AUTRES SUJETS COMMENTÉS
Publié le 29/03/2015
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AUTRES SUJETS COMMENTÉS
1
Au chapitre 25 de Candide, Voltaire fait dire au
noble vénitien Pococurante que Candide interroge
sur ses goûts littéraires : " Les sots admirent
tout dans un auteur estimé. Je ne lis que
pour moi; je n'aime que ce qui est à mon
usage ...
Partagez-vous cette conception de la lecture?
Vous répondrez en justifiant vos propos par des
exemples précis empruntés aux oeuvres que vous
avez lues ou étudiées .
.... Voltaire avait une habitude qui correspond bien à ce
point de vue de Pococurante. Quand il estimait particulièrement
l'oeuvre d'un auteur, il en extrayait les pages qu'il
appréciait le plus pour s'en faire une anthologie maniable. Il
procéda par exemple ainsi avec Rabelais.
Nous avons rencontré à plusieurs reprises le problème du
choix. Maupassant explique page 148 que le romancier
choisit dans le réel les éléments qu'il agencera pour produire
un effet dominant. Le lecteur doit choisir parmi les
auteurs et à l'intérieur de l'oeuvre d'un auteur donné.
Voltaire s'insurge ici contre une sorte de fanatisme qui
conduit à diviniser un écrivain ou un philosophe. L'homme
est toujours tenté par ce qui va lui éviter la peine de penser.
Diviniser un auteur, en faire son gourou ou son prophète, va
dans ce sens. C'est une manière de se trouver ce que l'on
appelait autrefois un directeur de conscience.
Le lecteur doit être autonome, actif. Dans le travail de problématisation,
il pourrait être intéressant d'aborder laquestion
des oeuvres au programme. Que faire dans le cas
d'oeuvres imposées? On pourrait montrer la possibilité d'un
choix à l'intérieur de ce cadre contraignant. Ainsi, chacun
peut puiser dans Les Fleurs du mal et dans Le Spleen de
Paris pour se constituer une anthologie personnelle.
II
L'explication de texte, les notes critiques ont pu
vous paraître fastidieuses et inutiles; Maurice
Blanchot, ·dans L 'Expérience de Lautréamont,
affirme au contraire: «Tout commentaire d'une
oeuvre importante est nécessairement en défaut
par rapport à cette oeuvre, mais le commentaire
est inévitable.«
En vous appuyant sur des exemples précis, textes
isolés ou oeuvres complètes, vous direz ce que
vous pensez de la nécessité du commentaire .
.... Pourquoi ramener au discursif cette création totale
qu'est l'oeuvre d'art; en d'autres termes pourquoi analyser
d'une manière intellectuelle ce qui, justement, échappe au
seul intelligible? Le nombre de bêtises que peut entendre un
tableau dans un musée conduit à se poser cette question.
Il serait possible de construire une partie sur l'idée que le
meilleur commentaire d'une oeuvre d'art est une autre
oeuvre d'art. René Char écrit un poème sur Rimbaud, Claudel
fait de même pour Verlaine, Debussy écrit de la musique
sur des vers de Mallarmé (Prélude à l'après-midi d'un
faune), Picasso commente par tableaux interposés la production
de ses prédécesseurs.
On pourrait même pousser les choses plus loin. Les oeuvres
des écrivains ne sont-elles pas, à leur manière, une critique
(dans le sens littéraire) des oeuvres contemporaines ou passées?
Les textes des autres écrivains exercent une influence
positive mais aussi révulsive. L'oeuvre du créateur, en se
démarquant de la production contemporaine, d'une certaine
façon, la commente.
Venons-en maintenant à l'analyse intellectuelle des oeuvres
telle qu'on la pratique dans l'enseignement et dans les journaux.
Blanchot affirme que ce commentaire sera toujours
« en défaut« par rapport à l' oeuvre et l'on comprend aisément
pourquoi. L'écrivain recourt aux complexes possibilités
de l'oeuvre littéraire justement pour dire ce que le propos
de caractère intellectuel ne peut circonscrire.
Mais en quoi le commentaire de type intellectuel est-il
« inévitable« ? Vous n'êtes tout d'abord pas obligé de le
penser. Vous pouvez aussi évoquer ses vertus pédagogiques
ainsi que nous le faisons dans l'introduction de ce chapitre.
Ce peut être l'occasion de discuter la tendance de notre
enseignement, du moins pour la fin du secondaire et le supérieur,
de privilégier l'analyse au détriment de la création.
Les ateliers d'écriture sont rares dans les lycées et dans les
universités.
III
Dans quelle mesure peut-on dire d'une oeuvre
qu'elle échappe à son auteur?
Voir sur ce point @J et !@ et tout ce qui se rapporte à
l'oeuvre ouverte.
Il est possible de privilégier certains axes :
- L' oeuvre échappe à son auteur notamment quand elle
est mise en scène au théâtre et au cinéma. Cela peut déboucher
sur un conflit entre écrivain et réalisateur comme cela
s'est produit pour l'adaptation au cinéma de L 'Amant de
Marguerite Duras.
- L' oeuvre peut aussi être dénaturée par un souci de
récupération idéologique. Ainsi, par exemple, en montant
en épingle certains éléments accessoires de son oeuvre, on a
fait de Nietzsche un philosophe bien éloigné de ce qu'il était
vraiment.
Un candidat cultivé, s'appuyant sur des exemples comme
Descartes, Darwin, Marx, Sartre, etc., pourrait même montrer
qu'un penseur est souvent célèbre suite à un contresens
fait sur l'une de ses formules ou l'un des points de sa doctrine.
A part ces dénaturations, le fait qu'une oeuvre échappe à son
auteur doit être considéré comme un fait positif.
- A noter que le décalage entre la réception d'une
oeuvre ou d'une pensée peut provenir du fait que le public
s'en tient à un stade dépassé depuis longtemps par l'auteur.
Ainsi, on continuait de reprocher à Sartre ses thèses sur
l'engagement alors qu'il les avait pratiquement reniées.
En un autre sens, l 'oeuvre peut encore «échapper« à son
auteur. Un roman ou un poème se met à vivre tout seul,
comme s'il n'était plus soumis à la volonté de !'écrivain et
s'écrivait de lui-même. On retrouve ici la problématique de
l'inspiration que les surréalistes radicalisèrent dans la théorie
de l'écriture automatique. L'oeuvre est-elle le produit de
la conscience claire de l'auteur ou procède-t-elle de quelque
chose qui lui échappe : inconscient ou inspiration?
IV
cc L'esprit de l'auteur, qu'il le veuille, qu'il le
~ache, ou non, est comme accordé sur l'idée
qu'il se fait nécessairement de son lecteur; et
donc le changement d'époque, qui est un changement
de lecteur, est comparable à un changement
dans le texte même, changement
toujours imprévu et incalculable.«
Paul Valéry, «Au sujet d'Adonis«, Variété.
En vous référant à votre expérience de lecteur,
vous direz quelles réflexions vous inspire cette
remarque de Paul Valéry .
..... Valéry évite de simplifier en montrant que si !'écrivain
écrit toujours pour un lecteur, il n'a pas toujours une vision
très claire de ce lecteur. Il insiste sur le fait que la littérature
est une création à deux à laquelle participent l'auteur mais
aussi le lecteur.
Nous retrouvons une fois de plus le problème de l'oeuvre
ouverte (voir notamment page 128). L'oeuvre riche trouve
sans cesse de nouveaux lecteurs. L'oeuvre pauvre ne survit
pas au lectorat qui a pu faire son succès.
Montaigne est l'un des meilleurs exemples de ces oeuvres
qui renaissent sans cesse, tel le phénix, de leurs cendres.
Au XVIIe siècle, il est critiqué et utilisé par Pascal dans
la lutte que menait ce dernier contre les libertins; libertins
qui avaient fait eux-mêmes des Essais leur livre de chevet.
Au XVIIIe siècle, il devient la référence des Philosophes
qui luttent pour la tolérance. Rousseau forge peutêtre
en le lisant le projet de peindre son âme dans toute sa
complexité qui prendra forme avec Les Confessions. Au
XIXe siècle, c'est l'humaniste ouvert aux cultures anciennes
qui retient l'attention. On se garde bien alors de commenter
en classe les chapitres «anticolonialistes« avant la lettre.
Cet aspect sera relevé au siècle suivant, Montaigne apparaissant
comme l'un des précurseurs du relativisme culturel.
Sans compter tous ceux qui réfléchissent sur l'intertextualité
ou sur l'autobiographie.
V
Un universitaire contemporain, Jean Onimus,
réfléchissant sur l'étude de la littérature, écrit :
«L'inquiétude c'est la vie même de la
conscience. Toute vie suppose effort, dépense
de forces. Ce que cherchent les élèves trop
souvent, c'est une réponse de catéchisme: "ce
qu'il faut penser de ... " et, dans leurs devoirs, ce
qu'ils disent c'est ce qu'ils croient que l'on doit
dire. Or le principe de l'enseignement littéraire
est de leur faire admettre qu'il n'y a pas de
dogme tout fait et qu'à chacun sa vérité."
Quel but assignez-vous pour votre part à l'enseignement
littéraire? Dites ce qu'il vous a apporté en
exigeant de vous un effort personnel? Appuyez
votre développement sur des exemples précis.
La jeunesse est souvent moins contestataire qu'il n'y paraît.
Elle est parfois très conventionnelle dans sa contestation : le
jeans (déjà un uniforme) est déchiré mais pas n'importe
comment et pas n'importe où. Sur le plan intellectuel, Jean
Onimus a raison de remarquer qu'elle est souvent encline à
rechercher des maîtres à penser (l'expression est déjà tout
un programme). Ce maître à penser peut être l'enseignant
lui-même ou un auteur dont la mode a fait le prophète du
moment.
La fonction assignée à l'enseignement par Jean Onimus correspond
à nos sociétés occidentales issues de la philosophie
des Lumières (XVIIIe siècle). L'esprit critique, la nécessité
de se forger une opinion personnelle, l'importance de
l'autonomie de chacun, le fait qu'il faut apprendre à
apprendre et n'être pas facilement manipulable sont des
valeurs constamment réaffirmées. Elles ont leur revers
puisque chacun doit trouver seul sa voie. L'angoisse peut
naître de cette recherche et du sentiment que l'on sera seul
responsable de sa vie.
On peut réfléchir sur la notion de «modèle« (ouvert ou
fermé), sur celle de «maître spirituel«, de secte, sur les
limites qu'un enseignant doit mettre à l'influence qu'il peut
exercer sur son jeune public. Inutile de dire qu'en dépit de
tout ce qui précède, on évitera de dire que l'enseignement
littéraire ne sert à rien.
VI
cc Mais pourquoi m'imaginer en tête à tête avec
le lecteur? Pourquoi imaginer que les amoureux
sont seuls au monde? Les pages imprimées
sont un lieu public, y vient qui veut, vous
parlez d'intimité!"
Commentez ce point de vue.
Que veut exactement dire cet auteur? La relation au livre est
bien, le plus souvent, une relation de couple entre un auteur
et un lecteur. Le travail des services d'édition a simplement
favorisé cette rencontre. En ce sens, le lecteur se distingue
du spectateur. Qu'il s'agisse du théâtre ou du cinéma, les
choses se présentent très différemment. L'oeuvre est une
création collective et sa réception est elle-même collective.
La télévision permet, il est vrai, une réception individuelle,
mais les études de sociologues montrent qu'elle a souvent
un côté convivial.
Il est vrai qu'il n'y a pas un lecteur mais une multitude de
lecteurs possibles. Il est même plutôt banal de le dire. On a
même pu parler de prostitution à propos des auteurs qui font
du bon argent avec le récit de leurs malheurs. Pourtant, il
semble bien que la lecture reste un acte intime: une relation
d'âme à âme. C'est en cela qu'elle est peut-être le meilleur
moyen de résister à la massification toujours menaçante.
Les dictateurs commencent toujours par brûler des livres.
Votre devoir devra donc évoquer des situations où une sorte
de communion s'est effectuée avec un auteur ou un personnage.
La littérature est bien communication. Et son paradoxe
est que cette communion s'effectue parfois mieux
avec des êtres morts depuis des siècles ou lointains qu'avec
nos proches.
trer qu'un penseur est souvent célèbre suite à un contresens fait sur l'une de ses formules ou l'un des points de sa doctrine.
A part ces dénaturations, le fait qu'une oeuvre échappe à son auteur doit être considéré comme un fait positif.
— A noter que le décalage entre la réception d'une oeuvre ou d'une pensée peut provenir du fait que le public s'en tient à un stade dépassé depuis longtemps par l'auteur. Ainsi, on continuait de reprocher à Sartre ses thèses sur l'engagement alors qu'il les avait pratiquement reniées.
En un autre sens, l'oeuvre peut encore «échapper« à son auteur. Un roman ou un poème se met à vivre tout seul, comme s'il n'était plus soumis à la volonté de l'écrivain et s'écrivait de lui-même. On retrouve ici la problématique de l'inspiration que les surréalistes radicalisèrent dans la théorie de l'écriture automatique. L'oeuvre est-elle le produit de la conscience claire de l'auteur ou procède-t-elle de quelque chose qui lui échappe : inconscient ou inspiration ?
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peut puiser dans Les Fleurs du mal et dans Le Spleen de
Paris pour se constituer une anthologie personnelle.
II
L'explication de texte, les notes critiques ont pu
vous paraître fastidieuses
et inutiles; Maurice
Blanchot, ·dans L 'Expérience de Lautréamont,
affirme au contraire: «Tout commentaire d'une
œuvre importante est nécessairement en défaut
par rapport
à cette œuvre, mais le commentaire
est
inévitable.»
En vous appuyant sur des exemples précis, textes
isolés ou œuvres complètes, vous direz ce que
vous pensez de
la nécessité du commentaire .
....
Pourquoi ramener au discursif cette création totale
qu'est l'œuvre d'art; en d'autres termes pourquoi analyser
d'une manière intellectuelle ce qui, justement, échappe au
seul intelligible? Le nombre de bêtises que peut entendre un
tableau dans un musée conduit à se poser cette question.
Il serait possible de construire une partie
sur l'idée que le
meilleur commentaire
d'une œuvre d'art est une autre
œuvre d'art.
René
Char écrit un poème sur Rimbaud, Clau
del fait de même
pour Verlaine, Debussy écrit de la musique
sur des vers de Mallarmé
(Prélude à l'après-midi d'un
faune),
Picasso commente par tableaux interposés la pro
duction de ses prédécesseurs.
On pourrait même pousser les choses plus loin.
Les œuvres
des écrivains ne sont-elles pas, à leur manière, une critique
(dans le sens littéraire) des œuvres contemporaines ou pas
sées? Les textes des autres écrivains exercent une influence
positive mais aussi révulsive.
L'œuvre du créateur, en se
démarquant de la production contemporaine,
d'une certaine
façon, la commente.
Venons-en maintenant
à l'analyse intellectuelle des œuvres
telle
qu'on la pratique dans l'enseignement et dans les jour-.
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