Commentaire de l’article 12 de la Constitution : la dissolution
Publié le 28/03/2014
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Le texte étudié est l’article 12 de la constitution française de la 5° République. Cet article est l’un des quinze articles composant le titre 2 de la constitution de 1958, dans lequel il est traité du Président de la République, de son statut, de ses fonctions, de son rôle, de ses droits et de ses obligations. Dans l’article 12, il est plus précisément question de la dissolution.
En ce qui concerne la troisième République, la dissolution de l'Assemblée nationale est visée en ces termes à l'article 5 de la loi constitutionnelle du 25 février 1875 :
« Le Président de la République peut, sur l'avis conforme du Sénat, dissoudre la Chambre des députés avant l'expiration légale de son mandat.
En ce cas, les collèges électoraux sont convoqués pour de nouvelles élections dans le délai de trois mois. «
Cette prérogative n'a été utilisée qu'une fois sous la IIIe République, par le président Mac-Mahon.
Pour la quatrième République, La dissolution de l'Assemblée nationale est visée en ces termes à l'article 51 de la Constitution du 27 octobre 1946 :
« Si, au cours d'une même période de dix-huit mois, deux crises ministérielles surviennent dans les conditions prévues aux articles 49 et 50, la dissolution de l'Assemblée nationale pourra être décidée en Conseil des ministres, après avis du président de l'Assemblée. La dissolution sera prononcée, conformément à cette décision, par décret du président de la République.
Les dispositions de l'alinéa précédent ne sont applicables qu'à l'expiration des dix-huit premiers mois de la législature. «
Ce droit de dissolution n'est exercé qu'une fois sous la IVe République, le 2 décembre 1955, par Edgar Faure, alors président du Conseil.
Enfin, pour la cinquième république, entièrement aux mains du Chef de l’Etat, la dissolution n'est plus contestée lorsqu'elle sert à la résolution de crises réelles (1962 et 1968) ou potentielles (confrontation d'un Président nouvellement élu et d'une majorité parlementaire qui lui est contraire en 1981 et 1988). Hors ce cas, la dissolution reste l'objet de débats, comme pour celle de 1997 qui consistait à avancer d'un an la date des élections législatives, à l'image de ce qui se fait dans de nombreuses autres démocraties. La coïncidence des mandats parlementaires et présidentiel inaugurée en 2002 risque cependant de rendre plus difficile la dissolution ou de la restreindre à une fonction de rétablissement de cette coïncidence en cas d'interruption du mandat du Chef de l'État.
Depuis le début de la Ve République, le droit de dissolution a été usé à cinq reprises. Dans trois cas :
Le droit de dissolution est premièrement un moyen de pression sur l'Assemblée nationale, et particulièrement sur la majorité parlementaire. Il s'agit aussi de requérir le soutien à la politique présidentielle. Si la majorité se risquait à censurer (par le biais d'une motion de censure) le gouvernement d'une théorie politique semblable à la sienne, l'Assemblée nationale encourrait de fait un risque de dissolution ; tel en a été le cas le 9 octobre 1962. La majorité de droite a censuré le gouvernement Pompidou ; cependant, c'était le général de Gaulle qui était visé pour son projet de révision constitutionnelle intéressant l'élection du Président au suffrage universel direct.
Ensuite, le droit de dissolution est un moyen de prévention des crises institutionnelles et politiques. En cas conflictuel entre le Président et la majorité parlementaire, la dissolution permet au peuple de décider. Ainsi le droit de dissolution fut utilisé préventivement, le 18 mai 1981 et le 13 mai 1988, à la suite de l'élection à la Présidence de la République d'un candidat en opposition avec la majorité de l'Assemblée nationale. Le Président François Mitterrand s'était trouvé face à une majorité parlementaire de droite hostile à sa politique. En prononçant la dissolution de l'Assemblée nationale, Mitterrand demandait une majorité de soutien afin d'exercer sa politique (il s'agit d'une dissolution d'ajustement), en vue de retrouver une adéquation avec la majorité.
La dissolution, un mécanisme risqué donc sévèrement encadré Un pouvoir inhérent au chef de l’Etat mais sous contrôle Lors d'un conflit grave entre le gouvernement et le Parlement ou entre le Président lui-même et la représentation nationale, le Président dispose de compétences discrétionnaires (dont il décide seul la mise en œuvre) : dissoudre l'assemblée, demander la démission du gouvernement, ou l'appel au peuple par la voie du référendum de l'article 11.
En vertu des articles 12 et 19 de la Constitution, le Président de la République décide discrétionnairement s'il doit ou non user de son droit de dissolution de l'Assemblée nationale, c'est-à-dire de la chambre issue du suffrage universel direct. Avant de prononcer la dissolution, le Président doit consulter le Premier ministre, le Président du Sénat ainsi que celui de l'Assemblée nationale) afin d'obtenir leur avis. Cependant, le pouvoir de dissolution n'est pas soumis à contreseing, ce qui signifie que le Président de la République n'est pas tenu d'obtenir leur accord (la liste des actes non soumis au contreseing étant visés à l'article 19). Toutefois, le Premier ministre, comme les Présidents des deux assemblées, consultés préalablement à la dissolution, peuvent rendre publics leurs avis.
D'un point de vue politique, il existe 5 types de dissolution:
La dissolution défensive: Riposte du Président à la mise en jeu par l'Assemblée de la responsabilité du gouvernement. Le président protège donc son gouvernement en agissant ainsi. Ex: De Gaulle en 1962.
La dissolution offensive: Quand un président de la république vient d'être élu ou réélu et ne veut pas cohabiter avec une majorité parlementaire hostile. Ex: Mitterrand en 1981 et 1988.
La dissolution stratégique: Le président dissout la chambre alors que son gouvernement dispose d'une majorité au parlement. Utile pour consulter le peuple sans organiser de référendum ou bien lors d'une conjoncture favorable. Reste cependant risqué. On peut parler de dissolution "surprise". Ex: Chirac en 1997.
La dissolution exutoire: Dans le cadre d'un événement imprévu et entraînant une crise sociale grave. Ex: De Gaulle en mai 1968.
La dissolution rupture: Pour mettre fin à une période de cohabitation. Pour renvoyer le gouvernement en place et le remplacer après le changement de majorité à la chambre.
En effet, en contrepartie de la responsabilité gouvernementale, la chambre basse encourt la dissolution. Celle-ci interrompt, comme nous l’avons dit précédemment, le mandat des députés et provoque de nouvelles élections en vue du renouvellement intégral de l’assemblée.
Ancien pouvoir du monarque, la dissolution est devenue le contrepoids à la responsabilité gouvernementale. Le gouvernement peut menacer la chambre d’une dissolution, en cas de vote d’une motion de censure. La dissolution devient ainsi une arme de dissuasion entre les mains du gouvernement. Cependant, la dissolution reste un procédé démocratique puisqu’elle permet au peuple, en désignant de nouveaux députés, d’arbitrer le conflit entre le gouvernement et l’assemblée.
Comme nous venons de le voir, la dissolution est un pouvoir énorme entre les mains du seul chef de l’Etat dans la constitution de 1958. C’est pourquoi il est essentiel de contrôler sévèrement ce mécanisme afin qu’il ne soit pas dévié et qu’il conserve son aspect démocratique initial.
Ce pouvoir « régalien « conféré en France au Président de la République, alors qu'il est, de fait, exercé par le Premier ministre dans les régimes parlementaires (Royaume-Uni) et qu'il n'existe pas dans les régimes présidentiels (États-Unis) est toutefois encadré de façon à ce qu'il ne puisse être usité pour se libérer du Parlement.
Les élections générales se font 20 jours au moins et 40 jours au plus tard après la dissolution. La nouvelle Assemblée nationale se réunit de plein droit. (nous approfondirons cela plus loin).
Le Président ne peut faire usage du droit de dissolution lors de l'exercice des pouvoirs exceptionnels, en application de l'article 16 de la Constitution de la Cinquième République française.
Le Président du Sénat, lorsqu'il assure l'intérim des fonctions de la présidence ne peut faire usage de droit de dissolution.
Le Sénat ne peut être dissous.
Il faut savoir que le mécanisme de dissolution peut être dévié. En effet, normalement la dissolution sert à répondre à une chute du gouvernement ou bien elle sert de menace en vue d’éviter une telle chute ; mais elle peut être utilisée pour d’autres motifs.
Ainsi elle peut être le moyen de provoquer des élections anticipées : soit en fin de législature, pour couper court aux promesses démagogiques de l’opposition qui fleurissent dans les derniers mois précédent l’échéance électorale normale ; soit pour provoquer les élections à un moment propice qui doit (suppose-t-on) assurer de la victoire du parti déjà au pouvoir. C’est une pratique courante en Grande Bretagne. Le Président Chirac a utilisé la dissolution dans le même but en 1997 (sans succès puisque la gauche a remporté les élections législatives).
Mais la dissolution, si elle est déviée, peut également être utilisée en France dans le cadre de la V° République, après une élection présidentielle qui opère une alternance. Son but est d’aligner la majorité parlementaire sur la couleur politique du nouveau président (dissolution à l’arrivée au pouvoir de Mitterrand en 1981 et 1988 par exemple).
La dissolution, mécanisme limité dans le temps Comme nous l’avons démontré, la dissolution peut devenir un mécanisme dangereux si on en abuse. A la base ce n’est pas un facteur de chute du gouvernement, bien au contraire : c’est normalement un moyen de l’éviter : soit en dissuadant les députés de voter contre le gouvernement ; soit en permettant un renouvellement de l’assemblée dans l’espoir qu’il se dégage du résultat électoral une majorité parlementaire plus claire, capable de soutenir durablement un gouvernement (hypothèse de l’instabilité ministérielle due à des majorités instables). La rationalisation doit donc rechercher un équilibre entre une dissolution trop difficile à utiliser (ce qui pourrait la paralyser) et une dissolution trop facile à réaliser (ce qui pourrait favoriser les abus).
La Constitution allemande a adopté une rationalisation de la dissolution qui la lie à l’échec de la question de confiance. L’objectif est de permettre la dissolution, lorsque le Bundestag a démontré qu’il était incapable de remplacer le Chancelier renversé.
La Constitution de 1946 avait adopté une rationalisation du droit de dissolution qui en restreignait l’usage. En pratique, les conditions imposées ont abouti à sa paralysie. Le but était de ne sanctionner par la dissolution qu’une assemblée qui avait donné des preuves claires de son incapacité à former une majorité de soutien stable à un Gouvernement.
D’abord la dissolution était impossible pendant les dix huit premiers mois de la législature afin de laisser le temps à la nouvelle assemblée de chercher une coalition stable. Puis, au terme de cette première période, la dissolution ne pouvait intervenir que si, dans un délai de dix huit mois, s’étaient produites deux crises ministérielles dans les conditions prévues par la Constitution (vote d’une motion de censure ou refus de confiance, votées à la majorité absolue des députés).
La Constitution de 1958 quant à elle, a adopté une rationalisation très différente. Elle interdit uniquement dans trois cas : durant l’utilisation de l’article 16 C, durant l’intérim et enfin si une dissolution a déjà été prononcée il y a moins de douze mois.
L’usage du droit de dissolution n’est pas contresigné par le Premier ministre. Le Président décide donc seul, après un simple avis du Premier ministre et des présidents des deux assemblées. La dissolution est donc rendue très disponible. Elle est totalement indépendante d’une quelconque crise ministérielle.
Les élections générales ; conséquences directes de la dissolution Suite à la dissolution, l’Assemblée Nationale doit être reconstituée selon une procédure bien encadrée par le biais des nouvelles élections générales (A) et elle doit être rapidement consolidée afin d’éviter une nouvelle dissolution qui ne peut intervenir que douze mois après la dernière élection (B).
Les élections générales ; une procédure encadrée
Des mesures favorisant une rapide consolidation de la nouvelle assemblée nationale.
L’Assemblée Nationale a été créée le 17 juin 1789 mais n'a repris son nom originel qu'en 1946. Ce sont les députés du Tiers-État qui, considérant qu'ils représentaient « les quatre-vingt-seize centièmes au moins de la nation ", se sont proclamés " Assemblée nationale. «
Celle-ci détient, conjointement avec le Sénat, le pouvoir d'adopter et de discuter les lois, dont l'initiative appartient au Premier ministre (projet de loi), ou aux sénateurs et aux députés (proposition de loi).
Le Gouvernement peut exceptionnellement demander au Parlement (c'est-à-dire l’Assemblée Nationale et le Sénat) d'intervenir pendant un délai limité, dans un domaine qui relève normalement de la loi. Il procède alors au moyen d'ordonnances qui seront ultérieurement soumises à la ratification du Parlement (article 38). Les deux Assemblées exercent conjointement le pouvoir législatif. Dans ce cadre, elles examinent successivement les projets et propositions de loi qui sont transmis de l'une à l'autre jusqu'à ce que les textes soient adoptés dans les mêmes termes. Si les deux assemblées ne parviennent pas à se mettre d'accord sur un texte de loi, et si le Gouvernement le lui demande, c'est le texte adopté par l'Assemblée nationale qui l'emporte. Si l'on constate que la conciliation est impossible entre les deux assemblées après l'intervention d'une commission mixte paritaire composée de 7 députés et de 7 sénateurs, le Gouvernement peut demander à l'Assemblée nationale de statuer en lui donnant " le dernier mot ". Cette possibilité n'existe pas cependant pour les projets de loi les plus importants (en particulier les projets de loi révisant la Constitution) pour lesquels l'accord du Sénat est indispensable.
De plus, la responsabilité politique du Gouvernement (c'est-à-dire la mise en cause de son existence) peut être engagée mais uniquement devant l'Assemblée nationale et non devant le Sénat. Elle l'est alors, soit à l'occasion d'une déclaration de politique générale sur laquelle le Premier ministre demande un vote de confiance de l'Assemblée, soit à l'occasion du vote, à la majorité absolue des membres composant l'Assemblée nationale, d'une motion de censure déposée par au moins un dixième des membres de l'Assemblée, soit à l'occasion du rejet par l'Assemblée nationale d'un texte sur lequel le Gouvernement avait engagé sa responsabilité.
Suite à la dissolution et à une nouvelle élection de l’Assemblée Nationale une disposition de la Constitution prévoit la réunion de plein droit de l’Assemblée nationale, en-dehors du cadre des sessions et dans des circonstances particulières. Ainsi, il résulte de l'article 12 que la nouvelle Assemblée Nationale élue à la suite d'une dissolution se réunit à compter du deuxième jeudi suivant son élection, pour une durée de quinze jours si cette première réunion a lieu en-dehors de la période prévue pour la session ordinaire. Cette disposition permet donc de réunir très rapidement l’Assemblée Nationale pour permettre de reprendre rapidement son rôle et de lui laisser le temps de s’installer.
De plus, la Constitution fixe les modalités de fonctionnement de cette Assemblée à savoir les horaires, le rythme des réunions… La première modalité est évidemment la session ordinaire, période au cours de laquelle l'Assemblée nationale et le Sénat se réunissent de plein droit, sans avoir à être convoqués par quelque autorité que ce soit. Mardi, mercredi et jeudi sont les trois jours où elle siège. Puis la deuxième modalité est la session extraordinaire qui est définie aux articles 29 et 30 de la Constitution, sont ouvertes et closes par décret du Président de la République. Elles peuvent être convoquées à la demande du Premier ministre ou de la majorité des membres composant l'Assemblée nationale, sur un ordre du jour déterminé. La durée des sessions extraordinaires tenues à la demande des membres de l'Assemblée est limitée, puisque le décret de clôture intervient dès que le Parlement a épuisé l'ordre du jour pour lequel il a été convoqué et au plus tard douze jours après sa réunion.
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