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Braudel, la Méditerranée et le Monde méditerranéen à l'époque de Philippe II (extrait)

Publié le 13/04/2013

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« L’Histoire n’est peut-être pas condamnée à n’étudier que des jardins clos de murs. «, écrit Fernand Braudel à la fin de sa préface de la première édition de la Méditerranée et le monde méditerranéen à l’époque de Philippe II, sa thèse mûrie pendant plus de vingt ans, rédigée essentiellement en captivité pendant la Seconde Guerre mondiale, et soutenue en 1947. Devenu le livre de référence de l’histoire telle que la pratique l’école des Annales et le bréviaire de tout étudiant en histoire, ce chef-d’œuvre de géo-histoire dilate le temps et l’espace ainsi que l’annonce son titre : les frontières du « monde méditerranéen « et la durée de l’« époque de Philippe II « sont extensibles. D’une manière inédite et profondément originale, Braudel décompose le temps en un temps quasi immobile (le temps géographique), en un temps social de la longue durée (le temps des sociétés, des économies et des civilisations) et en un temps court (le temps des événements et des hommes), et il fait de la Méditerranée, à l’instar d’un roi, le personnage central de son étude : la mer devient un « personnage historique « qu’il lui faut définir.

La Méditerranée et le monde méditerranéen à l’époque de Philippe II de Fernand Braudel (préface de la première édition)

 

[…] La Méditerranée n’est même pas une mer, c’est un « complexe de mers «, et de mers encombrées d’îles, coupées de péninsules, entourées de côtes ramifiées. Sa vie est mêlée à la terre, sa poésie plus qu’à moitié rustique, ses marins sont à leurs heures paysans ; elle est la mer des oliviers et des vignes autant que celle des étroits bateaux à rames ou des navires ronds des marchands, et son histoire n’est pas plus à séparer du monde terrestre qui l’enveloppe que l’argile n’est à retirer des mains de l’artisan qui la modèle. Lauso la mare e tente’n terro (« Fais l’éloge de la mer et tiens-toi à terre «), dit un proverbe provençal.

 

 

Nous ne saurons donc pas sans peine quel personnage historique exact peut être la Méditerranée : il y faudra de la patience, beaucoup de démarches, sans doute quelques erreurs inévitables. Rien n’est plus net que la Méditerranée de l’océanographe, du géologue, ou même du géographe : ce sont là domaines reconnus, étiquetés, jalonnés. Mais la Méditerranée de l’histoire ? Cent avis autorisés nous mettent en garde : elle n’est pas ceci, elle n’est pas cela ; elle n’est pas un monde qui se suffise à lui-même, elle n’est pas davantage un pré carré. Malheur à l’historien qui pense que cette question préjudicielle ne se pose pas, que la Méditerranée est un personnage à ne pas définir, car défini depuis longtemps, clair, reconnaissable immédiatement et qu’on saisit en découpant l’histoire générale selon le pointillé de ses contours géographiques. […]

 

 

Source : Braudel (Fernand), la Méditerranée et le monde méditerranéen à l’époque de Philippe II, Paris, Armand Colin, 1985.

 

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