Comment Jacques Chirac s'est "reconstruit"
Publié le 17/01/2022
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premier ministre auquel tout semble réussir.
De son propre aveu, au début de la cohabitation, il l'a "sous- estimé".
Dans lesréunions de cabinet à l'Elysée, comme lors des rendez-vous accordés à ses fidèles, le chef de l'Etat affirmait volontiers que LionelJospin ne parviendrait jamais à maintenir la cohésion d'une majorité si "plurielle", que cette équipe gouvernementale allait sefracasser sur la première épreuve venue.
Régulièrement, la météo élyséenne constatait que "les nuages s'amoncellent sur Jospin"et attendait l'orage.
Espoir déçu.
Dans les premiers mois, Jacques Chirac, qui croit bien connaître les communistes, ne cesse deguetter l'incident qui signera la rupture.
En vain.
"Ce qui l'a le plus impressionné, confie aujourd'hui un de ses visiteurs réguliers,c'est la gymnastique à laquelle les communistes se sont livrés."
Face à lui, le chef de l'Etat trouve un bloc gouvernemental soudé.
Derrière la décontraction volontiers mise en scène qu'il afficheavec certains ministres, comme Claude Allègre, Dominique Strauss-Kahn ou Pierre Moscovici, il sait qu'il a affaire à une équipetout entière au service du premier ministre.
Son épouse, Bernadette, s'en étonne d'ailleurs, un jour, auprès du ministre délégué auxaffaires européennes : "On a l'impression que vous, les ministres, vous aimez bien Jospin et que vous vous entendez bien entrevous.
C'est vrai ? Parce que, du temps de Juppé, c'était terrible.
Ils se détestaient tous ! " La cohabitation peut être courtoise,chacun sait que l'heure de l'affrontement viendra .
A l'Élysée, on y travaille.
En respectant à la lettre la maxime : "Si tu veux la paix, prépare la guerre." Dans l'équipe du chef del'Etat, les conseillers sont, plus ou moins, à la fois guerriers et pacifistes.
Par fonction, le secrétaire général de l'Elysée, Dominiquede Villepin, qui est l'interlocuteur direct d'Olivier Schrameck, directeur du cabinet de Lionel Jospin, est là pour assurer unfonctionnement régulier et respectueux de la cohabitation.
Mais, par tempérament, il est, avec Claude Chirac, le premier desguerriers du président.
A elle l'image du président et du candidat.
A lui, le suivi de la droite et surtout celui, ultra - sensible, desaffaires.
Lorsque le dossier des emplois fictifs de la Mairie de Paris menace de mettre en péril le président, c'est Dominique de Villepinqui rédige la réplique sur l'"emploi fictif" occupé par Lionel Jospin au Quai d'Orsay, que le député RPR Patrick Devedjian estchargé de rendre publique à l'Assemblée nationale.
C'est lui encore qui fournit à Philippe Séguin, et à quelques autres, unargumentaire prêt à l'emploi sur les affaires de la Ville de Paris, à la veille de leurs prestations dans des émissions politiques.
C'esttoujours lui qui distribue des notes contre la politique de Lionel Jospin, à charge ensuite aux élus de droite d'en obtenir lapublication en tribunes ou de les utiliser dans leurs réunions publiques.
C'est lui, enfin, qui appelle les "relais" élyséens - NicolasSarkozy est devenu le premier d'entre eux - pour leur annoncer l'intervention du chef de l'Etat sur tel ou tel sujet et leurdemander, comme ce fut le cas, lundi 31 mai, au sujet de la famille, d'assurer le service après-vente médiatique de ses propos.
Il ne se passe guère de mois sans que le secrétaire général de l'Elysée annonce que, cette fois, le gouvernement a fini de mangerson pain blanc et que l'heure de la revanche sonne.
A l'automne 1998, après la crise asiatique, il affirme à qui veut l'entendre quela conjoncture est en train de se retourner, que la politique de Dominique Strauss-Kahn est au mieux aveugle, au pisirresponsable.
Au début de la guerre du Kosovo, il croit tenir la preuve de l'incohérence et de la fragilité de l'équipe Jospin,lorsque les voix discordantes des communistes et de Jean-Pierre Chevènement se font entendre au conseil des ministres.
Enpleine affaire corse, il est de ceux qui plaident pour une motion de censure en attendant de "frapper à la tête", contre l'avisd'autres conseillers tels que Maurice Ulrich et Bertrand Landrieu, plus prudents.
Régulièrement, Jacques Chirac doit freiner lesardeurs de son secrétaire général.
Il observe volontiers que si, pendant deux ans, il s'est, lui, "reconstruit", Lionel Jospin s'est "construit".
La gestion de la guerreau Kosovo en offre une démonstration quotidienne.
"Chacun des deux est en essai comparatif devant les Français, observe unancien ministre.
Depuis 1997, ils font des régates séparées.
Chacun tire ses bords et regarde où en est l'autre, en essayantd'éviter la collision." Le chef de l'Etat confiait récemment à l'un de ses visiteurs : "De toute façon, avec 3 % de croissance, lesFrançais sont heureux." Le constat se voulait réaliste, mais pas le moins du monde défaitiste.
A l'Elysée, on guette toujours lespremiers signes de l'affaiblissement du premier ministre.
On en a répertorié plusieurs .
L'affaire corse, "le petit cancer deMatignon", dont Jacques Chirac est convaincu qu'elle n'est pas soldée, en a partiellement révélé un.
Dans l'entourage duprésident, on fait mine en effet de s'étonner de l'extrême sensibilité dont a témoigné le premier ministre aux critiquesprésidentielles.
On veut y voir le témoignage d'un raidissement, donc d'une fragilité.
La situation ne manque pas d'ironie : "PourChirac, observe aujourd'hui un de ses fidèles, le but est de faire ressortir le côté Juppé de Jospin !" Comme on ne juge bien quece que l'on connaît bien, un autre angle d'attaque est à l'essai : Lionel Jospin serait atteint du "syndrome Balladur", encore appelé"syndrome Rocard", c'est-à-dire de cette paralysie progressive qui guette tout premier ministre candidat à la présidence de laRépublique.
A l'Elysée, on attend que cette vérité soit enfin révélée aux Français, en s'efforçant d'y aider un peu.
Pas trop vite,non plus, car il est encore un défi que Jacques Chirac n'est pas parvenu, loin s'en faut, à relever : celui de la réorganisation de ladroite.
Ce que, à deux semaines des élections européennes, un chiraquien résume d'une formule : "Le seul problème, c'est quetoutes les têtes de liste de gauche adhèrent à Lionel Jospin, alors que la quasi- totalité des têtes de liste de droite détestent.
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