Bachelard - La formation de l'esprit scientifique: Extrait chap. 1 : « La notion d'obstacle épistémologique »
Publié le 21/07/2010
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Ce § forme un tout. Il ne s’interroge pas seulement sur l’opinion en général, ou sur la science, voire leur opposition, mais avant tout sur la formation de l’esprit : l’enjeu est de former une pensée : apprendre à penser et cela, plus précisément, en science. Bachelard parle du point de vue scientifique, non dans l’absolu. En quoi l’opinion peut-elle constituer un obstacle à la formation de l’esprit scientifique ? Il y a 2 parties dans ce §. D’abord, ce qui caractérise l’opinion, mais à travers ce qu’elle fait. Ensuite, il caractérise l’esprit scientifique à travers sa démarche et ce qui en est la marque distinctive. I. a) La science dans son besoin d’achèvement comme dans son principe, s’oppose absolument à l’opinion. S’il lui arrive, sur un point particulier, de légitimer l’opinion, c’est pour d’autres raisons que celles qui fondent l’opinion ; de sorte que l’opinion a, en droit, toujours tort. b) L’opinion pense mal ; elle ne pense pas : elle traduit des besoins en connaissances. En désignant les objets par leur utilité, elle s’interdit de les connaître. c) On ne peut rien fonder sur l’opinion : il faut d’abord la détruire. Elle est le premier obstacle à surmonter. Il ne suffirait pas, par exemple, de la rectifier sur des points particuliers, en maintenant, comme une sorte de morale provisoire, une connaissance vulgaire provisoire. II. a) L’esprit scientifique nous interdit d’avoir une opinion sur des questions que nous ne comprenons pas, sur des questions que nous ne savons pas formuler clairement. b) Avant tout, il faut savoir poser des problèmes. Et quoi qu’on dise, dans la vie scientifique, les problèmes ne se posent pas d’eux-mêmes. C’est précisément ce sens du problème qui donne la marque du véritable esprit scientifique. c) Pour un esprit scientifique, toute connaissance est une réponse à une question. S’il n’y a pas eu de question, il ne peut pas y avoir connaissance scientifique. Rien ne va de soi. Rien n’est donné. Tout est construit. Ière partie : « La science, dans son besoin (…) vulgaire provisoire. « Ce qui caractérise l’opinion pour Bachelard est ce qu’elle fait, et non ce qu’elle est. Il ne la définit pas mais la pose en l’opposant à la science. Que fait-elle précisément ? Elle interdit de réfléchir, fait obstacle au savoir et doit donc être rejetée purement et simplement Mais il y a une progression qui nous permet de comprendre en quoi réside l’obstacle de l’opinion et pourquoi il est le premier. (I. a) « La science dans son besoin d’achèvement comme dans son principe, s’oppose absolument à l’opinion. « [on souligne les termes clés]. L’opposition entre les deux est radicale. Ni le but ni le point de départ ne correspondent. Il y a désaccord sur les principes & les fins. La différence est totale et sur toute la ligne. Qu’est-ce donc qui pourrait faire de l’opinion un obstacle si les deux sont aussi étrangères l’une à l’autre ? En effet, l’obstacle ne suppose-t-il pas que les deux se rencontrent au moins sur un point ? Lequel ? Bachelard développe une rencontre possible. S’agit-il alors d’une concession ? « S’il lui arrive, sur un point particulier, de légitimer l’opinion, c’est pour d’autres raisons que celles qui fondent l’opinion ; de sorte que l’opinion a, en droit, toujours tort. « Ce point de rencontre entre l’opinion & la science est l’énoncé reçu cad le résultat, mais c’est en réalité dans l’esprit lui-même que se trouve l’obstacle car l’opinion n’est pas en dehors de moi : elle est en moi. Toutefois, il y a un malentendu à éviter, car même si les deux se rencontrent, c’est pour des raisons différentes. Les raisons de l’opinion ne sont pas celles de la science. L’opinion n’est pas sans raison et elle est rejetée en fonction de raisons qui appartiennent à la science. Les termes « en droit « et « légitimer « nous révèlent que Bachelard ne pense qu’au raisonnement. Si l’opinion a tort, ce n’est pas dans l’absolu mais en droit parce que dans la science la preuve est toujours raisonnée. (I. b) On en arrive ainsi à une caractérisation plus précise de l’opinion : « L’opinion pense mal ; elle ne pense pas : elle traduit des besoins en connaissances. « [Il est important ici de ne pas couper l’unité de phrase.] • pense mal : parce que l’opinion est toujours défectueuse et ne se soucie pas de légitimer un énoncé. A la limite, un geste, une exclamation suffisent pour faire comprendre à l’autre ce que l’on aime ou déteste. Dire : « c’est mon opinion «, c’est plutôt clore la discussion que l’ouvrir. D’où : • pense pas : ai-je besoin de penser pour donner mon avis ? Si je réponds, c’est immédiatement, sans avoir réfléchi. Si, par contre, j’ai pensé avant, si j’ai délibéré, mon idée est réfléchie, raisonnée, elle n’est plus immédiate : elle n’est déjà plus une opinion ponctuelle & inconsistante mais un avis réfléchi. Que fait l’opinion quand elle répond immédiatement, réagit sans se soucier d’agir – car réagir n’est pas agir – ni même de penser ? Deux points : explication, elle … • traduit : elle déplace quelque chose d’un endroit à l’autre, comme une traduction d’une langue étrangère à une autre plus familière. Sans se soucier de l’original, elle le transporte, le transpose immédiatement en son milieu : le « bien connu «. Traduction alors est bien trahison. Elle prend des besoins pour des savoirs et l’on comprend mieux en quoi consiste l’obstacle de l’opinion : elle recouvre et dissimule le savoir en le réduisant à ce qui peut servir. « A quoi ça sert ? « demande l’opinion, là maintenant. Le scientifique ne doit-il pas toujours être utile ? Mais qu’est-ce que l’utile si ce n’est, finalement, ce qui s’efface et disparaît dans l’usage immédiat ? La science s’essoufflerait en vain dans l’opinion. « En désignant les objets par leur utilité, elle s’interdit de les connaître. « Pour Bachelard, opiner se ramène à une sorte d’échange superficiel, réduit au oui/non, car désigner ce n’est ni montrer, faire voir, encore moins démontrer, faire savoir. C’est rester à l’extérieur et ne saisir que l’utile immédiat. Utile ou inutile ? Sans aller jusqu’aux objets et les examiner, c’est oui ou non. Ils ne sont que désignés comme utiles pour l’instant, ou inutiles. Et c’est cela qui est mis à la place de la connaissance, c’est cela qui remplace la recherche et la valeur. En effet, on ne s’interroge pas sur ce qui est véritablement utile, car pour cela il faudrait pousser l’examen. L’utile de maintenant n’est peut-être l’utile de plus tard. En posant ainsi l’utilité immédiate et irréfléchie de ce qui nous sert pour le moment, il est clair qu’on s’interdit soi-même de le connaître plus avant. Aussi l’obstacle n’est-il pas extérieur à l’esprit. Il correspond, en nous, à une nature toujours pressée d’en finir, pour passer à autre chose et qui par prévention & précipitation nous barre l’accès des objets. Science n’est pas divertissement. On en arrive ainsi à conclure, avec Bachelard que : (I. c) « On ne peut rien fonder sur l’opinion : il faut d’abord la détruire. Elle est le premier obstacle à surmonter. « On a vu que l’opinion se détruit d’elle-même dès que l’on se met à penser et réfléchir. En effet, il n’y a plus réaction immédiate mais action réfléchie. Si je me mets à penser des moyens mieux adaptés aux fins, si je recherche ce qui peut être le plus utile, je détruis déjà l’opinion. Paroles & actions seront précédées par leur concept. Le premier obstacle est donc celui de la tendance immédiate, la réaction première, et il doit être surmonté. Non pas laissé de côté, mais affronté & dépassé. Détruire en effet doit se comprendre surtout pour moi, car c’est en moi que ce premier obstacle est à surmonter et non chez l’autre. La vraie fondation est donc subjective mais au sens de volontaire. Ce n’est pas par sentiment ou affection que je me mets à penser, moins encore par habitude, puisqu’il me faut sans cesse reconquérir cet effort et surmonter des tendances. Je puis rectifier ma pensée, mais de l’opinion que faire d’autre que de l’opinion ? « Il ne suffirait pas, par exemple, de la rectifier sur des points particuliers, en maintenant comme une sorte de morale provisoire, une connaissance vulgaire provisoire. « On voit ainsi les deux sens qu’il faut donner à l’ironie de Bachelard : • l’opinion par position est impossible à rectifier. Rectifiée, elle disparaît, • mais il y a plus : quel serait le sens à donner à une telle vulgarisation du savoir si cette vulgarisation consistait à le nier et l’interdire ? En le remplaçant par l’utile immédiat elle ne fait pas que le fausser, elle en interdit l’essor et la stature, de la même façon qu’Ouranos interdisait à ses fils de s’élever au jour, de la même façon que Kronos pour régner seul avalait tous ses fils. L’opinion, comme les dieux archaïques, est jalouse. Il faut lui vouer une sorte de culte de moralité, ne serait-ce qu’en disant qu’elle se corrige peu à peu et s’instruit. Mais une opinion savante, ce serait un cercle carré. En réalité, c’est à chacun de surmonter l’obstacle pour lui-même et c’est pourquoi il est premier. Une morale peut être provisoire (cf Descartes) au sens où elle accepte les usages. Mais une connaissance vulgaire est seulement une mé-connaissance, au mieux, et au pire un refus de penser. C’est sur cette ironie polémique, anti-vulgarisatrice, que s’achève la description de l’opinion. L’esprit scientifique, lui, doit être sans concession. Mais il l’est par décision de vérité et de science. Reste-t-il de l’opinable ? Il s’auto-détruit dès qu’on se met à raisonner parce que ce n’est plus l’esprit qui est emporté par la tendance mais plutôt la tendance qui est réfléchie et analysée par l’esprit. Elle explose en un ensemble d’éléments qui vont être pesés un à un. En effet, analyser les opinions ce n’est pas s’y livrer et, au moment de la synthèse, celui du résultat énoncé, ce n’est plus « l’opinion « qui parle. Elle est donc bien l’ennemie de la science puisqu’elle fait des résultats obtenus de simples objets de service. L’esprit doit donc redoubler d’attention et de force contre elle et aussi ses propres tendances. L’opinion représente toutes ces « habitudes de croire « que Descartes s’efforce d’éliminer dans ses Méditations. 2ème partie: « L’esprit scientifique nous interdit (…) Tout est construit.. «
Nous passons de l’interdiction à la construction. Face à l’interdit de l’opinion qui revient à refuser l’essor même du savoir pour le cantonner dans l’utile, l’esprit n’a d’autre voie que celle du non catégorique. Il interdit l’interdit. Il redouble en quelque sorte de force et de puissance pour pouvoir se libérer et affirmer sa propre raison. Elle ne vient pas de l’utilité mais de la curiosité. Bachelard pose ainsi le sens du problème comme ce qui départage les deux, à la base. (2. a) « L’esprit scientifique nous interdit d’avoir une opinion (…) sur des questions que nous ne savons pas formuler clairement. « On pourrait dire qu’il s’agit d’un axiome. Il y a en effet une exclusivité à ce niveau entre science & opinion. Ou bien l’on opine, ou bien l’on raisonne. Il est clair que l’on ne peut pas faire les deux à la fois. L’interdiction est pure, l’interdiction est simple : elle est un principe. Mais Bachelard précise encore sa pensée : il ajoute que l’enjeu est celui de la formulation claire. A ce stade, est-il possible de contester Bachelard ? Cela reviendrait à ruiner toute possibilité de science. Ce n’est pas par opinion qu’on adopte des principes plutôt que d’autres, mais c’est en vue d’un résultat précis ou d’une action précise. Confuse, la question n’est pas susceptible de réponse. Mais elle peut être parfaitement claire et être vide. Valéry disait que « la clarté est une obscurité consentie. «. C’est qu’il ne faut pas oublier que nous sommes dans la science et non à côté. Où Socrate est-il mort ? Cela n’est pas confus. Il ne s’agit donc, pour Bachelard, que des questions d’ordre scientifique, formulées en vue de répondre à des difficultés entrevues dans une théorie qui a été construite. Ainsi, pour tester la validité d’un ensemble de procédures, la formulation doit être contrôlable. Car si ce n’est pas le cas, rien n’est mis à l’épreuve. Mais comment contrôler les formulations ? Est-ce à rechercher dans les faits ou dans l’esprit ? Est-ce l’esprit qui est conduit par les choses ou bien les choses qui sont conduites par l’esprit dans la science ? Kant n’a-t-il pas vu juste en disant que c’est nous qui interrogeons la nature, plutôt que la nature qui nous emporte ? On en arrive ainsi à la démarcation de l’esprit scientifique : sa « marque « : (2. b) « Avant tout, il faut savoir poser des problèmes. Et (…) les problèmes ne se posent pas d’eux-mêmes. C’est (…) ce sens du problème qui donne la marque (…) scientifique. « Non poser les bonnes questions ou les vrais problèmes, car les problèmes n’existent pas en soi, mais seulement en relation à un esprit qui les pose. L’esprit est le problème et le problème est l’esprit lui-même en train de s’exercer. Ce point est le nerf de la thèse de Bachelard, ce qu’elle a de plus central. Le sens du problème, en effet, n’est pas un nouvel organe, un nème sens, après le 6ème. Ce n’est pas « la sensibilité « aux problèmes. Mais ce n’est pas non plus, loin s’en faut, la sémantique des problèmes. C’est pourquoi la meilleure approche de cette expression énigmatique est de s’en remettre à l’esprit scientifique. Euclide, par exemple, distingue CQFD ce qu’il fallait démontrer (le théorème) et ce qu’il fallait faire (le problème), cad le tracer (avec la règle et le compas). Problème à un sens strict qu’il convient de distinguer de Question. La marque de l’esprit n’est jamais fixée dans le problème puisque le problème n’existe pas en soi. Quel est donc le lieu où se fixe véritablement la marque de l’esprit s’il n’est pas exactement « dans « le problème ? (2. c) « Pour un esprit scientifique, toute connaissance est une réponse à une question. S’il n’y a pas eu de question, il ne peut pas y avoir connaissance scientifique. « La marque de l’esprit scientifique est dans la question même qu’il se pose. Cela doit maintenant nous apparaître mieux. Il y a une raison des problèmes, qui est l’esprit qui s’interroge, mais il y a aussi une raison des questions, qui est l’esprit qui se forme. Les deux sont liés : avec l’étonnement, l’esprit s’interroge : on est au commencement, encore au dehors. Par le questionnement, il entretient son éveil à chaque stade. Or, y a-t-il une méthode pour bien s’interroger ? Avec la méthode la plus sûre, et son exercice répété, on risquerait plutôt de ne plus aimer savoir (philo-sophie) : ce serait alors la plus sûre méthode pour perdre à la fois l’esprit et le savoir. Il y a bien un tel risque avec la science quand elle devient normative, comme par exemple dans le livre scolaire, dirait Kuhn. Avec des problèmes, je pourrais bien ne rien faire d’autre que répéter des solutions fournies. Il suffit que les problèmes soient là, donnés dans un livre. L’enjeu est donc de remonter aux questions qui les ont formés, celles qui ont été à la source de la vérité des problèmes, à l’origine par exemple de cette géométrie euclidienne, afin de pouvoir soi-même à son tour s’interroger sur sa manière de procéder. Ne faut-il pas, alors, avoir le courage de recommencer dès la base l’apprentissage des sciences afin de s’en réapproprier les étonnements et les premiers questionnements ? Il y a à distinguer divers usages du problème, en tant qu’exercice pour assimiler certaines règles et en tant que recherche. Or, il se trouve que le premier usage, utilitaire, risque de nuire au second et de sombrer lui-même dans le calcul habituel & l’opinion, qui ne fait plus problème, qui ne fait plus question. Si bien qu’à nouveau l’esprit doit revenir à son espace initial et son lieu de formation : le questionnement, sans quoi l’activité spirituelle se bloque et, avec elle, toute éducation vraie (paideia). La possibilité de connaître scientifiquement, en un mot « la science «, dépend donc de la force du questionnement. L’esprit ne se forme qu’en poursuivant ses interrogations jusqu’au bout, comme l’assurait déjà Socrate dans le Théétète.
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« En désignant les objets par leur utilité, elle s'interdit de les connaître.
»Pour Bachelard, opiner se ramène à une sorte d'échange superficiel, réduit au oui/non, car désigner ce n'est nimontrer, faire voir, encore moins démontrer, faire savoir.
C'est rester à l'extérieur et ne saisir que l'utile immédiat.Utile ou inutile ? Sans aller jusqu'aux objets et les examiner, c'est oui ou non.
Ils ne sont que désignés comme utilespour l'instant, ou inutiles.
Et c'est cela qui est mis à la place de la connaissance, c'est cela qui remplace larecherche et la valeur.
En effet, on ne s'interroge pas sur ce qui est véritablement utile, car pour cela il faudraitpousser l'examen.
L'utile de maintenant n'est peut-être l'utile de plus tard.
En posant ainsi l'utilité immédiate etirréfléchie de ce qui nous sert pour le moment, il est clair qu'on s'interdit soi-même de le connaître plus avant.
Aussil'obstacle n'est-il pas extérieur à l'esprit.
Il correspond, en nous, à une nature toujours pressée d'en finir, pourpasser à autre chose et qui par prévention & précipitation nous barre l'accès des objets.
Science n'est pasdivertissement.
On en arrive ainsi à conclure, avec Bachelard que :
(I.
c) « On ne peut rien fonder sur l'opinion : il faut d'abord la détruire.
Elle est le premier obstacle à surmonter.
»On a vu que l'opinion se détruit d'elle-même dès que l'on se met à penser et réfléchir.
En effet, il n'y a plus réactionimmédiate mais action réfléchie.
Si je me mets à penser des moyens mieux adaptés aux fins, si je recherche ce quipeut être le plus utile, je détruis déjà l'opinion.
Paroles & actions seront précédées par leur concept.
Le premierobstacle est donc celui de la tendance immédiate, la réaction première, et il doit être surmonté.
Non pas laissé decôté, mais affronté & dépassé.
Détruire en effet doit se comprendre surtout pour moi, car c'est en moi que cepremier obstacle est à surmonter et non chez l'autre.
La vraie fondation est donc subjective mais au sens devolontaire.
Ce n'est pas par sentiment ou affection que je me mets à penser, moins encore par habitude, puisqu'ilme faut sans cesse reconquérir cet effort et surmonter des tendances.
Je puis rectifier ma pensée, mais de l'opinionque faire d'autre que de l'opinion ?« Il ne suffirait pas, par exemple, de la rectifier sur des points particuliers, en maintenant comme une sorte demorale provisoire, une connaissance vulgaire provisoire.
»On voit ainsi les deux sens qu'il faut donner à l'ironie de Bachelard :• l'opinion par position est impossible à rectifier.
Rectifiée, elle disparaît,• mais il y a plus : quel serait le sens à donner à une telle vulgarisation du savoir si cette vulgarisation consistait àle nier et l'interdire ? En le remplaçant par l'utile immédiat elle ne fait pas que le fausser, elle en interdit l'essor et lastature, de la même façon qu'Ouranos interdisait à ses fils de s'élever au jour, de la même façon que Kronos pourrégner seul avalait tous ses fils.
L'opinion, comme les dieux archaïques, est jalouse.
Il faut lui vouer une sorte deculte de moralité, ne serait-ce qu'en disant qu'elle se corrige peu à peu et s'instruit.
Mais une opinion savante, ceserait un cercle carré.
En réalité, c'est à chacun de surmonter l'obstacle pour lui-même et c'est pourquoi il estpremier.
Une morale peut être provisoire (cf Descartes) au sens où elle accepte les usages.
Mais une connaissancevulgaire est seulement une mé-connaissance, au mieux, et au pire un refus de penser.
C'est sur cette ironie polémique, anti-vulgarisatrice, que s'achève la description de l'opinion.
L'esprit scientifique, lui,doit être sans concession.
Mais il l'est par décision de vérité et de science.Reste-t-il de l'opinable ? Il s'auto-détruit dès qu'on se met à raisonner parce que ce n'est plus l'esprit qui estemporté par la tendance mais plutôt la tendance qui est réfléchie et analysée par l'esprit.
Elle explose en unensemble d'éléments qui vont être pesés un à un.
En effet, analyser les opinions ce n'est pas s'y livrer et, aumoment de la synthèse, celui du résultat énoncé, ce n'est plus « l'opinion » qui parle.
Elle est donc bien l'ennemie dela science puisqu'elle fait des résultats obtenus de simples objets de service.
L'esprit doit donc redoubler d'attentionet de force contre elle et aussi ses propres tendances.
L'opinion représente toutes ces « habitudes de croire » queDescartes s'efforce d'éliminer dans ses Méditations.
2ème partie: « L'esprit scientifique nous interdit (…) Tout est construit..
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Nous passons de l'interdiction à la construction.
Face à l'interdit de l'opinion qui revient à refuser l'essor même dusavoir pour le cantonner dans l'utile, l'esprit n'a d'autre voie que celle du non catégorique.
Il interdit l'interdit.
Ilredouble en quelque sorte de force et de puissance pour pouvoir se libérer et affirmer sa propre raison.
Elle ne vientpas de l'utilité mais de la curiosité.Bachelard pose ainsi le sens du problème comme ce qui départage les deux, à la base.
(2.
a) « L'esprit scientifique nous interdit d'avoir une opinion (…) sur des questions que nous ne savons pas formulerclairement.
»On pourrait dire qu'il s'agit d'un axiome.
Il y a en effet une exclusivité à ce niveau entre science & opinion.
Ou bienl'on opine, ou bien l'on raisonne.
Il est clair que l'on ne peut pas faire les deux à la fois.
L'interdiction est pure,l'interdiction est simple : elle est un principe.
Mais Bachelard précise encore sa pensée : il ajoute que l'enjeu estcelui de la formulation claire.A ce stade, est-il possible de contester Bachelard ? Cela reviendrait à ruiner toute possibilité de science.
Ce n'estpas par opinion qu'on adopte des principes plutôt que d'autres, mais c'est en vue d'un résultat précis ou d'uneaction précise.
Confuse, la question n'est pas susceptible de réponse.
Mais elle peut être parfaitement claire et êtrevide.
Valéry disait que « la clarté est une obscurité consentie.
».
C'est qu'il ne faut pas oublier que nous sommesdans la science et non à côté.
Où Socrate est-il mort ? Cela n'est pas confus.
Il ne s'agit donc, pour Bachelard, quedes questions d'ordre scientifique, formulées en vue de répondre à des difficultés entrevues dans une théorie qui aété construite.
Ainsi, pour tester la validité d'un ensemble de procédures, la formulation doit être contrôlable.
Car sice n'est pas le cas, rien n'est mis à l'épreuve.
Mais comment contrôler les formulations ? Est-ce à rechercher dansles faits ou dans l'esprit ? Est-ce l'esprit qui est conduit par les choses ou bien les choses qui sont conduites par.
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