Barrès, Scènes et doctrines du nationalisme (extrait)
Publié le 19/02/2013
Extrait du document
Publié en 1902, Scènes et doctrines du nationalisme est un ouvrage phare de l’œuvre de Maurice Barrès et l’un des classiques de la littérature nationaliste. Reprenant notamment une conférence à la « Patrie française « prononcée en 1900, Barrès se propose de « définir le nationalisme, c’est-à-dire de chercher son principe et sa direction «. Pour ce faire, il recourt à ses thèmes privilégiés : l’union de cœur de la France, au-delà de sa diversité, et l’enracinement du sentiment national dans la « terre des morts «.
Le nationalisme selon Maurice Barrès
[…] L’affaire Dreyfus n’est que le signal tragique d’un état général. Une écorchure qui ne se guérit pas amène le médecin à supposer le diabète. Sous l’accident, cherchons l’état profond. Notre mal profond, c’est d’être divisés, troublés par mille volontés particulières, par mille imaginations individuelles. Nous sommes émiettés, nous n’avons pas une connaissance commune de notre but, de nos ressources, de notre centre. Heureuses ces nations où tous les mouvements sont liés, où les efforts s’accordent comme si un plan avait été combiné par un cerveau supérieur ! Il y a bien des manières pour un pays de posséder cette unité morale. Le loyalisme peut grouper une nation autour de son souverain. À défaut d’une dynastie, des institutions traditionnelles peuvent fournir un centre. (Mais notre France, il y a un siècle, a brusquement maudit et anéanti sa dynastie et ses institutions.) Certaines races enfin arrivent à prendre conscience d’elles-mêmes organiquement. C’est le cas des collectivités anglo-saxonnes et teutoniques qui sont, de plus en plus, en voie de se créer comme races. (Hélas ! il n’y a point de race française, mais un peuple français, une nation française, c’est-à-dire une collectivité de formation politique.) Oui, malheureusement, au regard des collectivités rivales et nécessairement ennemies dans la lutte pour la vie, la nôtre n’est point arrivée à se définir à elle-même. Nous l’avouons implicitement par ce fait que, suivant les besoins du moment, pour nos publicistes, nos écrivains, nos artistes, nous sommes tantôt Latins, tantôt Gaulois, tantôt « le soldat de l’Église «, puis la grande nation, « l’émancipatrice des peuples «. Le nationalisme, c’est de résoudre chaque question par rapport à la France. Mais comment faire, si nous n’avons pas de la France une définition et une idée communes ? […] Mais quel moyen pour dégager cette conscience qui manque au pays ? Répudions d’abord les systèmes philosophiques et les partis qu’ils engendrent. Rattachons tous nos efforts, non à une vue de notre esprit, mais à une réalité. […] Nous sommes des hommes de bonne volonté ; quelles que soient les opinions que nous ont faites notre famille, notre éducation, notre milieu et tant de petites circonstances privées, nous sommes décidés à prendre notre point de départ sur ce qui est et non pas sur notre idéal de tête. Tel d’entre nous peut bien trouver que la Révolution nous a déviés de nos voies les plus aisées et les plus heureuses, tel autre peut regretter que le Premier Consul ait, par le Concordat, replacé la France sous l’influence de Rome ; un troisième s’assure que les destinées de notre pays sont étroitement liées à celles du catholicisme. Chacun refait l’histoire de France. Laissons ces romans. Pourquoi nous enfoncer dans les voies hypothétiques où la France aurait dû passer ? Nous trouverons un profit plus certain à nous confondre avec toutes les heures de l’histoire de France, à vivre avec tous ses morts, à ne nous mettre en dehors d’aucune de ses expériences. […] Après tout la France consulaire, la France monarchique, la France de 1830, la France de 1848, la France de l’Empire autoritaire, la France de l’Empire libéral, toutes ces Frances enfin qui, avec une si prodigieuse mobilité, vont à des excès contradictoires, procèdent du même fonds et tendent au même but ; elles sont le développement du même germe et sur un même arbre les fruits des diverses saisons.
Source : Barrès (Maurice), Scènes et doctrines du nationalisme, Paris, F. Juven, 1902.
Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation. Tous droits réservés.
Liens utiles
- Maurice Barrès, de l'égotisme au nationalisme
- Guy de Maupassant : « La nuit. Cauchemar », extrait de Scènes de la vie parisienne
- Texte 1: Gargantua, 1534 (extrait 2 ) chapitre XXIII
- BARRÈS, DURKHEIM ET LE SUICIDE
- analyse linéaire Molière - Texte 1 : Acte II scène 5 (extrait du Malade Imaginaire)