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Au menu du sommet de Paris : les guerres qui touchent un quart de l'Afrique

Publié le 17/01/2022

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27 novembre 1998 - A BIARRITZ, en novembre 1994, le sommet franco-africain - le dernier présidé par François Mitterrand - avait été placé sous le signe "la sécurité et les interventions militaires". Après le génocide rwandais, le monde venait de découvrir avec stupeur que le pire était toujours possible, et l'idée de favoriser la création d'une force interafricaine de maintien de la paix s'était imposée dans les mois qui avaient suivi le drame. Au cours de ce sommet, une mission de réflexion fut d'ailleurs confiée au président togolais, Gnassingbé Eyadéma, dont les résultats n'ont jamais été rendus publics... Deux ans plus tard, en décembre 1996, à Ouagadougou, la capitale du Burkina-Faso, les travaux du sommet étaient axés sur "la bonne gouvernance et le développement". Mais les participants n'avaient pu ignorer les conflits africains en cours et l'instabilité croissante dans la région des Grands Lacs. La France préconisait depuis plusieurs mois déjà l'organisation d'une conférence régionale pour tenter de trouver une solution durable à la crise qui secoue cette partie du continent. Elle poussait aussi au renforcement des moyens africains - matériels et militaires - pour le maintien de la paix. Ces sujets sont plus que jamais d'actualité. Le XXe sommet franco-africain, qui a débuté jeudi 26 novembre et durera jusqu'à samedi, au Carrousel du Louvre à Paris, est de nouveau organisé autour du thème majeur de la "sécurité". L'Afrique, dans sa majorité et sa grande diversité, a répondu présent à l'invitation française. Quarante-neuf pays sur cinquante-trois sont représentés - dont 34 par leur chef d'Etat et 3 par leur vice-président. L'Algérie, régulièrement invitée, n'a, à son habitude, pas répondu : elle ne participe jamais au sommet. La Libye et le Soudan, soumis à des sanctions votées par le Conseil de sécurité de l'ONU, n'ont pas été conviés. La Somalie, en plein chaos depuis l'éviction de Syaad Barré, le 27 janvier 1991, et toujours en proie à la guerre civile, n'a plus d'Etat. Mobilisation tardive Pour la première fois dans l'histoire des sommets franco- africains - le premier a été organisé en 1973 à Paris -, le secrétaire général des Nations unies, le Ghanéen Kofi Annan, participe en observateur à la rencontre. Y assistent également le secrétaire général de l'Organisation de l'unité africaine (OUA), le Tanzanien Selim Ahmed Selim, et l'Egyptien Boutros Boutros-Ghali, secrétaire général de l'Organisation internationale de la francophonie. Une présence qui traduit à la fois l'intérêt de la communauté internationale pour le continent africain et l'importance prise par ces grand-messes, qui réunissent souvent plus de chefs d'Etat et de gouvernement que les sommets annuels de l'OUA. La "sécurité" est un thème d'autant plus rassembleur qu' "un quart des Etats d'Afrique subsaharienne, comme le rappelle Jacques Chirac dans son allocution d'ouverture, sont impliqués dans des crises qui, dans la plupart des cas, débordent le cadre national". Un grand nombre des participants à ce XXe sommet sont confrontés, à domicile, à des situations conflictuelles qu'ils ne parviennent pas à résoudre. Et il y a les conflits majeurs, comme celui qui secoue la région des Grands Lacs depuis huit ans. Il y a enfin des crises de moindre importance, qui dégénèrent simplement parce que la volonté de les régler n'est pas mobilisée au moment opportun. Ainsi le Sénégal est-il toujours miné par les indépendantistes casamançais, eux-mêmes alliés conjoncturels des mutins de Guinée-Bissau qui veulent renverser le régime du président Joao Bernardo Vieira. Les rebelles sierra-léonais continuent de terroriser et de mutiler les populations civiles depuis l'éviction de leurs alliés putschistes d'un pouvoir qu'ils avaient confisqué à un président démocratiquement élu. Des mouvements de rébellion troublent épisodiquement Djibouti, le Tchad, le Congo-Brazzaville, quand les mouvements touaregs n'ont pas de subite poussée de fièvre au Niger ou au Mali. La guerre a récemment repris en Angola entre l'armée gouvernementale et les troupes de Jonas Savimbi, le chef rebelle de l'Unita (Union nationale pour l'indépendance totale de l'Angola), au regret de l'ONU, qui entretient à grands frais une importante mission sur place depuis le début des années 90. Le gros morceau reste évidemment la guerre en République démocratique du Congo (RDC, ex-Zaïre), qui oppose entre eux d'anciens alliés. L'Ouganda, le Rwanda et - dans une moindre mesure - le Burundi, ceux-là mêmes qui avaient contribué à asseoir Laurent- Désiré Kabila dans le fauteuil présidentiel de feu le maréchal Mobutu, combattent depuis début août aux côtés de rebelles congolais d'origine tutsie décidés à renverser le régime en place. Mais M. Kabila, que tout le monde considérait perdu à la mi-août, a réussi à rallier à sa cause l'Angola, le Zimbabwe et la Namibie, avant de convaincre le Tchad - et peut-être le Soudan - d'entrer dans la danse, sur des financements libyens. Outre Laurent-Désiré Kabila, l'Ougandais Yoweri Museveni, le Rwandais Pasteur Bizimungu et le Burundais Pierre Buyoya sont à Paris. Le Zimbabwéen Robert Mugabe et le Namibien Sam Nujoma sont là aussi. L'Angolais José-Eduardo Dos Santos et le Tchadien Idriss Déby, absents pour raisons de santé, sont représentés, tandis que Libyens et Soudanais ne sont pas invités. Les principaux protagonistes de la crise congolaise vont donc se croiser durant deux jours dans les salles de conférences et les couloirs des grands hôtels, où des représentants du Rassemblement des Congolais pour la démocratie (RCD) - la branche politique de la rébellion - se trouvent aussi, cherchant à se faire entendre. Jacques Chirac rencontrera plusieurs d'entre eux en tête-à-tête, mais rien n'indique que les belligérants soient réellement disposés à se parler. Un vieux projet Paris entend profiter de l'occasion pour remettre sur le tapis son vieux projet de "conférence régionale sur la paix, la sécurité et la stabilité dans la région des Grands Lacs", que M. Chirac voudrait voir organisée "sous l'égide des Nations unies et de l'OUA". L'initiative française n'avait jamais trouvé grâce auprès des Américains, qui avaient d'autres solutions à proposer pour résoudre cette crise, du moins jusqu'en août dernier. Mais, au moins, neuf pays sont directement impliqués en RDC dans des combats qui menacent désormais la stabilité de l'Afrique centrale, sur une ligne de fracture qui va de l'Angola à la mer Rouge. La diplomatie française pourrait être récompensée de sa persévérance en voyant bientôt son projet aboutir. Pour être vieux de quelques années, ce projet de conférence régionale s'intègre néanmoins dans ce qu'il est convenu d'appeler maintenant "la nouvelle politique africaine de la France". La décision a été prise - et elle est consensuelle - de ne plus intervenir militairement et de manière bilatérale en Afrique. Paris abandonne donc sa panoplie de gendarme - ce qui n'est pas si simple quand on est lié par des accords de défense avec autant de pays - et recentre son dispositif politico-militaire sur le renforcement des capacités africaines de maintien de la paix (Recamp). L'ambassadeur Gabriel Regnaud de Bellescize a été nommé, un mois avant le sommet, à la tête du dispositif Recamp, avec une mission "de coordination et de promotion" pour mobiliser d'autres partenaires occidentaux et assurer la liaison avec les organismes africains existants et les organisations internationales. La nouvelle approche française, prônée par le ministre des affaires étrangères, Hubert Védrine, à l'automne 1997 au cours d'un périple africain qui l'a mené au Gabon, en Côte- d'Ivoire, en Ethiopie et en Afrique du Sud, puis par le premier ministre, Lionel Jospin, en décembre de la même année, au Sénégal et au Mali, mesure désormais "l'Afrique dans sa dimension continentale, dans sa globalité" et non plus à la seule aune du pré-carré francophone. Autrement dit : fini le paternalisme d'antan avec les anciennes colonies, vive le partenariat avec tous les pays africains ! Le moral des vieux dinosaures d'Afrique francophone en a pris un coup, quatre ans après la dévaluation du franc CFA. Mais les temps changent et les disparitions de vieux acteurs français du "village africain" les touchent aussi, qui permettent d'approfondir les changements. Jacques Foccart vivant, le ministère de la coopération n'aurait pas été gobé tout rond par le Quai d'Orsay sans que la cohabitation n'en soit affectée. Jacques Chirac a imposé le maintien d'un ministre délégué à la coopération pour que les chefs d'Etat africains aient toujours l'impression d'avoir un interlocuteur à Paris, mais l'application des réformes de la coopération à partir de janvier 1999 est un bouleversement majeur dans les rapports entre la France et l'Afrique. FREDERIC FRITSCHER Le Monde du 28 novembre 1998
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« politique de la rébellion - se trouvent aussi, cherchant à se faire entendre.

Jacques Chirac rencontrera plusieurs d'entre eux entête-à-tête, mais rien n'indique que les belligérants soient réellement disposés à se parler. Un vieux projet Paris entend profiter de l'occasion pour remettre sur le tapis son vieux projet de "conférence régionale sur la paix, la sécurité etla stabilité dans la région des Grands Lacs", que M.

Chirac voudrait voir organisée "sous l'égide des Nations unies et de l'OUA".L'initiative française n'avait jamais trouvé grâce auprès des Américains, qui avaient d'autres solutions à proposer pour résoudrecette crise, du moins jusqu'en août dernier.

Mais, au moins, neuf pays sont directement impliqués en RDC dans des combats quimenacent désormais la stabilité de l'Afrique centrale, sur une ligne de fracture qui va de l'Angola à la mer Rouge.

La diplomatiefrançaise pourrait être récompensée de sa persévérance en voyant bientôt son projet aboutir. Pour être vieux de quelques années, ce projet de conférence régionale s'intègre néanmoins dans ce qu'il est convenu d'appelermaintenant "la nouvelle politique africaine de la France".

La décision a été prise - et elle est consensuelle - de ne plus intervenirmilitairement et de manière bilatérale en Afrique.

Paris abandonne donc sa panoplie de gendarme - ce qui n'est pas si simplequand on est lié par des accords de défense avec autant de pays - et recentre son dispositif politico-militaire sur le renforcementdes capacités africaines de maintien de la paix (Recamp).

L'ambassadeur Gabriel Regnaud de Bellescize a été nommé, un moisavant le sommet, à la tête du dispositif Recamp, avec une mission "de coordination et de promotion" pour mobiliser d'autrespartenaires occidentaux et assurer la liaison avec les organismes africains existants et les organisations internationales. La nouvelle approche française, prônée par le ministre des affaires étrangères, Hubert Védrine, à l'automne 1997 au cours d'unpériple africain qui l'a mené au Gabon, en Côte- d'Ivoire, en Ethiopie et en Afrique du Sud, puis par le premier ministre, LionelJospin, en décembre de la même année, au Sénégal et au Mali, mesure désormais "l'Afrique dans sa dimension continentale, danssa globalité" et non plus à la seule aune du pré-carré francophone.

Autrement dit : fini le paternalisme d'antan avec les anciennescolonies, vive le partenariat avec tous les pays africains ! Le moral des vieux dinosaures d'Afrique francophone en a pris un coup,quatre ans après la dévaluation du franc CFA.

Mais les temps changent et les disparitions de vieux acteurs français du "villageafricain" les touchent aussi, qui permettent d'approfondir les changements. Jacques Foccart vivant, le ministère de la coopération n'aurait pas été gobé tout rond par le Quai d'Orsay sans que lacohabitation n'en soit affectée.

Jacques Chirac a imposé le maintien d'un ministre délégué à la coopération pour que les chefsd'Etat africains aient toujours l'impression d'avoir un interlocuteur à Paris, mais l'application des réformes de la coopération àpartir de janvier 1999 est un bouleversement majeur dans les rapports entre la France et l'Afrique. FREDERIC FRITSCHER Le Monde du 28 novembre 1998 CD-ROM L'Histoire au jour le jour © 2002, coédition Le Monde, Emme et IDM - Tous droits réservés. »

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