Au secours ! Le « peuple » revient
Publié le 17/01/2022
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les exploiteurs).
La même structure d'exclusion se retrouve chez les populistes américains réformistes du XIXe, chez un Le Penou un Haider.
Mais le rejet peut être encore plus manifeste et s'imprégner de xénophobie ou de racisme : c'est le national contrel'étranger, voire l'habitant du Nord contre les paresseux du Sud (Ligue lombarde).
S'il y a un point commun entre tous lespopulismes, c'est bien le rejet de l'immigré venu pour profiter de l'Etat-providence alors même qu'il n'est pas et ne peut fairepartie du peuple.
Le radicalisme verbal est une autre caractéristique du populisme, au moins tant que celui-ci demeure dans l'opposition.
Lesuccès des populistes tient en partie à cette capacité de dénonciation, d'expression des non-dits, y compris de ceux qui sontindicibles.
Le populisme c'est le « Il n'y a qu'à...
» comme slogan, comme programme, comme porte- drapeau.
Le populisme,c'est le Café du commerce porté à la télévision et d'autant plus adapté au temps que les écrans ont réduit le débat politique à destalk-shows (avec, si possible, comme en Italie, des présentatrices dénudées pour attirer le chaland).
L'hostilité à tout ce qui dans le système démocratique peut faire écran entre le peuple et ceux qui sont censés l'incarner aupouvoir est un autre dénominateur commun.
Les populistes n'aiment ni les banques centrales, ni les juges, ni les autoritésindépendantes, ni l'Europe, ni la globalisation, qui constituent autant d'obstacles à l'expression du « vrai » peuple.
Ils n'aiment pasnon plus les syndicats ou les partis, même s'ils tâchent parfois de les pénétrer ou s'ils cherchent à construire des instrumentsanalogues sous le nom de « ligue », « mouvement », etc.
Bien entendu, c'est le leader qui prétend exprimer et se faire le porte-parole des aspirations populaires rejetées par les élites, l'« establishment ».
Certains y verront des similitudes avec le fascisme,mais il est probablement plus utile de se référer aux tendances à la personnalisation du pouvoir que favorise l'évolution de lapolitique contemporaine et des médias.
Le populisme n'est ni une idéologie, ni un programme ni un parti.
C'est une dégénérescence de nos systèmes démocratiquesdont il est à la fois l'effet et la cause.
Il naît lorsque le décalage entre l'offre politique et la demande populaire devient trop grand,lorsque les élites se révèlent incapables de prendre à bras-le-corps les problèmes qu'exprime la société, lorsque les frustrationsdémocratiques deviennent trop fortes.
La courroie de la représentation politique ne fonctionne plus ou fonctionne mal.
Pour neprendre que l'exemple français, interrogeons-nous : où sont les députés ouvriers ou des classes populaires ? Où sont les députésbeurs, noirs, asiatiques ? Les femmes ? Combien de bataillons ? Les jeunes ? Où sont-ils dans nos institutions ?
Tout cela ne fait pas le populisme, mais les signes de crise sont là.
Ces décalages sont d'autant plus sérieux qu'ils dissimulentdes transformations économiques et sociales en profondeur.
Les 4 % obtenus par le Parti communiste ou le vote ouvrier pour LePen témoignent du séisme social qui s'est produit au-delà de l'écume des élections.
Mais, bien entendu, les populismes exacerbent les difficultés des systèmes démocratiques.
Leurs programmes sontinapplicables, et ils ne peuvent gouverner qu'en oubliant la plupart de leurs promesses.
Certaines de leurs propositions sontnormalement inacceptables et leur enfermement nationaliste et xénophobe absurde.
Toutefois, la question ne peut être traitée ni par le mépris ni par le rejet pur et simple.
En dépit de toutes les erreurs ou horreursque le populisme peut véhiculer, il est d'abord un signe de détresse : détresse des hommes et des femmes sans voix, détresse desinstitutions qui ne sont plus à même de remplir leur mission.
L'Europe, sauf à quelques reprises (Mouvement de l'Uomoqualunque en Italie, Mouvement Poujade en France), a été, contrairement aux Etats-Unis, relativement épargnée par le populismejusqu'à ces dernières années.
Mais parce qu'elle a connu pire : la captation du peuple au profit des idéologies fascistes, nazies oucommunistes.
Le populisme n'est pas mortel pourvu qu'on évite son accouplement monstrueux avec une idéologie d'exclusion etqu'on en tire rapidement les leçons.
Nos systèmes démocratiques sont de plus en plus inadaptés aux défis du mondecontemporain, et il est urgent de les réformer pour éviter de jeter le bébé avec l'eau du bain.
Les démocraties ont la fièvre.
Il esturgent de prendre en compte le malaise.
YVES MENY, PRESIDENT DE L'INSTITUT UNIVERSITAIRE EUROPEEN (FLORENCE) Le Monde du 20 mai 2002
CD-ROM L'Histoire au jour le jour © 2002, coédition Le Monde, Emme et IDM - Tous droits réservés.
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