Cauchemar dans la campagne anglaise
Publié le 17/01/2022
Extrait du document
«
sont reclus dans leur ferme, placés en quarantaine après l'abattage de leur troupeau, ou trop soucieux d'attraper le virus pours'aventurer hors de leur propriété.
Mais c'est pour eux, dit le pasteur, que sonneront désormais les cloches.
Et c'est en leurhonneur que le choeur entonne avec ferveur l'hymne d'une communauté à genoux.
« L'hymne des périodes de guerre », confieune vieille dame, les yeux pleins de larmes.
C'est toute l'Eglise d'Angleterre qui est mobilisée.
Les recettes de milliers de quêtes du jour seront affectées à un fonds destinéaux paysans en difficulté.
Les pasteurs ont été invités à respecter les règles édictées par le gouvernement et à limiter leursdéplacements dans la campagne.
Alors, explique le révérend d'un petit village venu assister aux psaumes de l'après-midi, dans lacathédrale de Carlisle, « notre ministère se fait par téléphone et par courrier.
On écrit aux familles isolées.
On les appelle chaquesoir, on écoute, on encourage, on repère ceux qui n'ont plus les moyens de nourrir leurs bêtes, parfois même leurs familles.
Ons'organise pour faire livrer des courses au bout de leur allée.
Les habitants sont sonnés.
La campagne se barricade et se fermeaux promeneurs.
Et le tourisme est torpillé.
Ce qui signifie que commerçants et hôteliers, à leur tour, basculent dans la détresse.C'est un cycle infernal.
Venez donc ce soir à Braithwaite.
C'est la première mobilisation de crise.
Ce devrait être intéressant.
»
On a donc pris la route du sud.
Celle qui mène vers la région des lacs.
Il fait un froid de gueux, mais des crocus, ici et là,percent les pelouses.
Les collines s'enchaînent, rases et douces.
Les moutons également, jardiniers innocents.
Pour combien detemps encore ? La fièvre, semble-t-il, a épargné cette région de lande.
Quelques chemins sont barrés d'un ruban : « Keep out » :accès interdit.
A vrai dire, tous les sentiers de randonnée sont officiellement condamnés de crainte que les promeneurs netrimbalent le virus.
Et s'il ne tenait qu'aux éleveurs, ce sont toutes les routes qui afficheraient « Keep out » .
Qu'on se le dise : levisiteur est suspect.
Un couple de randonneurs marchant sur le bitume s'est fait copieusement insulter par un éleveur aux quatrecents coups.
« Crétins de citadins ! Foutez le camp ! »
A Braithwaite, près de trois cents personnes se pressent à la mairie : commerçants, hôteliers, gérants de pubs, de bed andbreakfast, clubs hippiques ou de randonnées - tous fébriles et paniqués.
Les réservations s'annulent au fil des heures.
La saisonest foutue.
Et la plupart d'entre eux craignent de n'avoir pas la chance d'en tenter une seconde.
Comment inverser la tendance ?Comment signifier aux touristes qu'ils peuvent venir, qu'ils doivent venir ? Que les éleveurs ne sont pas seuls à vaciller pendant lacrise ? Que des milliers de petites affaires sont exposées à la faillite et ne recevront pas les compensations promises auxpaysans ? Que « les ondes de choc provoquées par les hôtels déserts sont ressenties par tous les autres commerces, les pubs, lesmaraîchers, les fournisseurs et les laveurs de vitres ; bientôt les menuisiers et les maçons, les électriciens et les mécanos ? ».
Lesgens prennent la parole avec une belle dignité.
La région était fière, disent-ils, de son faible taux de chômage.
Mais trois centcinquante emplois liés au tourisme tombent chaque semaine, et nous sommes des milliers à savoir la hache au- dessus de nostêtes.
« Comment lutter contre les images de bûchers diffusées par les télévisions du monde entier ? Quel randonneur veut croiser despiles de carcasses ?
- Allons ! Le virus n'a pas atteint la lande !
- Qui le sait ? Il faut rouvrir nos chemins.
Rassurer les touristes.
Contre-attaquer par de la publicité !
- Ce serait déclarer la guerre aux éleveurs ! Vous savez bien qu'ils restent terrés dans leurs fermes et craignent que la moindrecirculation n'apporte le virus.
- Alors, il faut mourir ? Licencier nos employés ? Envoyer nos enfants en ville ? Et mettre la clé sous la porte des commerces ?Les paysans ont le soutien du public alors que les hôteliers sont supposés riches.
Quelle ironie.
Moi je ne tiendrai pas jusqu'à l'étési l'on n'ouvre pas les chemins !
- Ce serait folie de trahir les paysans.
D'ailleurs ils feraient déguerpir les touristes.
Il faut se tenir les coudes au contraire.
Exigerdes aides pour passer le cap.
Avoir conscience que rien ne serait pire que l'arrivée du virus dans nos landes et nos lacs.
La mortdes moutons exceptionnels de cette région serait la mort de nos paysages.
C'est alors que ce serait trop tard.
»
Lundi 26 mars
La catastrophe.
Un cas de fièvre aphteuse vient d'être confirmé dans un élevage de la région des lacs.
La lande est sous lechoc.
La police a immédiatement bloqué dix routes ; les paysans, paraît-il, quelques autres.
Tentatives désespérées et pathétiquesd'arrêter « la peste » dont parle ce matin le journal local.
Mais comment le virus a-t-il pu parvenir dans ce coin situé à unetrentaine de kilomètres du foyer le plus proche ? Le bétail broutait dans un champ éloigné de la route, et les chemins alentourétaient clos..
»
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