Comme Sam observait, il comprit tout à coup
Publié le 30/03/2014
Extrait du document
Comme Sam observait, il comprit tout à coup, et il en éprouva presque un choc, que cette forteresse avait été construite pour interdire aux ennemis non pas l’entrée du Mordor, mais bien la sortie. C’était en fait un des ouvrages de Gondor dans un temps très lointain, avant-poste oriental des défenses de l’Ithilien, édifié lorsque après la Dernière Alliance, les Hommes de l’Ouistrenesse maintenaient une surveillance sur le néfaste pays de Sauron, où se cachaient encore ses créatures. Mais, de même que pour Narchost et Carchost, les Tours des Dents, ici aussi la vigilance avait fait défaut, et la trahison avait livré la Tour au Seigneur des Esprits Servants de l’Anneau, depuis de longues années à présent, elle avait été tenue par des êtres malfaisants. Depuis son retour à Mordor, Sauron y avait trouvé une utilité : car il avait peu de serviteurs, mais beaucoup d’esclaves de la peur, et le but principal de la forteresse était toujours, comme autrefois, d’empêcher l’évasion du Mordor. Encore que, si quelque ennemi était assez téméraire pour essayer de pénétrer secrètement dans le pays, ce fût aussi une dernière garde toujours en éveil contre qui aurait pu tromper la vigilance de Morgul et d’Arachne.
Sam ne voyait que trop clairement à quel point il serait fou de se glisser sous ces murs aux mille yeux et de vouloir passer devant la porte aux aguets. Et, même s’il y parvenait, il ne pourrait aller loin au-delà sur la route gardée : même les ombres noires des profonds renfoncements où la lueur rouge ne portait pas ne pouvaient l’abriter longtemps des yeux des orques à la vision nocturne. Mais si désespérée que fût cette route, la tâche de Sam était à présent bien pire : il s’agissait non pas d’éviter la porte et de s’échapper, mais bien de la franchir, seul.
Sa pensée se porta sur l’Anneau, mais il n’y vit aucun réconfort, seulement la peur et le danger. À peine fut-il arrivé en vue du Mont du Destin, brûlant au loin, qu’il eut conscience d’un changement dans son fardeau. À l’approche des grandes fournaises où, dans les profondeurs du temps, l’Anneau avait été façonné et forgé, son pouvoir grandit, et il devint plus sauvage, indomptable hormis par une volonté puissante. Tandis que Sam se tenait là, bien que l’Anneau ne fût pas sur lui mais pendît au bout d’une chaîne à son cou, il se sentait dilaté, comme revêtu d’une énorme ombre déformée de lui-même, vaste et sinistre menace suspendue sur les murs de Mordor. Il sentait qu’il n’avait dorénavant qu’une alternative : s’abstenir d’avoir recours à l’Anneau, dût-il le tourmenter, ou l’assumer et défier le Pouvoir qui se tenait dans son sombre repaire par-delà la vallée des ombres. Déjà l’Anneau le tentait, corrodant sa volonté et sa raison. De folles fantaisies s’élevèrent dans son esprit : il voyait Samsagace le Fort, Héros de l’Époque, franchissant avec une épée flamboyante le pays sombre, et des armées s’assemblant à son appel tandis qu’il marchait pour aller renverser Barad-dûr. Et puis, tous les nuages s’éloignaient, le soleil blanc brillait et, à son commandement, la vallée de Gorgoroth devenait un jardin de fleurs et d’arbres, portant fruit. Il n’avait qu’à enfiler l’Anneau, le revendiquer pour sien, et tout cela pouvait se réaliser.
En cette heure d’épreuve, ce fut l’amour de son maître qui contribua le plus à maintenir sa fermeté, mais aussi, au plus profond de lui-même, vivait toujours intact son simple bon sens de hobbit : il savait au fond de son coeur qu’il n’était pas de taille à porter pareil fardeau, même si de telles visions n’étaient pas un leurre destiné à le tromper. Le seul petit jardin d’un jardinier libre répondait à son besoin et à son dû, et non pas un jardin enflé aux dimensions d’un royaume, il devait se servir de ses propres mains et non commander à celles des autres.
« Et d’ailleurs toutes ces idées ne sont qu’un artifice, se dit-il. Il me repérerait et me dompterait sans même que j’aie eu le temps de crier. Il me repérerait bien vite si je mettais l’Anneau à présent, en Mordor. Eh bien, tout ce que je peux dire, c’est que les choses semblent aussi désespérées que le gel au printemps. Juste au moment où l’invisibilité serait vraiment utile, je ne puis me servir de l’Anneau ! Et si jamais je vais plus loin, il ne sera qu’une entrave et un fardeau à chaque pas. Alors que faire ? «
Au fond, il n’éprouvait aucun doute. Il savait qu’il devait descendre vers la porte sans plus tarder. Sur un haussement d’épaules, comme pour se débarrasser de l’ombre et écarter les fantômes, il commença lentement la descente. À chaque pas, il avait l’impression de diminuer.
Il n’avait pas été bien loin qu’il se sentit ramené aux dimensions d’un très petit hobbit effrayé. Il passait à présent sous les murs mêmes de la Tour, et il entendait de ses simples oreilles les cris et les bruits de lutte. À ce moment, le son semblait venir de la cour qui se trouvait derrière le mur extérieur.
Sam avait parcouru à peu près la moitié du chemin quand deux orques sortirent en courant de la porte noire dans la lumière rouge. Ils ne se tournèrent pas vers lui. Ils se dirigeaient vers la grand-route, mais dans leur course, ils trébuchèrent, tombèrent et restèrent immobiles sur le sol. Sam n’avait pas vu de flèches, mais il devina que les orques avaient été abattus par d’autres placés sur les remparts ou cachés dans l’ombre de la porte. Il poursuivit son chemin, rasant le mur à sa gauche. Un seul regard en l’air lui avait montré qu’il n’y avait aucun espoir de l’escalader. La maçonnerie se dressait sans une fissure ni une saillie jusqu’à des arasements en surplomb semblables à des marches renversées, à trente pieds de hauteur. La seule voie était la porte.
Il continua d’avancer à pas de loup, tout en allant, il se demanda combien d’orques vivaient dans la Tour avec Shagrat, combien Gorbag en avait, et à quel sujet ils se querellaient, si c’était bien ce qui se passait. La compagnie de Shagrat lui avait paru compter une quarantaine d’orques, et celle de Gorbag plus du double, mais naturellement la patrouille de Shagrat n’était qu’une partie de sa garnison. Ils se disputaient presque
certainement à propos de Frodon et du butin. Sam s’arrêta une seconde, car les choses lui parurent soudain claires, presque comme s’il les avait devant les yeux. La cotte de mithril ! Naturellement, Frodon la portait, et ils la trouveraient. Et d’après ce qu’il avait entendu, Gorbag la convoiterait. Mais les ordres de la Tour Sombre étaient à présent la seule protection de Frodon et, s’ils n’étaient pas observés, il pourrait être tué à tout moment sans autre forme de procès.
« Allons, misérable fainéant ! se cria Sam à lui-même. En avant ! « Il dégaina Dard et courut vers la porte ouverte. Mais, au moment où il allait passer sous la grande arche, il ressentit un choc : comme s’il s’était jeté dans quelque toile semblable à celles d’Arachne, invisible toutefois. Il n’apercevait aucun obstacle, mais quelque chose de trop fort pour être surmonté par sa volonté lui barrait le chemin. Il regarda alentour et alors, dans l’ombre de la porte, il vit les Deux Guetteurs.
Ils ressemblaient à de grandes figures assises sur des trônes. Chacun comportait trois corps joints et trois têtes tournées vers l’extérieur, l’intérieur et l’ouverture de la porte. Les faces étaient celles de vautours, et sur les grands genoux reposaient des mains en forme de serres. Ils semblaient taillés dans d’énormes blocs de pierre, impassibles, et pourtant ils étaient conscients : quelque terrible esprit de vigilance résidait en eux. Ils reconnaissaient un ennemi. Visible ou invisible, personne ne pouvait passer sans être repéré. Ils lui interdiraient l’entrée, ou la fuite.
Faisant appel à toute sa volonté, Sam se jeta une nouvelle fois en avant, et il s’arrêta avec une secousse, chancelant comme sous un coup à la poitrine et à la tête. Alors, répondant avec grande audace à une soudaine inspiration, car il ne trouvait rien d’autre à faire, il sortit lentement la fiole de Galadriel et la tint levée. Sa lumière blanche s’aviva rapidement, et les ombres s’enfuirent de sous l’arche sombre. Les monstrueux Guetteurs étaient assis là, froids et immobiles, révélés dans toute leur forme hideuse. Sam aperçut un moment un scintillement dans les pierres noires des yeux, dont la malice même le fit reculer, mais lentement, il sentit leur volonté vaciller et se désagréger pour faire place à la peur.
Il passa d’un bond devant les statues, mais ce faisant, comme il remettait le flacon dans son sein, il eut conscience, aussi clairement que si une barre d’acier avait claqué derrière lui, que leur vigilance était renouvelée. Et de ces têtes néfastes sortit un cri strident qui se répercuta sur les murs dressés devant lui. Loin au-dessus, comme un signal de réponse, retentit un seul coup d’une cloche discordante.
« C’est complet ! dit Sam. Voilà que j’ai sonné à la grande porte ! Eh bien, venez donc, quelqu’un ! cria-t-il. Dites au Capitaine Shagrat que le grand guerrier elfe est là, et avec son épée elfique encore ! «
Aucune réponse. Sam avança à grandes enjambées. Dard scintillait dans sa main. Une ombre profonde régnait dans la cour, mais il pouvait voir que le pavé était jonché de corps. Juste à ses pieds se trouvaient deux archers orques, des poignards plantés dans le dos. Au-delà, gisaient de nombreuses autres formes, certaines seules comme si elles avaient été abattues d’un coup d’épée ou par une flèche, d’autres par paires, encore agrippées l’une à l’autre, mortes dans l’acte même de poignarder, d’étrangler, de mordre. Le sang noir rendait les pierres glissantes.
Sam remarqua deux livrées, l’une marquée de l’OEil Rouge, l’autre d’une Lune défigurée par une horrible tête de mort, mais il ne s’arrêta pas pour regarder de plus près. De l’autre côté de la cour, une grande porte était entrouverte au pied de la Tour, et il en sortait une lumière, rouge, un grand orque gisait mort sur le seuil. Sam sauta par-dessus le corps et entra, et alors, il regarda autour de lui, désorienté.
Un large et retentissant couloir ramenait de la porte vers le flanc de la montagne. Il était vaguement éclairé par des torches qui jetaient une lueur vacillante le long des murs, mais l’autre bout se perdait dans l’obscurité. De nombreuses portes et ouvertures se voyaient de part et d’autre, mais il était vide, hormis deux ou trois autres corps étalés sur le sol. D’après la conversation des capitaines, Sam savait que, mort ou vivant, Frodon devait le plus vraisemblablement se trouver dans une chambre tout en haut de la dernière tourelle, mais il pouvait bien chercher une journée entière avant d’en trouver le chemin.
« Ce doit être sur le derrière, je pense, murmura Sam. Toute la Tour grimpe en arrière. Et de toute façon, je ferais mieux de suivre ces lumières. «
Il s’avança dans le couloir, mais lentement à présent, chaque pas lui coûtant davantage. La terreur recommençait à l’étreindre. Il n’y avait d’autre bruit que son pas léger, qui lui semblait retentir comme le battement de grandes mains sur les pierres. Les cadavres, le vide, les murs noirs et humides qui, à la lueur des torches, semblaient dégoutter de sang, la peur d’une mort soudaine tapie dans une porte ou dans l’ombre, et à l’arrière-plan de toute sa pensée la malice en attente vigilante à la porte : c’en était presque plus qu’il ne pouvait se contraindre à affronter. Il aurait de beaucoup préféré un combat contre des ennemis pas trop nombreux à la fois à cette hideuse incertitude qui l’enveloppait. Il se força à penser à Frodon, gisant lié, souffrant ou mort en quelque point de cet horrible lieu. Il poursuivit son chemin.
Il avait dépassé la lumière des torches et avait presque atteint une grande porte voûtée au bout du couloir, côté intérieur de la porte inférieure, comme il le supposait à juste titre, quand vint de loin au-dessus un terrible cri de strangulation. Il s’arrêta net. Puis il entendit approcher un bruit de pas. Quelqu’un descendait en toute hâte un escalier résonnant au-dessus de lui.
Sa volonté était trop faible et trop lente pour retenir sa main. Celle-ci se porta à la chaîne et saisit l’Anneau. Mais Sam ne le mit pas à son doigt, car, au moment où il le serrait contre sa poitrine, un orque descendit avec
bruit. Bondissant d’une sombre ouverture sur la droite, il courut à lui. Il n’était plus qu’à six pas, quand, levant la tête, il le vit, et Sam pouvait entendre son halètement et voir l’éclat de ses yeux injectés de sang. L’orque s’arrêta net, médusé. Car ce qu’il voyait n’était pas un petit hobbit effrayé s’efforçant de tenir ferme une épée il voyait une grande forme silencieuse, enveloppée d’une ombre grise et dressée devant une lumière vacillante, elle tenait dans une main une épée dont la lueur même était une souffrance aiguë, tandis que son autre main était serrée sur sa poitrine, mais tenait cachée quelque menace inconnue de pouvoir et de mort.
L’orque se tassa un moment sur lui-même, puis il se retourna avec un hideux glapissement de peur et s’enfuit par où il était venu. Jamais aucun chien ne fut plus ragaillardi devant un ennemi tournant les talons que ne le fut Sam à cette fuite inattendue. Sur un cri, il prit l’autre en chasse.
« Oui ! Le guerrier elfe est lâché ! cria-t-il. J’arrive. Montre-moi juste le chemin pour monter, ou je t’écorche vif ! «
Mais l’orque était dans son propre repaire, leste et bien nourri. Sam était un étranger, affamé et fatigué. L’escalier était haut, raide et en colimaçon. Sam commença à haleter. L’orque eut bientôt disparu et on n’entendait plus que faiblement le battement de ses pieds, tandis qu’il poursuivait son chemin, montant toujours. Il poussait de temps à autre un cri aigu, dont l’écho courait le long des murs. Mais lentement tout son s’évanouit.
Sam poursuivit sa pénible ascension. Il sentait qu’il était sur la bonne voie, et son courage s’était grandement ranimé. Il lâcha l’Anneau et serra sa ceinture. « Eh bien, dit-il, si seulement ils sont tous pris d’une telle aversion pour moi et mon Dard, l’affaire peut tourner mieux que je ne l’espérais. De toute façon, il semble que Shagrat, Gorbag et compagnie aient déjà fait pour moi presque tout mon boulot. À part ce petit rat effrayé, j’ai bien l’impression qu’il ne reste plus personne de vivant en cet endroit ! «
Là-dessus, il s’arrêta pile, comme s’il se fût cogné le front contre le mur de pierre. Le plein sens de ce qu’il venait de dire la frappa comme un coup. Personne de vivant ! Qui avait poussé cet horrible cri de mort ? « Frodon, Frodon ! Maître ! cria-t-il dans un demi sanglot. S’ils vous ont tué, que vais-je faire ? Enfin, j’arrive enfin, tout en haut, pour voir ce qu’il me faut voir. «
Il monta, monta toujours. Il faisait noir, sauf aux rares endroits où une torche jetait sa lumière vacillante à un tournant ou près de quelque ouverture menant aux étages supérieurs de la Tour. Sam essaya de compter les marches, mais après deux cents, il s’embrouilla dans son compte. Il allait sans bruit à présent, car il croyait entendre un échange de voix un peu plus haut. Il semblait qu’il y eût plus d’un rat encore vivant.
Tout d’un coup, alors qu’il avait le sentiment de ne plus pouvoir pomper un seul souffle ni contraindre ses genoux à se plier encore, l’escalier arriva à sa fin. Il resta immobile. Les voix étaient à présent fortes et proches, Sam regarda autour de lui. Il avait grimpé jusqu’au toit plat du troisième et dernier étage de la Tour : espace découvert d’une vingtaine de mètres de large, bordé d’un parapet bas. Là, l’escalier était couvert par une petite chambre à dôme au milieu de la terrasse, avec des portes basses donnant à l’est et à l’ouest. Du premier côté, Sam pouvait voir la plaine de Mordor vaste et sombre en contrebas et la montagne en feu au loin. Une nouvelle agitation se soulevait dans ses puits profonds, et les rivières de feu flamboyaient avec une telle violence que, même à cette distance de plusieurs milles, la lumière en teintait le haut de la Tour d’un reflet rouge. À l’ouest, la vue était barrée par la base de la grande tourelle qui s’élevait à l’arrière de cette cour supérieure et dressait sa corne bien au-dessus de la crête des collines environnantes. Une lumière brillait dans la fente d’une fenêtre. La porte était à moins de dix mètres de l’endroit où se tenait Sam. Elle était ouverte, mais l’entrebâillement était noir, et c’était de son ombre même que venaient les voix.
Au début, Sam n’écouta pas, il fit un pas hors de la porte à l’est et regarda alentour. Il vit aussitôt que là-haut le combat avait été le plus féroce. Toute la cour était bourrée d’orques morts ou de leurs têtes et membres coupés et épars. L’endroit empestait la mort. Un grognement suivi d’un coup et d’un cri le renvoya d’un bond dans sa cachette. Une voix d’orque s’éleva, remplie de colère, et il la reconnut immédiatement : rauque, brutale, froide, c’était celle de Shagrat, Capitaine de la Tour.
« Tu ne veux pas y retourner, dis-tu ? Le diable t’emporte, Snaga, espèce de petite larve ! Si tu me crois assez esquinté pour pouvoir te moquer de moi, tu te trompes. Viens par ici, et je te fais sortir les yeux de la tête, comme je viens de le faire à Radbug. Et quand d’autres gars arriveront, je m’occuperai de toi : je t’enverrai à Arachne. «
« Ils ne viendront pas, pas avant que vous ne soyez mort, en tout cas, répliqua Snaga d’un ton hargneux. Je vous ai déjà dit deux fois que le porc de Gorbag était arrivé à la porte le premier et qu’aucun des nôtres n’était sorti. Lagduf et Mugash étaient passés en courant, mais ils ont été abattus. Je l’ai vu de la fenêtre, je vous dis. Et c’étaient les derniers. «
« Alors il faut que tu y ailles. Je dois rester ici de toute façon. Mais je suis blessé. Que les Puits Noirs emportent cet ignoble rebelle de Gorbag ! « La voix de Shagrat se perdit dans une bordée d’appellations et de malédictions ordurières. « Je lui en ai donné mieux que ce que j’ai reçu, mais il m’a poignardé, le fumier, avant que je ne l’étrangle. Il faut y aller, ou je te dévore. Il faut que des nouvelles arrivent à Lugburz, ou nous serons tous deux voués aux Puits Noirs. Oui, toi aussi. Tu n’y couperas pas en te planquant ici. «
« Je ne vais pas redescendre cet escalier, que vous soyez capitaine ou non, grogna Snaga. Grrr ! Lâchez ce poignard, ou je vous flanque une flèche dans le ventre. Vous ne resterez pas longtemps capitaine quand ils
«
certainement à propos de Frodon et du butin.
Sam s’arrêta une seconde, car les choses lui parurent soudain
claires, presque comme s’il les avait devant les yeux.
La cotte de mithril ! Naturellement, Frodon la portait, et ils
la trouveraient.
Et d’après ce qu’il avait entendu, Gorbag la convoiterait.
Mais les ordres de la Tour Sombre
étaient à présent la seule protection de Frodon et, s’ils n’étaient pas observés, il pourrait être tué à tout moment
sans autre forme de procès.
« Allons, misérable fainéant ! se cria Sam à lui -même .
En avant ! » Il dégaina Dard et courut vers la porte
ouverte.
Mais, au moment où il allait passer sous la grande arche, il ressentit un choc : comme s’il s’était jeté
dans quelque toile semblable à celles d’Arachne, invisible toutefois.
Il n’apercevait a ucun obstacle, mais quelque
chose de trop fort pour être surmonté par sa volonté lui barrait le chemin.
Il regarda alentour et alors, dans
l’ombre de la porte, il vit les Deux Guetteurs.
Ils ressemblaient à de grandes figures assises sur des trônes.
Chacun comportait trois corps joints et trois
têtes tournées vers l’extérieur, l’intérieur et l’ouverture de la porte.
Les faces étaient celles de vautours, et sur les
grands genoux reposaient des mains en forme de serres.
Ils semblaient taillés dans d’énormes b locs de pierre,
impassibles, et pourtant ils étaient conscients : quelque terrible esprit de vigilance résidait en eux.
Ils
reconnaissaient un ennemi.
Visible ou invisible, personne ne pouvait passer sans être repéré.
Ils lui interdiraient
l’entrée, ou la fuite.
Faisant appel à toute sa volonté, Sam se jeta une nouvelle fois en avant, et il s’arrêta avec une secousse,
chancelant comme sous un coup à la poitrine et à la tête.
Alors, répondant avec grande audace à une soudaine
inspiration, car il ne trouvait rien d’autre à faire, il sortit lentement la fiole de Galadriel et la tint levée.
Sa
lumière blanche s’aviva rapidement, et les ombres s’enfuirent de sous l’arche sombre.
Les monstrueux Guetteurs
étaient assis là, froids et immobiles, révélés dans toute le ur forme hideuse.
Sam aperçut un moment un
scintillement dans les pierres noires des yeux, dont la malice même le fit reculer, mais lentement, il sentit leur
volonté vaciller et se désagréger pour faire place à la peur.
Il passa d’un bond devant les statue s, mais ce faisant, comme il remettait le flacon dans son sein, il eut
conscience, aussi clairement que si une barre d’acier avait claqué derrière lui, que leur vigilance était renouvelée.
Et de ces têtes néfastes sortit un cri strident qui se répercuta su r les murs dressés devant lui.
Loin au - dessus,
comme un signal de réponse, retentit un seul coup d’une cloche discordante.
« C’est complet ! dit Sam.
Voilà que j’ai sonné à la grande porte ! Eh bien, venez donc, quelqu’un ! cria- t- il.
Dites au Capitaine Sh agrat que le grand guerrier elfe est là, et avec son épée elfique encore ! »
Aucune réponse.
Sam avança à grandes enjambées.
Dard scintillait dans sa main.
Une ombre profonde
régnait dans la cour, mais il pouvait voir que le pavé était jonché de corps.
Jus te à ses pieds se trouvaient deux
archers orques, des poignards plantés dans le dos.
Au -delà, gisaient de nombreuses autres formes, certaines
seules comme si elles avaient été abattues d’un coup d’épée ou par une flèche, d’autres par paires, encore
agrippé es l’une à l’autre, mortes dans l’acte même de poignarder, d’étrangler, de mordre.
Le sang noir rendait
les pierres glissantes.
Sam remarqua deux livrées, l’une marquée de l’Œil Rouge, l’autre d’une Lune défigurée par une horrible
tête de mort, mais il ne s’arrêta pas pour regarder de plus près.
De l’autre côté de la cour, une grande porte était
entrouverte au pied de la Tour, et il en sortait une lumière, rouge, un grand orque gisait mort sur le seuil.
Sam
sauta par -dessus le corps et entra, et alors, il r egarda autour de lui, désorienté.
Un large et retentissant couloir ramenait de la porte vers le flanc de la montagne.
Il était vaguement éclairé
par des torches qui jetaient une lueur vacillante le long des murs, mais l’autre bout se perdait dans l’obscuri té.
De nombreuses portes et ouvertures se voyaient de part et d’autre, mais il était vide, hormis deux ou trois autres
corps étalés sur le sol.
D’après la conversation des capitaines, Sam savait que, mort ou vivant, Frodon devait le
plus vraisemblablement se trouver dans une chambre tout en haut de la dernière tourelle, mais il pouvait bien
chercher une journée entière avant d’en trouver le chemin.
« Ce doit être sur le derrière, je pense, murmura Sam.
Toute la Tour grimpe en arrière.
Et de toute façon, je
ferais mieux de suivre ces lumières. »
Il s’avança dans le couloir, mais lentement à présent, chaque pas lui coûtant davantage.
La terreur
recommençait à l’étreindre.
Il n’y avait d’autre bruit que son pas léger, qui lui semblait retentir comme le
battemen t de grandes mains sur les pierres.
Les cadavres, le vide, les murs noirs et humides qui, à la lueur des
torches, semblaient dégoutter de sang, la peur d’une mort soudaine tapie dans une porte ou dans l’ombre, et à
l’arrière -plan de toute sa pensée la mali ce en attente vigilante à la porte : c’en était presque plus qu’il ne pouvait
se contraindre à affronter.
Il aurait de beaucoup préféré un combat contre des ennemis pas trop nombreux à la
fois à cette hideuse incertitude qui l’enveloppait.
Il se força à pe nser à Frodon, gisant lié, souffrant ou mort en
quelque point de cet horrible lieu.
Il poursuivit son chemin.
Il avait dépassé la lumière des torches et avait presque atteint une grande porte voûtée au bout du couloir,
côté intérieur de la porte inférieure , comme il le supposait à juste titre, quand vint de loin au - dessus un terrible
cri de strangulation.
Il s’arrêta net.
Puis il entendit approcher un bruit de pas.
Quelqu’un descendait en toute
hâte un escalier résonnant au -dessus de lui.
Sa volonté était t rop faible et trop lente pour retenir sa main.
Celle- ci se porta à la chaîne et saisit l’Anneau.
Mais Sam ne le mit pas à son doigt, car, au moment où il le serrait contre sa poitrine, un orque descendit avec.
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