Dans Quelle mesure le personnage de roman donne-t-il au lecteur un accès privilégié à la connaissance du coeur humain ? Vous répondrez à cette question en vous appuyant sur les textes proposés et vos connaissances personnelles.
Publié le 16/09/2006
Extrait du document
Le roman est un genre qui voit le jour au XVIème siècle et se détache du reste des genres littéraires car il s’agit d’un récit plus ou moins long, en prose, autrement dit d’une narration mettant en scène plusieurs personnages confrontés à une intrigue ; personnages dont la psychologie est exposée tout au long du roman. Lorsqu'un auteur écrit un livre, il accorde beaucoup d'importance à la création de ses personnages. Il leur donne une personnalité particulière qu'il veut faire saisir au lecteur afin de marquer ce dernier puisque un des buts de l'écrivain est de bien entendu parvenir à toucher ses lecteurs. En lisant un roman, nous rentrons dans l’univers des personnages -mis en place par l’auteur pouvant être réel ou fictif-, nous nous mettons en quelques sortes dans leur peau en imaginant que l’on est confronté aux mêmes intrigues. On dit souvent que les personnages de romans sont un reflet, constituent un miroir de la race humaine, du moins de certains ‘’types’’ d’individus. Une question se pose : le personnage de roman donne-t-il au lecteur un accès privilégié à la connaissance du cœur humain? Afin de répondre à cette question, nous pourrons affirmer dans un premier temps qu'un personnage de roman n'offre pas de possibilité à la connaissance du cœur humain. Cependant, d'autres éléments et d’autres exemples nous permettrons de montrer, dans un second temps qu'au contraire, les personnages romanesques facilitent au lecteur la connaissance et la compréhension de la réalité des sentiments et des émotions éprouvés par l’Homme.
Commençons tout d’abord par expliquer certains cas de personnages de roman qui bloquent cet accès au cœur humain. Le roman est un genre qui comprend des sous-genres. Parmi ces ramifications du roman, nous allons nous intéresser au roman policier. Sherlock Holmes, Miss Jane Marple, le docteur Watson ; nous avons tous déjà entendu parler de ces détectives. Qu’ils soient professionnels ou amateurs, ces personnages de roman inhibent l’accès au cœur humain. Dans les romans d’Agatha Christie, d’Arthur Conan Doyle, les détectives comme par exemple Hercule Poirot se contentent de rapporter les faits, de les analyser et de chercher des explications concrètes. Lorsque l’on pénètre dans l’univers mental de ces enquêteurs, dans leurs pensées, à aucun moment Poirot ou Holmes (parmi tant d’autres) ne laissent apparaitre leurs émotions, leurs-arrières pensées. Ils ne dévoilent pas leur sentiments, qui nous sont d’ailleurs inconnus, à nous en tant que lecteurs. On peut également noter l’absence de membres de la famille des détectives, de compagnes ou de diverses personnes avec lesquels ils entretiennent des liens –amicaux ou amoureux- afin de limiter la manifestation de certaines émotions, de certains sentiments qui pourront bouleverser cet effet de ‘’sérieux’’, de ‘’gravité’’ vital dans le monde policier. Ceci fait parti des caractéristiques que doit présenter le détective stéréotype ; il se doit de participer dans l’élaboration de cette touche mystérieuse qui est propre au roman policier. Cependant, les personnages secondaires de ce type de roman peuvent, eux, stimuler l’approche du cœur humain ; nous aborderons ces cas ultérieurement.
Parmi les nombreux personnages célèbres de romans, certains présentent des traits de caractères qui restent assez complexe. Ce sont des personnages paradoxaux, difficiles à cerner, dont on ne comprend pas toujours les pensées, les réactions, et les différents comportements. Nous pouvons citer, afin d’illustrer ces propos un des personnages français les plus célèbres, protagoniste du roman philosophique de Camus : L’Etranger. Meursault est en effet un personnage aberrant et très complexe. Dès les premières lignes du roman, le lecteur éprouve une certaine antipathie envers ce personnage que l’on peut qualifier d’antihéros. Au fil de la lecture, il est difficile au lecteur de bien cerner l’attitude du personnage lorsque ce dernier est confronté à la mort de sa mère. A certains moments, le fait que certaines des émotions de Meursault se manifestent – sa défunte mère lui manque, il repense occasionnellement à elle alors que sa mort ne semblait pas l’affecter – complique d’autant plus les choses. Le lecteur pense avoir capté la psychologie étonnante du personnage mais ce dernier ne fait que le surprendre par son comportement (cf. le meurtre de l’arabe et le procès). Jusqu'à la fin du récit, le lecteur ne comprend toujours pas ses actes et cherche encore de possibles explications. L’accès au cœur humain est reste donc assez vague, incertain mais en tous cas sa connaissance n’est pas totale lorsque le lecteur a affaire à des personnages du même type que celui de Camus. La mise en scène de tels personnages a pour fonction soit de transmettre une certaine philosophie –l’absurde dans ce cas-ci-, soit d’émettre une critique, soit pour distraire le lecteur en le surprenant : certains personnages romanesques voient leurs sentiments évoluer vivement tout au long du roman ; à l'exemple de Julien Sorel dans Le Rouge et le Noir de Stendhal, qui connait l'amour et la passion avec Mme. De Rênal puis la haine.
Les personnages de roman ne constituent pas toujours des miroirs de l’âme humaine comme dit précédemment. Ils sont quelquefois présentés de manière à ce qu’ils déforment la réalité et nous éloignent par la même occasion de la connaissance du cœur humain. Nous pouvons distinguer trois cas dans lesquels nous pouvons remettre en cause le degré de vérité et l’authenticité des événements. Premièrement, nous pouvons nous demander s’il est possible de raconter sa vie, ou celle de quelqu’un d’autre de manière véridique, sans la déformer. Le roman autobiographique –ou de simples biographies tournées à la manière d’un roman– pose problème. En effet, dans ce cas-ci, plusieurs facteurs peuvent perturber cet accès au cœur humain : tout d’abord, les défaillances de la mémoire, dues le plus souvent à la longueur du période entre les faits et le moment d’écriture. Autre facteur, l’amour propre de l’auteur qui souhaite améliorer ses traits en réduisant ses défauts. Prenons l’exemple de Nathalie Sarraute, qui, en écrivant son autobiographie, ressent les difficultés qu’il y a non seulement à retrouver ses souvenirs mais aussi à mettre à l’écrit des souffrances ravivées du passé. Deuxièmement, quand le personnage romanesque est un héros dans le sens où il se distingue du reste des hommes –réalisant des exploits, doté d’une force surnaturelle- mais aussi dans le sens où il s’agit d’une personnalité importante qui existe ou à existé. Nous pouvons retrouver ces deux facettes du héros respectivement dans les romans fantastiques et dans les romans historiques. Ce type de protagonistes se voient attribuer par certains auteurs des portrais très mélioratifs qui sont le plus souvent enjolivés. Dans le cas du roman historique, seuls les aspects positifs du héros sont présents, de manière à en faire l’éloge. Troisièmement et finalement, dans le cas ou le personnage romanesque est présenté en tant qu’une caricature. Le principe même de la caricature est de déformer les traits de quelqu’un en accentuant ses défauts. Le personnage donne dans ce cas-ci un accès au cœur humain, cependant un accès qui n’est pas privilégie car il n’est pas total: seules ses facettes péjoratives sont dévoilées et un accès en quelques sortes falsifié aboutissant à une connaissance erronée des sentiments et des émotions humaines. Quelques romans sont rédigés suivant ce principe : lorsque l’auteur est contre une idéologie politique par exemple, il est dans son intérêt de retoucher certains faits à l’exemple du roman La Nièce d’Hitler de Hansen. Dans ces trois cas de figures, la « dimension réelle « n’est pas authentique, ce n’est qu’une illusion car elle est la plupart du temps modifiée par des auteurs pour des raisons diverses.
Nous avons expliqué dans cette partie pourquoi on peut dire que l’accès à la connaissance du cœur humain n’est pas garanti par les personnages de roman et peut ne pas être privilégié. Une deuxième partie démontrera le contraire en montrant pour quelles raisons et par quels moyens mis en œuvres par les romanciers les personnages de ces derniers ont justement pour fonction de refléter l’âme humaine.
Dans cette seconde partie, nous allons commencer par expliquer en quoi le jeu des points de vue favorise cet accès au cœur humain. En alternant les focalisations interne, omnisciente et externe, le romancier nous permet l’abord de différentes visions du cœur humain suivant plusieurs niveaux. Le point de vue interne rend possible la pénétration dans l’intériorité du personnage et met par conséquent en évidence les émotions ressenties par ce dernier. Le lecteur a, par ce moyen un accès direct à la conscience du personnage. Cela signifie que ce dernier lui est alors entièrement transparent : en tant que lecteurs, nous pouvons cerner absolument tout ce que se dit le personnage, ses émotions, son affection, sa sensibilité, ses pensées, l’expression de ses sentiments. Nous pouvons citer l’exemple du texte B du corpus, La Prisonnière de Proust : le personnage parle en quelques sortes au lecteur de sa relation avec Albertine afin de lui faire découvrir son cœur. Le degré de vérité ici est incontestable car c’est le personnage lui-même qui se confesse. Les introspections et les monologues intérieurs font parti des moyen les plus efficaces permettant au personnage de mettre à plat ses sentiments, ses intentions et transmet une connaissance totale du cœur humain. Le point de vue omniscient a deux rôles : il peut compléter celui de la focalisation interne afin de mieux comprendre ses pensées, à l’exemple du texte C de Cohen : le point de vue interne nous renseigne sur les intentions de Solal, sur son avis quant à sa relation avec Ariane et le point de vue omniscient sur son état d’âme, ses réactions et son comportement. Le deuxième rôle de cette même focalisation consiste à compléter cette fois celui du point de vue externe. En effet, un des modes de présentation d’un personnage se fait par la description du physique : des manifestations de joie en réaction à un évènement, des larmes, un sourire… Les qualificatifs se rapportant au corps peuvent dans certains cas se rapporter à la personnalité d’un personnage –solide, bien bâtit ; fragile-.
Les textes du corpus sont tous des textes qui nous exposent différentes relations amoureuses entre des personnages romanesques. L’amour, un des sentiments les plus ressentis par l’homme, un thème qui inspire jusqu’aujourd’hui la littérature et en particulier les romans. L’amour, la passion, le désir, toutes ces émotions sont caractéristiques du cœur humain. Dans leurs déclarations d’amour, les personnages de roman s’abandonnent à la passion en offrant ainsi au lecteur un accès privilégié à la connaissance des émotions humaines dans le sens où leur cœur parle pour eux. Georges Duroy du roman Bel Ami de Maupassant est un parfait exemple pour illustrer cette thèse. En plus du besoin constant de Duroy d’être entouré par des femmes et d’entretenir différentes relations avec celles-ci, Bel Ami, en tant que roman dévoile d’autres caractéristiques du cœur humain ; tout ce que l’homme peut faire par amour à savoir se révéler infidèle envers son conjoint – Mme Walter en l’occurrence-, ne pas pouvoir s’en passer peut importe les actes de ce dernier – Mme Marelle-, faire preuve d’immoralité – Mme Forestier lors de la mort de son mari-. Ce même personnage nous donne l’accès un une autre facette du cœur humain, également présente dans le texte A du corpus, celui de Balzac : le désir sexuel. Armand de Montriveau veut à tout prix conquérir Antoinette de Langeais, tout comme Duroy séduit et entreprend des relations sexuelles avec la plupart des femmes du roman. La description de la duchesse dans cet extrait de La Duchesse de Langeais montre que cette femme qui veut « posséder sans être possédée «, femme libre et forte de son siècle, qui ne veut pas se soumettre aux hommes, qui constitue un modèle pour les femmes de l’époque. Nous pouvons donc dire que les personnages de romans qui connaissent l’amour sont de parfaits exemples qui offrent au lecteur l’accès à la connaissance du cœur humain.
Il est intéressant de se focaliser sur l’intériorité des personnages de romans lorsqu’ils sont confrontés à une situation dangereuse. Tout comme l’amour, la mort –entre autres- décortique la personnalité du personnage jusqu'à arriver à la verite enfouie dans le cœur de ce dernier. Nous allons à présent revenir sur le cas du roman policier abordé précédemment. Mis à part les détectives, ces romans présentent d’autres personnages, entre autres les victimes. Lorsque la victime est en danger, le lecteur voit clairement qu’elle est désorientée par les circonstances, surtout quand le point de vue est celui de la victime. Se présente alors une occasion au lecteur de faire une analyse psychologique su personnage, d’étudier son comportement, et c’est justement cela qui donne l’accès à la connaissance du cœur humain : les réactions face au danger, face à la mort surtout se ressemblent dans les différents romans policier, caractéristique même des émotions humaines. Les bandits dans ces romans favorisent aussi cet accès. Les meurtriers et d’autres personnages d’autres types de romans ont une autre psychologie face à de telles situations. Prenons l’exemple de Tchen, dans La Condition Humaine de Malraux. Dans une longue introspection, Tchen réfléchit quant au meurtre, il est hésitant, il a peur de tuer. A l’inverse, l’inspecteur Javer dans Les Misérables d’Hugo n’éprouve pas de pitié, agit sans se questionner. Nous avons donc ici deux émotions différentes se relatant à un même fait : en effet la peur et l’indifférence sont également deux facettes du cœur humain.
En somme, nous avons vu que les personnages de romans favorisaient et en même temps inhibaient l’accès à la connaissance du cœur humain. Parce qu'il est crée par l’homme, le personnage romanesque peut refléter l’âme humaine tout comme il peut modifier sa perception par le lecteur. Nous avons ici évoque le cas du roman policier étant illustrant à la fois la thèse et l’antithèse. C’est un cas assez particulier dans la mesure où différents rôles facilitent ou bloque cet accès au lecteur. Nous pouvons rajouter que la diversité des personnalités nous permet en général l’abord du cœur de l’homme car en effet, lorsque nous lisons des romans, chacun de nous peut s’identifier à un personnage. Quelques types de romans, entre autres le roman autobiographique –certains cas- peuvent se révéler être comme un miroir déformant de l’homme. Certaines émotions du cœur humain, à l’exemple de celles citées précédemment sont aptes à révéler la pure vérité quant à l’âme humaine car elles mettent en scène le personnage de façon à ce qu’il se « confesse «. Cependant, nous avons aussi évoqué des cas de personnalités romanesques assez difficiles à cerner, compliquant l’accès au lecteur. Il serait intéressant de se poser la même question mais cette fois-ci s’appliquant aux personnages de genres littéraires différents du roman, notamment le théâtre et la poésie.
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