Commentaire de l’article 14 du traité sur l’Union européenne
Publié le 22/03/2014
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Commentaire de l’article 14 du traité sur l’Union européenne
L’expression « Assemblée des bavards « employée par Jacques Chirac, en 1979, en référence au Parlement européen, démontre la difficulté, pour ce dernier, à s’imposer comme une institution légitime et nécessaire.
Lors de la création des Communautés européennes, l’Assemblée était essentiellement consultative. Elle était le maillon faible du système institutionnel. Pour autant, la pratique et les révisions successives lui ont permises de s’affirmer comme une institution puissante.
Ainsi, en 1962, l’Assemblée se donne le titre de Parlement européen lequel sera accepté formellement qu’en 1992 avec le traité de Maastricht. Ce changement d’appellation souligne l’évolution du Parlement.
Ses compétences budgétaires, depuis 1970, et de co-législateur, ont pris de plus en plus de place, depuis les traités d’Amsterdam et de Nice.
Dès lors, contrairement à l’image de faiblesse institutionnelle que le parlement véhicule encore, il joue désormais un rôle central, que ce soit d’un point de vue de sa capacité à contrôler la Commission ou son influence sur la législation.
Le traité de Lisbonne, entrée en vigueur en 2009, vient confirmer l’ascension du Parlement qui représente la légitimité démocratique de l’Union. L’art.14 du traité sur l’Union (TUE) traite du Parlement européen. Il s’agira d’étudier l’établissement d’une représentation citoyenne de l’union européenne (I) venant ainsi légitimer l’augmentation accrue de ses compétences (II)
I. Le parlement européen, la représentation des citoyens de l’Union européenne
A. La composition du Parlement européen
En raison des élargissements successifs de l’Union européenne, une pondération en sièges est apparue nécessaire. Elle permet de représenter le poids réels de chacun des Etats membres. Dès lors, le traité de Lisbonne, comme les précédents traités, fixe à 751 le nombre d’eurodéputés.
Toutefois, selon l’article 14&2 alinéa 2 du TUE, il appartient au Conseil européen, avec l’approbation du Parlement européen, de fixer la composition de ce dernier. Le conseil européen devra s’appuyer sur le principe proportionnalité dégressive reprenant l’actuelle pondération. Ce principe pose un seuil minimum de six membres par Etat et d’un seuil maximum de quatre-vingt seize sièges. Ce principe favorise les petits Etats.
Sur la base du protocole additionnel n°36 au traité de Lisbonne, le conseil européen aurait dû prendre cette décision avant les élections de 2009. Cependant, il n’a pas pu le faire compte tenu des retards de l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne.
En outre, malgré l’élection au suffrage universel direct des députés en 1975, il faut attendre le traité de Lisbonne pour que la représentation citoyenne du Parlement européen apparaisse et consacre la citoyenneté européenne.
B. La consécration de la citoyenneté européenne
Le parlement initialement était élu au suffrage indirect par les parlements nationaux et émanaient des Etats membres. Dès lors, le parlement européen bénéficiait d’une légitimité interétatique.
L’article 14 rappelle que les eurodéputés sont élus au Suffrage universel direct. Le suffrage direct a été instauré le 14 janvier 1975 bien que les premiers traités souhaitaient déjà établir ce suffrage.
Par ailleurs, L’article 190&1 CE stipulait qu’il s’agit des « représentants, au parlement européen, des peuples des Etats réunis dans la Communauté «. De plus L’article 189 TCE stipule que le Parlement européen est composé de « représentants des peuples des États réunis dans la Communauté «. Le parlement apparaissait donc plus comme un parlement étatique qu’un véritable parlement européen.
Le traité de Lisbonne est en rupture avec cette conception, l’article 14 du TUE stipule que « le parlement est composé des citoyens de l’Union «. Le cadre étatique est ici dépassé puisqu’il existe un lien direct entre le Parlement et la citoyenneté. Il faut remarquer que ce tournant marque l’évolution de la notion de citoyenneté.
Cette légitimité démocratique, et non plus interétatique, permet au Parlement de prétendre à des pouvoirs plus étendus.
II. Les compétences accrues du Parlement européen
Le parlement européen assure deux fonctions majeures : il jouit d’un pouvoir de délibération en matière législative et budgétaire (A) tout en assurant un contrôle politique des exécutifs, et plus particulièrement sur la Commission (B).
A. Un co-législateur de plus en plus influent
L’article 14&1 du TUE fait de la fonction législative la première qui incombe au Parlement. Le Parlement européen et le Conseil sont mis sur un pied d’égalité pour la majeure partie de la législation communautaire.
Le changement des procédures législatives a pour conséquence l’augmentation des activités normatives du Parlement et de ses commissions.
Par ailleurs, l’article 48 du traité confère au Parlement le droit d’émettre un avis favorable à la convocation d’une Conférence intergouvernementale en vue d’un accord commun sur les modifications à apporter au traité.
En outre, c’est dans le domaine budgétaire que les pouvoirs du parlement ont été le plus poussés. Le traité de Lisbonne vient étendre le pouvoir d’amendement du parlement tout en procédant à un rééquilibrage de la décision entre le Parlement et le Conseil. Car il faut rappeler que le traité du 22 juillet 1975 donne au parlement le pouvoir d’arrêter en dernier ressort le budget.
Dans ces deux domaines, on constate une progression des pouvoirs du Parlement significative. Par ailleurs, dans d’autres domaines de compétence, le parlement s’est vu jouer un rôle beaucoup plus important qu’initialement, tel est le cas de la fonction de contrôle politique.
B. Les pouvoirs de nomination et de contrôle
S’agissant du pouvoir de nomination, c’est l’un de ses rôles majeurs concernant la Commission européenne. Ainsi, depuis le traité de Lisbonne le Parlement européen «élit le président de la Commission « en vertu de l’article 14&1 du TUE. A l’origine, cette prérogative était écartée ; une pratique s’est instaurée avec la Commission présidée par Jacques Delors lequel a sollicité une investiture du Parlement. Notons que cette pratique a été consacrée dans le traité de Maastricht.
De plus, il intervient également dans la nomination de la Commission en octroyant un vote d’approbation à l’ensemble du collège.
En outre, le Parlement joue un rôle essentiel dans le contrôle politique. L’art.14&1 du TUE stipule que « le parlement exerce des fonctions de contrôle politique «. Ce contrôle s’exerce principalement sur les exécutifs mais il peut également se faire sur l’activité d’autres organes communautaires comme sur la Banque centrale européenne (TFUE, art.284).
Sur les exécutifs, le contrôle sur la Commission est plus intense que sur le Conseil. En effet, Le parlement exerce seulement un contrôle-information sur le conseil. A titre d’illustration, le parlement peut poser aux ministres des questions écrites ou orales. Ce pouvoir de contrôle reste limité car la légitimité interétatique reste supérieure à la légitimité démocratique du Parlement. Il apparait, à l’heure actuelle, inimaginable tout mécanisme de responsabilité politique.
A contrario, le parlement européen dispose de moyens de pression considérables sur la commission en dehors du contrôle-information. Car en effet, depuis toujours, il bénéficie de la motion de censure (TFUE, art.234). En cas de vote positif de la motion, les commissaires doivent collectivement démissionner. On peut estimer que c’est une arme dissuasive. La commission Santer, pendant la crise de la vache folle, a préféré se retirer plutôt que d’affronter une probable censure.
Dès lors, on assiste à une parlementarisation croissante de la commission laquelle ne dispose pas de moyen de pression sur le Parlement européen. Ainsi, ce dernier pourrait prendre la tournure d’un régime d’Assemblée.
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