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Des millions d'Afghans tentent de survivre à un drame humanitaire

Publié le 17/01/2022

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18 mars 2001 3,7 millions de réfugiés afghans hors de leur pays, dont 200 000 arrivés au Pakistan ces six derniers mois ; 500 000 personnes déplacées à l'intérieur de l'Afghanistan ; 4 millions d'habitants sévèrement touchés par la sécheresse, dont un million sont menacés de grave malnutrition ; une sécheresse qui semble vouloir se poursuivre pour la quatrième année de suite et aucune perspective de paix... La crise humanitaire qui déchire l'Afghanistan ne fait que se prolonger. Elle n'a sûrement pas encore atteint son paroxysme. Avec la fin de l'hiver et la réouverture des routes, l'exode des paysans frappés de plein fouet par la sécheresse a repris sur une plus grande ampleur. Aucune région n'est épargnée par ces mouvements de populations. Si, dans la région d'Hérat, les 150 000 personnes déplacées sont pour l'instant plus ou moins prises en charge dans des camps identifiés, la situation est plus délicate au nord du pays, aux alentours de la ville de Mazar-i-Charif. Environ 120 000 personnes y sont dispersées dans des camps de fortune, par petits groupes et dans des endroits parfois difficiles à atteindre. Les organisations non gouvernementales (ONG), relais essentiels pour la distribution de l'aide, sont en outre moins nombreuses à Mazar-i-Charif. Les problèmes logistiques s'en trouvent accentués. Quelque 100 000 personnes sont encore déplacées dans le nord-est de l'Afghanistan, à la fois en raison de la sécheresse et des combats qui ont lieu dans la province de Takhar entre les talibans et les forces de l'opposition du commandant Ahmad Shah Massoud. Dans le Hazarajat, au centre, c'est aussi la combinaison des combats et de la sécheresse qui a poussé des villages entiers à l'exode. Plus de 3 000 familles, soit environ 15 000 personnes, sont arrivées à Kaboul depuis le début de l'année. La plupart de ces déplacés ont tout laissé en fuyant les combats et se sont installés dans les ruines des quartiers chiites détruits entre 1992 et 1996. Ils viennent augmenter la détresse de Kaboul, où déjà les deux tiers de la population subsistent grâce à l'aide internationale. Face à cette crise, la réponse de la communauté internationale a été jusqu'à maintenant plus que timide. Sur les 250 millions de francs d'aide demandée par l'ONU, seulement 85 millions avaient été versés à la fin avril. « Nous devons presque inventer un nouveau langage pour faire passer le message que la situation est réellement très mauvaise », affirme Eric de Mul, responsable des activités humanitaires de l'ONU pour l'Afghanistan. La fatigue des Etats donateurs vis-à-vis d'un pays secoué depuis vingt ans par les guerres civiles s'ajoute à la réticence de certains pays hostiles à la politique des talibans qui sont au pouvoir à Kaboul et qui contrôlent près de 90 % du territoire national. « CRISE STRUCTURELLE » Les perspectives à court terme sont peu encourageantes et, selon le Programme alimentaire mondial (PAM), le déficit en blé pour l'année va se monter à 2 millions de tonnes. Révélateur de l'approfondissement de la crise, l'assistance du PAM est passée de 1,25 million de personnes en 1999 à 3,3 millions en 2000 ; cette année, l'organisme prévoit d'aider 3,8 millions de nécessiteux. « On voudrait arriver à distribuer 25 000 tonnes de blé par mois », avance Gerard Van Dijk, représentant du PAM pour l'Afghanistan. « Et même cela n'est pas suffisant, car il y a ensuite des problèmes de capacité de distribution », observe-t-il. Après vingt ans de guerre, l'Afghanistan n'a quasiment plus d'infrastructures en état ; les routes, en particulier, sont très difficilement praticables, allongeant d'autant la durée des trajets. Si la crise humanitaire s'est installée progressivement et requiert une réponse d'urgence, cette dernière ne sera toutefois pas suffisante. Chacun sait aujourd'hui qu'il faudra des années et une aide considérable aux paysans qui ont tout perdu. « C'est dorénavant une crise structurelle, commente Eric de Mul, car ceux qui dépendaient, par exemple, de leur troupeau devront changer de mode de vie, puisqu'ils n'auront pas les moyens de le reconstituer. Il faudra les aider à financer une alternative. » Parmi les paysans aujourd'hui déplacés dans les camps, beaucoup ont vendu leurs terres et ne reviendront pas dans leurs villages. Ceux qui voudront revenir devront être aidés en matière de semences, de bétail, d'engrais, etc. Pour les paysans, qui constituent 85 % des 20 millions d'Afghans, la reconversion risque donc d'être difficile. Et comment l'envisager dans un pays en guerre ? Car les acteurs politiques, talibans ou responsables de l'opposition, ne sont visiblement pas disposés à mettre entre parenthèses leur guerre pour donner la priorité à la situation humanitaire. Le haut-commissaire des Nations unies pour les réfugiés, Rudd Lubbers, qui vient de passer quatre jours en Afghanistan, en a fait l'amère expérience. Les deux parties ont refusé de s'engager sur la trêve qu'il réclamait pour une période de six mois ou un an, en s'accusant mutuellement de violer tout accord de ce genre. Au contraire, de violents combats ont repris à la fois au nord-est du pays et dans la région de Bamiyan, au centre. Tout porte à croire que les talibans d'un côté et les forces du commandant Massoud de l'autre se préparent pour leur traditionnelle offensive d'été.

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