Ben Ali l'inconnu
Publié le 17/01/2022
Extrait du document
«
Et il a eu sa part de chance.
La première, ce fut d'être choisi, lui, le quatrième enfant d'une famille qui en comptait onze, pouraller faire des études militaires en France, à Saint- Cyr, en 1956.
Il fallait des officiers pour commander l'armée de la Tunisieindépendante, et ne pas avoir le baccalauréat en poche n'était pas un obstacle.
Après Saint-Cyr et un stage de quelques moisdans une école américaine de renseignement, Zine Ben Ali est affecté à l'état-major, où il devient rapidement le patron de lasécurité militaire (SM).
Le titre vaut davantage que la fonction.
La Tunisie n'est pas l'Algérie : le patron de la SM est unexécutant, pas un faiseur de rois.
Le nom de Ben Ali, les Tunisiens le découvrent en 1974, presque par hasard, à l'occasion de l'éphémère union tuniso-libyenne.Le 12 janvier, Bourguiba et Khadafi proclament dans un palace de Djerba la naissance de la République arabe islamique.
Lesdeux pays se fondent dans un Etat unique.
Drapeau, armée, Constitution, président : ils ne font plus qu'un.
Et ce qui vaut pour ladiplomatie et l'économie doit s'appliquer aux services de renseignement et à la sécurité militaire.
D'ailleurs, prenant tout le mondede court, Khadafi souffle un nom, celui d'un Tunisien, celui de Ben Ali, pour diriger l'ensemble.
L'intéressé était-il au courant de cette promotion embarrassante ? Les avis divergent.
Mais la République arabe islamique morteet enterrée, les proches de Bourguiba s'empressent d'éloigner ce colonel Ben Ali aux relations sulfureuses.
Il est expédié à Rabatavec le titre d'attaché militaire.
L'exil est doré pour un bon vivant comme lui, mais il augure des lendemains peu exaltants.
Ce ne sera pas le cas.
Son retour sur le devant de la scène, Ben Ali le doit à l'agitation sociale qui début 1978 menace lerégime.
« Combien de temps vous faut-il pour vous mettre en civil ? », lui demande le premier ministre, Hedi Nouira.
Une demi-heure plus tard, le colonel a troqué son uniforme contre un complet-veston.
Bourguiba, qui a toujours veillé à ce que l'armée restecantonnée dans les casernes, a pour la première fois fait une exception dont il se repentira : Ben Ali le militaire est nommé à la têtede la sûreté générale.
Il y restera près de trois ans.
C'est peu, mais l'époque est agitée et les têtes tombent facilement.
Lorsqu'il est démissionné, audébut des années 1980, ce n'est pas pour une mince affaire : venu de Libye pour s'emparer de la grande ville de Gafsa, uncommando d'une quarantaine de personnes a pu séjourner en toute impunité dans le Sud tunisien.
Les responsables de la sûretén'y ont vu que du feu ! Ben Ali paye cet échec : le voici nommé ambassadeur de Tunisie en Pologne.
« Quelle erreur ! Il va yapprendre à faire des coups d'Etat », s'insurge l'épouse toute-puissante du chef de l'Etat, Wassila.
Elle parle d'or, mais personnene l'écoute.
EN décembre 1983, la sanglante « révolte du pain » officialise la rupture entre le peuple et Bourguiba.
Déboussolé,imprévisible, le Combattant suprême a besoin d'hommes à poigne de la trempe de Ben Ali.
Rappelé des froides terres de laPologne, le général retrouve son poste de patron de la sûreté nationale.
Cette fois, rien ne viendra interrompre son ascension.
En 1985, il est successivement promu secrétaire d'Etat à la sûreté,ministre délégué, ministre de l'intérieur, avant d'être nommé premier ministre le 2 octobre 1987.
Il devait son retour en grâce à lacrise sociale ; la lutte contre les islamistes, nouveaux barbares accusés de comploter contre l'Etat, le propulse à l'ombre dupouvoir.
Or le pouvoir est à prendre à Tunis.
Il suffit de se baisser pour le ramasser.
Des complicités bien placées au coeur de lagendarmerie et de la garde nationale, l'appui de quelques têtes politiques, un vrai-faux avis médical certifiant que l'état de santé deBourguiba « ne lui permet plus d'exercer les fonctions inhérentes à sa charge »...
C'est avec ces ingrédients que Ben Ali - sansverser de sang - s'est débarrassé du « Vieux » le 7 novembre 1987, ouvrant la voie au « changement », comme le veut laphraséologie officielle.
De fait, le changement est réel, et la Tunisie de Ben Ali n'a pas grand-chose à voir avec celle de Bourguiba.
Non pas que leschoix économiques - libéralisme et ouverture progressive - ou sociaux - laïcité et promotion de la femme - aient été remis encause.
La différence tient à autre chose, de moins palpable et plus profond.
A ces rumeurs de corruption qui visent avecinsistance l'entourage familial du chef de l'Etat, en particulier les proches de sa seconde épouse, Leila, et par ricochet encouragenttrafics et passe- droits dans la société.
Le changement tient aussi à ce quadrillage de la population porté à un degré inégaléjusque-là.
Entre les cellules de quartier, les cellules territoriales, les cellules professionnelles, c'est la Tunisie tout entière qui estembrigadée et surveillée de près.
La vie culturelle porte la marque de cet enfermement.
Elle n'est plus que l'ombre d'elle- même.
Qu'il s'agisse de littérature, depoésie, de théâtre ou de musique, aucun souffle n'est perceptible.
L'exubérance a même déserté les cafés tunisiens.
« Bien sûrqu'il y a dans le monde des dictatures pires que la nôtre sur le plan des droits de l'homme.
Ce que je reproche à Ben Ali, c'estd'avoir tué l'âme de mon pays et de mon peuple, accuse un intellectuel.
Tout n'est que dessèchement.
Quand je retourne en.
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