Ce zélé monsieur Poutine
Publié le 17/01/2022
Extrait du document
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officiel, ou à une des structures de sécurité privées des oligarques, voire aux deux en même temps.
Une cassette vidéo montrantl'imprévoyant M.
Skouratov filmé à son insu, au lit avec deux prostituées, est diffusée sur la chaîne publique RTR.
Le doute surl'identification du procureur est permis, mais le chef du FSB vient affirmer à la télévision qu'il s'agit bien de lui.
Ce chef, promu àce poste en juillet 1998 - du jamais vu pour un simple lieutenant-colonel - s'appelle Vladimir Poutine.
Prendre publiquement ses responsabilités dans une affaire si peu ragoûtante est signe d'un grand dévouement envers sahiérarchie.
La fidélité de M.
Poutine à un patron précédent tombé dans le malheur avait déjà été remarquée en haut lieu : il s'étaiten effet refusé à trahir le maire de Saint-Pétersbourg, Anatoli Sobtchak, quand ce dernier avait perdu l'élection régionale de1996.
C'est ce qui lui aurait valu d'être alors appelé au Kremlin, à un poste des plus sensibles, celui d'adjoint de M.
Borodine, quifaisait de si bonnes affaires avec Mabetex.
M.
Poutine, qui avoue avoir rêvé dès son adolescence d'être un "guébiste", est chargéde protéger le secteur étranger de l'empire financier du Kremlin, là où se nouent les fils de la corruption liée au sommet de l'Etat.
Toute l'affaire de la scabreuse cassette vidéo salvatrice, qui permet à Boris Eltsine de suspendre son procureur trop zélé, n'acependant pas été montée par M.
Poutine, mais bien par M.
Berezovski.
Cet homme tout-puissant a raconté dans quelles circonstances il a connu M.
Poutine : il lui a été présenté en 1990-1991 parPiotr Aven , oligarque du groupe Alfa qui était alors ministre du commerce.
C'est à ce titre que M.
Aven aurait couvert les trèsjuteux trafics à l'exportation de matières premières organisés à cette époque par M.
Poutine à Saint- Pétersbourg, avec despersonnages peu recommandables.
L'enquête ouverte à ce sujet n'a pas abouti, comme tant d'autres.
Mais des journalistes la poursuivent aujourd'hui, non sans subir diverses intimidations.
M.
Berezovski n'y fait bien sûr pasréférence, mais sa façon de révéler qu'il connaît l'héritier de Boris Eltsine, et son ami Aven, depuis cette époque, suggèredirectement qu'il est au courant de leurs affaires passées et saurait en faire bon usage.
"Nous nous sommes vus plusieurs foisaprès.
Il m'a fait bonne impression, il n'y avait rien de remarquable en lui, c'était une personne normale."
L A première fois où il a jeté sur lui un regard "sérieux", c'était lorsqu'il a refusé de trahir M.
Sobtchak.
La seconde fois, c'étaitle 22 février 1999, quand Vladimir Poutine est venu le saluer pour l'anniversaire de son épouse, bravant le danger que cela auraitreprésenté : son ennemi juré, le premier ministre Primakov, qui aurait déjà convaincu Boris Eltsine de se séparer de son chef duFSB, "se préparait alors à me mettre en prison", a poursuivi M.
Berezovski, en précisant qu'il avait pour cela pris soin de n'inviteraucun membre du gouvernement...
Mais trois mois plus tard, c'est M.
Primakov qui est congédié.
Pourtant, si les enquêtesjudiciaires étaient ainsi étouffées à Moscou, elles continuaient en Suisse.
Un nouveau scandale, celui de la Bank of New York etdes crédits détournés du FMI, a fait alors les manchettes des journaux étrangers, menaçant de placer à l'index en Occident tousles oligarques russes.
La parade vient alors non plus d'une cassette, mais du Caucase, où le chef tchétchène Chamil Bassaev,après des contacts secrets, dit-on, avec M.
Berezovski, qui avait l'habitude de le financer, lance alors fort à propos uneexpédition militaire chez ses voisins daghestanais.
Au même moment, le successeur de M.
Primakov, Serguei Stepachine, est lui aussi congédié et remplacé, cette fois, parVladimir Poutine, officiellement gratifié du titre d'héritier par Boris Eltsine.
Cet honneur échu à un "guébiste" parfaitement inconnudu grand public ne soulève alors que des sarcasmes.
Les médias du Kremlin font alors de grands efforts pour souligner la"détermination" avec laquelle le nouveau premier ministre mène la guerre pour repousser "l'agression islamiste".
En vain.
Sa cotede popularité stagne lamentablement face à celle de M.
Primakov, allié à un autre ennemi juré du Kremlin, le maire de Moscou.Jusqu'à ce que deux immeubles explosent à Moscou, en l'espace d'une semaine, puis un troisième à Rostov, faisant en tout 300morts.
La population, effroyablement choquée, s'engouffre dans l'hystérie antitchétchène développée par les télévisions de M.Berezovski, applaudit à la deuxième guerre lancée contre les "culs-noirs" et porte aux nues M.
Poutine.
Les suggestions, diffuséesnotamment par les médias du clan moscovite, à savoir que ce ne sont pas les Tchétchènes qui ont organisé les attentats, mais deshommes du Kremlin, et plus précisément M.
Berezovski, sont noyées dans le flot de linge sale déversé dans les médias sur ceclan rival.
Il est battu aux législatives de décembre, à coups de chantage sur les gouverneurs, d'achat de candidats et depromotion idéologique de la guerre de "renaissance de la puissance russe " dont M.
Poutine se fait le héros.
Mais dans lescoulisses du Kremlin, on sait que son image de "vainqueur" est fragile : en six mois, les Russes pourraient s'apercevoir des pertessubies par leur armée en Tchétchénie.
La "Famille" convainc alors Boris Eltsine de démissionner le 31 décembre, ce qui avance la présidentielle au 26 mars.
VladimirPoutine, président par intérim, signe son premier décret, garantissant l'immunité à Boris Eltsine, et s'envole vers la présidence àpart entière.
Les dizaines de milliers de victimes de la guerre tchétchène, comme les 300 morts des attentats de Russie, ont permis auxoligarques, ligués autour du plan machiavélique d'un des leurs, de franchir sains et saufs l'étape de "l'alternance démocratique" que.
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