Corrigé : Y-a-t-il une vérité des apparences ?
Publié le 23/07/2010
Extrait du document
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La raison ne peut prétendre maintenir jusqu'au bout son exigence de totale démonstrabilité, lorsque Pyrrhon identifievérité et démonstration, mais cela n'empêche pas la réalité des apparences ; il y a peut-être une insuffisance desdonnées expérimentales ou de la lecture que nous en faisons, mais il reste que la vérité n'est pas dans les choses,elle apparaît à l'occasion de la rencontre entre une réalité et un discours ou une pensée.
Heidegger le formule ainsidans « L'Essence de la Vérité » : « Une chose n'est pas vraie ou fausse, mais elle est réelle ou irréelle ».
La véritéde l'apparence se pose donc pour le sujet qui l'éprouve et dans la mesure où il la prouve.
Kant a toujours rappelé àqui voulait l'entendre que l'empirisme de Hume l'avait « réveillé de son sommeil dogmatique » et que si nosconnaissances ne dérivent pas toutes de l'expérience, elles commencent toutes avec elle.
Il faut donc bien maintenant penser une réalité des apparences et pourquoi pas ensuite leur vérité.
L'expériencecomme matériau de base de la connaissance fait de l'empirisme l'héritier de la tradition matérialiste d'Epicure, quiaffirmait que la sensation est le premier critère de définition de la vérité.
Qu'est-ce qu'une vérité dans un mondesans perception, sans matière ? Seul Platon peut répondre et conserver encore quelque cohérence avec un toposnoetos, lieu intelligible où la réalité vraie se définirait comme pure spiritualité ; sommes nous encore capables denous représenter une telle hypothèse, ou faut-il accepter la formule de Vernant « la religion de Platon » ?Il y a empiriquement une priorité chronologique de l'expérience sensible sur la construction de la pensée, noussommes des êtres percevant avant de devenir des êtres pensant.
L'apparence engage notre incarnation dans lemonde, c'est ce que dit Lavelle dans sa définition : « L'apparence ne peut pas être détachée de cet être dont onveut qu'elle soit l'apparence sans quoi elle ne serait rien, même pas une apparence.
» Ainsi la connaissance supposeune intuition sensible, condition nécessaire pour une rationalisation de la réalité.
Le réel lui-même ne peut avoir desens si nous faisons l'économie de l'expérience et donc des apparences.À ce stade il est souhaitable de clarifier les significations de termes aussi proche que sensation, perception,expérience et apparences.
Il semble que la sensation représente le matériau de base de la perception avec lesstimulis qui excitent nos organes sensoriels.
Puis, la perception organise, de manière non réfléchie, ces sensationsen fonction de l'activité présente du sujet selon une reconnaissance des Formes d'après la théorie psychologique dela Gestallt ou des schémas figure/fond dans lequel nous identifions une forme dans un contexte perceptif global ;nos perceptions ne sont jamais isolées.
Il ne dépend donc pas de nous de percevoir le flux sensoriel, en situationnos sens nous livrent tel ou tel type d'informations.
La construction réflexive de cette organisation perceptiveconstituera notre expérience, elle engage donc la conscience du sujet et c'est là que s'articule la notiond'apparence.Elle suppose le jugement, nous l'avons déjà vu, mais elle suppose surtout la croyance, Husserl parle de « foioriginaire dans le monde », Uhrdoxa.
L'apparence est une certaine façon d'adhérer à nos perceptions et c'est pourcette raison que la même expérience vécue par des individus différents, ne donne pas dans leur témoignage desrésultats identiques.
Ils ne « voient » pas, ne « ressentent » pas les mêmes choses, elles ne leur apparaissent pasde la même façon.Il faut donc maintenant chercher la profondeur de l'apparence si elle représente la seule « chose » à laquelle nousayons matériellement accès et chercher aussi les moyens de contrôler la validité de nos jugements sur elle.Le double constat de l'ambiguïté des apparences et de l'impossibilité de s'en passer conduit à penser que la seuleréalité indépassable nécessaire à toute connaissance de la vérité est le phénomène tel qu'il nous apparaît, àcondition qu'il soit « construit », structuré par le jugement d'un sujet.La conscience se définit alors simplement comme ce qui vise un objet et le phénomène visé nous donne alors à voirtout ce qu'il y a voir et à savoir sur la chose ; que l'on considère comme Kant un être en soi inaccessible au sujetpercevant, derrière ses manifestations sensibles ou que l'on saute le pas avec la naissance de la phénoménologie deHegel pour « revenir aux choses mêmes » selon le mot de Husserl, à une vérité des apparences et nier ce queNietzsche appellera « l'illusion des arrières-mondes » dans lesquels se cacherait l'être, la vraie réalité, l'essence,l'idée.La vérité ne doit plus être recherchée ailleurs que dans la description de la réalité du phénomène, ce qui va devenirle mot d'ordre phénoménologique repris par Husserl et Sartre.
Le monde et la conscience qui nous le rend accessible,sont à décrire avec objectivité pour retrouver la naïveté de ce contact premier, donc revenir aux apparencessimples en ayant tiré les leçons du scepticisme, en suspendant notre jugement, une véritable épochéphénoménologique où comme le précise Sartre dans l'introduction de « l'Être et le Néant » l'apparence : « n'est pasune manifestation inconsistante de cet être (…) celle-ci devient, au contraire, pleine positivité, son essence est un« paraître » qui ne s'oppose plus à l'être, mais qui en est la mesure, au contraire.
Car l'être d'un existant, c'estprécisément ce qu'il paraît.
»Par exemple l'électricité, comme phénomène, n'est pas en elle-même, autre chose que l'ensemble des actionsphysico-chimiques (électrolyse, incandescence, déplacement de l'aiguille du galvanomètre, etc…) qui nous larendent « apparente » : « L'apparence ne cache pas l'essence, elle la révèle : elle est l'essence.
»Ainsi l'apparence n'est pas vraie ou fausse en elle-même comme fait matériel, mais elle montre quelque chose etnotre jugement va la déterminer, lui accorder ou pas certaines qualités et c'est ce jugement, cette attribution quipeut recevoir ou pas notre assentiment, notre croyance, puis se révéler vrai ou faux, ce qui implique un moyen devérification.
En fait, presque malgré nous, l'apparence nous engage dans un processus de jugement, donc deconnaissance ; l'apparence, comme présence, ne pose aucun problème, elle ne devient problématique que si l'onprétend juger de sa nature ; la connaissance serait une possibilité du jugement et non une nécessité.
Demander s'ily a une vérité des apparences revient, par conséquent, à se demander si un jugement sans connaissance peut êtrevrai et on s'aperçoit que tout jugement est prédicatif, il dit quelque chose à propos de quelque chose, il donne unprédicat, un attribut à un sujet et comme tel, s'il se réfère à une apparence, il suppose la définition thomiste de lavérité comme adéquation de la pensée et du réel.
C'est l'intérêt, mais aussi la limite du projet phénoménologique,car même si l'apparence révèle l'essence, il reste que notre jugement doit se donner les moyens de ne pas laméjuger, de déduire au lieu d'induire quand cela est possible ; de calculer, de construire des méthodes à l'image des.
»
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