Barbey d'Aurevilly a dit de Chateaubriand : « Il est un des plus éclatants exemples qu'on puisse citer de la fausseté du mot célèbre de Pascal qui disait qu'il fallait haïr le moi. » Expliquer et discuter ce jugement.
Publié le 13/03/2011
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Ce qu'est le moi de Chateaubriand et la place qu'il tient dans son œuvre, et d'expliquer ce qu'il est. D'autre part, Barbey d'Aurevilly juge ce moi d'une façon très favorable, puisqu'il le tient pour un éclatant exemple d'un moi qui n'est pas haïssable. Pour discuter cette sympathie, il faut évidemment faire une distinction entre le caractère même de Chateaubriand et le rôle qu'il joue dans son œuvre. Littérairement on ne peut pas nier que le caractère de confidence personnelle, directe ou suggérée, soit un des charmes d'Atala, de René, des Martyrs, des Mémoires d'outre-tombe. Jamais la confidence ne nous semble prolixe, indiscrète, fatigante. L'art de Chateaubriand et ce qu'il y a d'humain, d'apparente sincérité, nous attachent à lui sans qu'il nous semble jamais importun. On peut au contraire n'être pas d'accord sur sa personne même; il a d'évidentes qualités, sans même parler de son génie : il n'est jamais mesquin, il a de généreuses aspirations, ses inquiétudes et ses détresses sont la rançon d'un idéal qu'il a voulu placer trop haut, — et des défauts qui sont non la vanité, mais l'orgueil, une complaisance dans l'ennui qui est et fut un danger grave pour d'autres que pour lui, une inconstance de cœur dont souffrirent cruellement celles qui l'aimèrent, des attitudes théâtrales. Ajoutons son absence de sincérité. On a beaucoup discuté de cette sincérité. Il n'est pas contestable qu'elle n'a rien à voir avec la valeur littéraire de ses œuvres. Peu importe que ses descriptions d'Amérique soient des souvenirs vécus ou des souvenirs de lecture; il suffit qu'elles soient belles. Mais on ne peut pas dire qu'il soit indifférent pour juger l'homme de savoir s'il a sciemment menti. Or il est prouvé qu'il a dit ou suggéré avoir vu des parties de l'Amérique qu'il n'a jamais pu visiter, qu'il nous a trompé gravement sur des épisodes de son séjour en Angleterre pendant ses années d'exil; le journal indiscret de son valet de chambre pendant son voyage en Orient montre combien la réalité du voyage fut différente du récit publié ; on trouve d'ailleurs dans ce récit des erreurs si grossières qu'elles suffiraient à démontrer que le maître n'a jamais vu ce qu'il dit expressément avoir visité. Au total Chateaubriand peut vous être, par lui-même, ou tout à fait sympathique, ou à moitié sympathique, ou plutôt antipathique.
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- Voltaire écrit dans ses Lettres philosophiques : « Il me paraît qu'en général l'esprit dans lequel Pascal écrivit ces Pensées était de montrer l'homme sous un jour odieux. Il s'acharne à nous peindre tous méchants et malheureux. Il écrit contre la nature humaine à peu près comme il écrit contre les jésuites. Il impute à l'essence de notre nature ce qui n'appartient qu'à certains hommes. Il dit éloquemment des injures au genre humain. » Expliquer et discuter ce jugement.
- «Pour douer notre littérature d'une action efficace, il fallait trouver le secret de l'action sur les esprits : ce secret est la clarté. Comprenons ce mot : il faut évidemment le soustraire à des interprétations grossièrement faciles. Paul Valéry a insisté souvent sur le fait que de nombreuses gens la confondent avec leur propre paresse d'esprit. Il ne s'agit pas d'être compris par les distraits. La clarté de Racine n'est qu'une apparence ; je défie un lecteur moyen d'expliquer tout ce
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