peindront des choses inconnues à ceux qui n'en ont pas été les tém

Publié le 22/02/2012

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diderot
L'explication doit être avant tout analytique. Vous montrerez que l'effort de l'esprit classique pour « civiliser » la littérature, pour éliminer tout ce qu'il pouvait y avoir « d'énorme, de barbare et de sauvage » et de libre, de personnel a fini par tuer le lyrisme. Vous analyserez les caractères du lyrisme poétique; vous montrerez comment il est né après la Révolution et les guerres de l'Empire, après l'ébranlement des imaginations, et comment il remplit certaines des conditions demandées par Diderot à la grande poésie. Vous pourrez et même, dans une certaine mesure, vous devez compléter cette analyse par une partie polémique. Diderot a pressenti le romantisme, mais non pas tout le romantisme; le lyrisme du Lac de Lamartine n'a rien d'énorme, de barbare et de sauvage et il n'y avait guère besoin de désastres et de grands malheurs pour que Lamartine souffrît cruellement de savoir Elvire mourante. Et vous pouvez aussi (sans qu'ici ce soit nécessaire) expliquer pour quelles raisons Diderot a été capable de discerner la médiocrité du lyrisme classique et d'annoncer le romantisme. L'explication tient à son caractère personnel; il est ardent, impétueux, frémissant; ses émotions le bouleversent et tout est pour lui émotions. Et il cherche sans cesse les émotions artistiques fortes et violentes où le romantisme puisera tant d'inspirations, les mers furieuses des tableaux de Joseph Vernet, les forêts sombres, les cieux orageux; il aime le pathétique direct et véhément de Sophocle, de Shakespeare. Les idées de Diderot s'expliquent également par son temps. Le passage est extrait du traité De la poésie dramatique, publié en 1758. A cette date le classicisme semble avoir encore presque toute sa force. Mais on élève déjà des critiques vives et assez nombreuses contre ce qu'il y a de trop abstrait et de trop oratoire dans la tragédie classique ; on commence à se révolter contre les excès du rationalisme classique, contre l' "esprit géométrique". Déjà apparaissent les âmes sensibles. Elles vont se multiplier après 1760 et les idées de Diderot se retrouveront dans un assez grand nombre d'ouvrages. Il existe, entre 1760 et 1789, un préromantisme très développé. Ce sont les contemporains de Diderot et non pas lui seul qui ont pressenti le romantisme.

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