De la prohibition à la criminalité
Publié le 04/04/2013
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Peu après la Première Guerre mondiale, l’instauration de la prohibition aux États-Unis pour veiller à la moralité publique génère de nombreux effets indésirables. Loin d’interdire toute consommation d’alcool dans les faits, la prohibition marque l’essor du commerce clandestin et de la criminalité, avec son cortège de corruptions et de scandales. En s’instituant, le grand banditisme développe ses figures de légendes, comme le gangster Al Capone, contre-pied du modèle américain et, en même temps, exemple crapuleux de la réussite à l’américaine.
Les conséquences de la prohibition aux États-Unis
L’avènement simultané des automobiles, des mitrailleuses Thompson, et du téléphone permit aux gangsters, qui avaient réussi dans leur petite ville, d’étendre leur contrôle à de grandes cités et à des États entiers. Pour ce faire, ils avaient besoin d’un solide revenu. Ce revenu était fourni par la prohibition nationale. [...]
Les profits de la prohibition étaient si énormes qu’un plan se développa pour la fabrication et la vente de l’alcool illicite. De 1920 à 1923, il y eu une foule de petits trafiquants et de contrebandiers de boissons alcooliques rivalisant pour le bénéfice du marché. Seuls ces gangs criminels qui étaient organisés dans les grandes villes, comme le gang Torrio à Chicago et l’Union Sicilienne, pouvaient se garder une énorme part de gâteau. La situation de la contrebande était semblable à celle du monde des affaires en Amérique, au milieu du XIXe siècle. L’apparition des grands trafiquants fut similaire à l’ascension des « barons voleurs « et des trusts, par l’élimination de tous les rivaux au moyen de la terreur, du crime et des rabais de prix. Pendant les cinq années qui suivirent 1924, les guerres entre gangs des grandes villes se multiplièrent et les derniers des respectables brasseurs et distillateurs, qui faisaient toujours un commerce illégal, fuirent pour sauver leur vie. À l’époque de la consolidation du pouvoir d’Al Capone à Chicago, il y avait tous les ans entre 350 à 400 meurtres dans le comté de Cook (Illinois) et environ 100 attaques à la bombe. Cependant, avant 1929, un congrès des plus importants gangsters se réunit à Atlantic City (New Jersey), chacun ayant sa zone d’opération bien définie dans laquelle il avait le monopole.
Les condottières de New York — Frank Costello, Frankie Yale, Larry Fay, Dutch Schultz, et Owney Madden — connaissaient leur rayon d’action et reléguèrent Maxie Hoff à Philadelphie, le gang Purple à Detroit, le vieux clan Remus à Cincinati et à Saint-Louis, Solly Weisman à Kansas City et Al Capone dans la plus importante partie de Chicago. On pourrait même constituer un dossier sur les résultats probants du gangstérisme organisé. La menace que représentait le voyou indépendant avait presque disparu, car la police et les gangs réguliers coopéraient pour l’éliminer. En ce qui concerne la suppression de la concurrence, les gros gangs étaient vraiment bénéfiques à la société.
Mais tout compte fait, les gangs pourrissaient encore plus la situation déjà pourrie qui avait existé à l’époque des bordels et des saloons du bon vieux temps. Dans ses effets pratiques, la prohibition transféra chaque année deux milliards de dollars des mains des brasseurs, des distillateurs et des actionnaires aux mains des assassins, truands et illettrés. Même si les marchands d’alcool et les actionnaires utilisaient mal leur fortune, du moins leurs aspirations en accord avec celles de la classe moyenne empêchaient le pouvoir qu’ils tiraient de leur argent de répandre partout la trace gluante du banditisme et de la corruption. En politique et dans les affaires, dans les syndicats et les associations patronales, dans le secteur public et dans l’industrie privée, la prohibition était comme l’huile dorée par laquelle le crime organisé s’insinua partout au point d’atteindre une position d’incroyable pouvoir au sein de la nation.
Source : Sinclair (A.), « Prohibition «, Textes et Documents pour la classe, 1970, n° 65.
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