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Article de presse: Waldeck Rochet, l'artisan de l'union de la gauche

Publié le 22/02/2012

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13-17 décembre 1972 - Dans les premières années de la Ve République, le PCF, seul parti à avoir préconisé le " non " lors du référendum de septembre 1958 sur la nouvelle Constitution, se trouve dans une situation ambiguë. Affaibli par la perte d'un électeur sur cinq en 1958, il n'en est pas moins la principale force d'opposition au régime. Après la défaite du " cartel des non " au référendum d'octobre 1962 sur l'élection du président de la République au suffrage universel, Guy Mollet, secrétaire général de la SFIO, se prononce pour le désistement mutuel, au second tour des élections législatives, avec le Parti communiste. Celui-ci accepte non seulement de se retirer au profit de candidats socialistes, mais aussi de soutenir des candidats radicaux, PSU, voire MRP ou même de droite, dès lors qu'ils s'étaient prononcés pour le " non " au référendum. Cette attitude place la SFIO devant un choix entre l'alliance avec le centre ou avec le PCF, dans la perspective de l'élection présidentielle de 1965. Les communistes n'ont, eux, d'alternative qu'entre l'isolement et un accord avec la SFIO. Ils adoptent pour principe à l'égard de cette dernière : " Marchons côte à côte et frappons ensemble. " Ils engagent, en même temps, des pourparlers officieux avec la direction socialiste. Celle-ci leur oppose la nécessité d'un " dialogue idéologique " préalable à toute entente politique. Le choix de M. Mitterrand La ligne suivie par le PCF, sous la direction de Maurice Thorez, est déterminée par l'échéance présidentielle. Le secrétaire général a perçu que cette élection peut permettre à son parti de s'affirmer comme la force organisatrice d'un rassemblement de gauche contre le pouvoir gaulliste. Secrétaire général adjoint depuis 1961, Waldeck Rochet joue un rôle de premier plan dès le début de la mise en oeuvre de cette politique. Elu secrétaire général en mai 1964, il lui revient de mener la bataille qui conduit à la désignation d'un " candidat unique " de la gauche à l'élection présidentielle de 1965, François Mitterrand. Le choix de M. Mitterrand s'explique, pour les communistes, par les éléments suivants : ils ne veulent ni d'une personnalité de premier plan, telle qu'un ancien président du conseil-Pierre Mendès France, par exemple-ni d'un homme pouvant s'appuyer sur un parti, ce qui écartait tout dirigeant de la SFIO, mais aussi Maurice Faure, président du Parti radical. C'est au cours de discussions avec Guy Mollet, auxquelles participa parfois Georges Marchais, que Waldeck Rochet imposa la désignation de M. Mitterrand. Dans le même temps, Waldeck Rochet s'est employé à harmoniser les différents aspects de la politique de son parti avec sa démarche unitaire. Sur la question de l'alliance atlantique, sur celle de l'Europe, le secrétaire général a accompli les évolutions nécessaires à la recherche d'une plate-forme d'accord avec la gauche non communiste. En 1966, la réunion du comité central à Argenteuil, consacrée à l'art et à la science, rompt avec la théorie selon laquelle le rôle dirigeant du parti s'applique aussi dans ces domaines. Les conditions du développement de l'influence du PCF parmi les intellectuels, que l'on observera par la suite, sont ainsi crées. 1968 est une " année terrible " pour les communistes et pour Waldeck Rochet, qui doit faire face, en premier lieu, à un mouvement social risquant de remettre en cause sa stratégie d'accession au pouvoir. Il choisit d'abord de dénoncer ce mouvement, puis d'appuyer sa composante ouvrière revendicative. L'entrée des troupes soviétiques à Prague, en août, place le PCF devant un nouveau choix difficile, entre le risque de voir son engagement démocratique apparaître comme un faux-semblant, s'il approuve la décision soviétique, et le risque de provoquer un clivage en son sein, s'il la condamne. Waldeck Rochet choisit la " réprobation ", puis la " désapprobation ", ce qui entraînera la démission du bureau politique de Jeannette Vermeersch, veuve de Thorez. Pourtant, l'acte peut-être le plus décisif d'un point de vue interne au PCF de la politique " waldeckienne ", fut l'adoption par le comité central, en septembre 1968, à Champigny-sur-Marne, d'un " manifeste " pour une " démocratie avancée ". C'est la mise en forme de la démarche du parti, qui vise à permettre l'adhésion d'une majorité de Français à un programme de progrès social et démocratique. La " démocratie avancée " n'est pas le socialisme, même si elle doit, selon les communistes, lui ouvrir la voie. Cette stratégie s'imposera, à travers l'élection présidentielle de 1969, le congrès du nouveau Parti socialiste à Epinay-sur-Seine en 1971, la signature du programme commun de la gauche en 1972 et l'élection présidentielle de 1974, jusqu'à sa remise en cause après la rupture PS-PCF de 1977. PATRICK JARREAU Le Monde du 17 février 1983

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