Communauté européenne de défense [CED]
Publié le 04/04/2013
Extrait du document
1 | PRÉSENTATION |
Communauté européenne de défense [CED], projet d'armée européenne élaboré entre 1950 et 1954, à propos duquel se sont violemment et passionnément querellés partisans et opposants du projet, et plus précisément sur la question du réarmement de l’Allemagne que celui-ci prévoyait.
2 | DES SOLDATS ALLEMANDS DANS UNE ARMÉE EUROPÉENNE |
Le déclenchement de la guerre de Corée en juin 1950, qui marque un des sommets de la guerre froide, ravive le spectre d'un troisième conflit mondial. Dans cette perspective, l'Europe occidentale, affaiblie par deux guerres mondiales, paraît à la merci d'une possible invasion soviétique. Aussi les Américains saisissent-ils l'occasion d'imposer à leurs partenaires européens l'idée d'une nécessaire reconstitution de l'armée allemande, en menaçant de retirer leurs troupes d'Europe. S'opposant à la mise sur pied d'une armée allemande autonome, la France, qui est isolée, se voit contrainte de faire des concessions alors même que la Communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA) se met en place. Le président du Conseil, René Pleven, présente ainsi, en septembre 1950, un plan — à l'élaboration duquel a veillé Jean Monnet — qui prévoit, à l'instar de la CECA, l'instauration d'une armée européenne.
Il s'agit de créer une armée communautaire, placée sous la responsabilité d'un ministre commun de la Défense, contrôlée par une Assemblée européenne, avec un budget et des programmes militaires eux aussi communs, qui intégrerait des unités nationales au plus bas niveau possible de commandement. L'armée européenne se composerait d'une demi-douzaine de divisions dans lesquelles des bataillons allemands seraient mêlés à ceux d'autres nations. L'Assemblée nationale accepte les grandes lignes de ce plan le 26 octobre 1950. Mais déjà une forte opposition se fait jour et le gouvernement d'Edgar Faure se voit contraint, en février 1952, de demander un certain nombre de garanties supplémentaires aux Américains et aux Européens, pour pouvoir signer le traité de la CED. Toutefois Antoine Pinay, le nouveau président du Conseil, signe le traité fondant la CED à Paris le 27 mai 1952.
3 | UNE NOUVELLE AFFAIRE DREYFUS ? |
Mais pour entrer en vigueur, ce traité doit être ratifié dans les différents Parlements, ce qui est bientôt chose faite chez les autres partenaires européens. En France, les différents gouvernements préfèrent ne pas soumettre le texte aux parlementaires, de crainte d'être renversés. En effet, l'opposition au projet ne cesse de se renforcer. Parmi les anticédistes, il y a principalement les communistes, qui voit dans ce projet une menace pour l'Union soviétique, et les gaullistes, pour qui la CED prive la France d'un des attributs fondamentaux de sa souveraineté : une armée nationale. De l'autre côté, seul le Mouvement républicain populaire (MRP) se déclare complètement en faveur du projet, alors que les autres partis sont divisés. Ainsi au Parti radical, les adversaires d'hier, Édouard Herriot et Édouard Daladier, font front commun contre les cédistes René Mayer et Maurice Faure. Le débat prend bientôt un caractère passionnel qui dépasse la seule CED.
En fait, ce projet d'armée européenne soulève deux problèmes importants, à savoir la question de l'hégémonie américaine et celle du réarmement allemand. Peut-on accepter que les armées françaises soient sous commandement américain ? Moins de dix ans après la Libération, peut-on réarmer les Allemands qui ont envahi trois fois en soixante-dix ans le pays ? De plus, l'armistice intervenu dans la guerre de Corée et la mort de Staline rendent moins immédiate la menace soviétique. Enfin, créer une armée commune est un moyen de jeter les bases d'une Europe supranationale. La querelle de la CED devient alors également celle de l'instauration d'une communauté politique européenne. Pressé par les Américains, qui menacent de « révisions déchirantes « les alliances en cas de prolongement des tergiversations, Pierre Mendès France présente le projet de la CED devant l’Assemblée nationale, le 30 août 1954. Par 319 voix (les communistes, les gaullistes, la moitié des socialistes et des radicaux et un tiers des indépendants) contre 264, la CED est définitivement rejetée. Toutefois la querelle de la CED a, selon l'historien René Rémond, pesé aussi lourdement sur l'évolution du régime que les guerres coloniales, à tel point que dans un livre paru dès 1956, Raymond Aron se demandait si cette querelle n'avait pas été pour la IVe République, ce que l'affaire Dreyfus fut pour la IIIe République.
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