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Article de presse: Vietnam, d'une guerre à l'autre

Publié le 17/01/2022

Extrait du document

16 décembre 1961 - Les accords de Genève, qui les ont obligés à faire la part du feu, ne font que renforcer la volonté d'Eisenhower et de Dulles de contenir le communisme en Asie : puisque le Nord est " perdu ", du moins faut-il " sauver " le Sud, même au mépris de l'unité nationale et culturelle du Vietnam. La seconde guerre d'Indochine, dont les origines remontent-en plein milieu de la première-aux engagements américains aux côtés des Français, commence véritablement en 1954-1955, avec la décision de Washington de soutenir la dictature diémiste et celle de Paris de passer la main aux Américains à Saigon. Les lendemains de Genève Entre 1954 et 1956, le Sud est " calme ", en ce sens que l'armée et la police du pouvoir sont seules à agir : la très grande majorité des cadres militaires et politiques du Vietminh sont partis vers le Nord ceux qui sont demeurés sur place attendent, non sans quelque scepticisme, les élections prévues par les accords de Genève, pour l'été 1956 au plus tard, pour réunifier le pays. Mais Diem laisse passer le rendez-vous de 1956 sans réagir aux démarches de Hanoï le pressant de tenir les élections. Les Etats-Unis visiblement n'en veulent pas. L'URSS manifeste peu d'empressement. Elle paraît plus ou moins prendre son parti de la division du pays puisqu'elle propose l'admission aux Nations unies des deux Vietnams (qui ont été l'un et l'autre invités l'année précédente à Bandoung) en même temps que les deux Allemagnes et les deux Corées. A Hanoï même, les dirigeants, qui ont rencontré de sérieuses résistances dans leur politique agraire, paraissent surtout préoccupés par la reconstruction du pays et la mise en place des structures socialistes. Ce sont Diem et ses conseillers américains qui vont, par leur politique, relancer la guerre à ce sujet, au moins, les documents du Pentagone et ceux publiés par les communistes paraissent en parfait accord. La violence avec laquelle Saigon se lance, contrairement aux dispositions des accords de Genève, dans la lutte dite anticommuniste amène de nombreux éléments de la population à résister, à recourir localement à la violence sans attendre l'ordre de Hanoï ou d'un pouvoir révolutionnaire unifié sur place. Dès l'été 1955, entre cinquante mille et cent mille personnes ont été incarcérées dans des camps, écrit un document du Pentagone le FNL affirmera, pour sa part que, de 1954 à la fin de 1960, Diem a fait emprisonner plus de cent vingt mille personnes et tuer plus de soixante-dix-sept mille autres. Cette armée, cette police, sont financées, entraînées, par des Américains (le Training Reorganization Inspection Mission est installé en mars 1955 à Saigon). Le combat qui commence prend en conséquence dès le départ un caractère double : il est nationaliste, contre l'étranger qui a succédé au colonisateur français, et révolutionnaire contre la dictature locale, ce mandarinat catholique parfaitement obscurantiste qui rétablit les propriétaires fonciers dans leurs " droits " au lieu de procéder à la réforme agraire. Cette seconde guerre débute ainsi de façon très floue, un peu au hasard des opérations de police de Diem et des exactions locales : un jour, un tyranneau de hameau est assassiné, un autre jour, une arme est saisie. Nous sommes en 1956-1957 : nul doute qu'au Nord on se préoccupe de cette situation, et que cela ennuie. Car le mot d'ordre communiste est alors : lutte politique d'abord, et uniquement! Cependant, les écrits diffusés depuis lors par Hanoï et le FNL ont longuement décrit les manifestations populaires dans les villes et dans les villages : grèves, défilés, protestations contre l'action de la police et contre les ratissages, qui de plus en plus ne vont plus toucher les seuls éléments communistes clandestins, mais toute la population. Pour les historiens révolutionnaires, c'est " vers la fin de 1958 " que des villages s'organisent pour la lutte : dans la plaine des Joncs, sur les hauts plateaux et dans les montagnes du Quang-Ngai. En janvier 1959 jaillissent les " premières étincelles " lorsque des membres d'une minorité ethnique du Quang-Ngai défont de petites garnisons locales. Quant au " signal de l'insurrection populaire ", il est donné le 17 janvier 1960 il sera présenté en exemple à tout le Sud; ce jour-là, dans la province deltaïque de Ben-Tré, la première bataille d'envergure a lieu, sous la direction de Mme Nguyen Thi Dinh, futur commandant en chef adjoint des Forces armées populaires de libération (FAPL). Nouveau bond en avant : la " première victoire importante " est remportée en février 1960 à Tua-Hai dans le Tay-Ninh : avec les armes saisies sera équipé le premier bataillon régulier des FAPL cette bataille marque le début de la guerre, onze mois avant la fondation du FNL (décembre 1960), un an avant la création officielle de l'armée de libération (15 février 1961). Vers la guerre Un intellectuel nord-vietnamien, Nguyen Khac Vien, a écrit : " Dès 1959, il est devenu évident (pour nos paysans) que recourir à la seule lutte politique contre un ennemi qui n'hésite pas à employer tous les moyens, c'est risquer d'aller au-devant de massacres en série. A la lutte politique, il faut combiner une lutte armée d'autodéfense. " Progressivement se mettent ainsi en place d'abord les groupes locaux de résistance-et c'est la période que l'on pourrait appeler spontanéiste,-puis les forces locales, mieux organisées, ensuite les forces régionales et enfin les forces régulières. Un document du Pentagone affirme au sujet de la période 1956-1959 : " La plupart de ceux qui prirent les armes étaient des Sud-Vietnamiens et la cause qu'ils défendaient n'était en aucune façon suscitée par les manoeuvres du Vietnam du Nord. " Et il est vrai que Hanoï n'est pour rien dans l'arrestation par Diem, en mars 1955, des membres dirigeants du Mouvement pour la défense de la paix de Saigon-Cholon, parmi lesquels un très bourgeois avocat, futur président du FNL, Me Nguyen Huu Tho. Citons aussi, parmi les mesures qui ont poussé des milliers de paysans dans la clandestinité, la stratégie des " hameaux de la nouvelle vie ", puis des " hameaux stratégiques ", dans lesquels des millions de ruraux furent enfermés par Diem; ce fut " un échec lamentable ", diront les experts du Pentagone. Il en va de même de la fameuse loi répressive du 6 mai 1959, qui permit aux tribunaux militaires de condamner à mort et de faire exécuter immédiatement toute personne " portant atteinte à la sécurité nationale ". Mais Diem n'est pas seul à concevoir une telle politique qui, autant que la sienne, porte la marque du général Taylor, président du comité des chefs d'état-major à l'époque de Kennedy, du professeur américain Staley, des ambassadeurs des Etats-Unis et, au-dessus d'eux, du Pentagone et de la Maison Blanche. C'est en juillet 1959 qu'explose, à la base dite mixte de Bien-Hoa, la bombe qui fait les premières victimes américaines-autre date qu'il faut retenir comme symbole dans cette guerre qui n'a jamais été déclarée. En 1960, Kennedy a succédé à Eisenhower. C'est sous son " règne " que sont grandement accélérés les préparatifs de l'intervention massive des Etats-Unis en Indochine. Lorsque Kennedy arrive au pouvoir, il y a officiellement au Sud six cent quatre-vingt cinq militaires américains le 11mai 1961, le président décide secrètement de leur adjoindre quatre cents conseillers et quatre cents membres des " forces spéciales ". Fin 1961, Taylor remet un rapport préconisant une forte augmentation du nombre des Américains dans les rouages administratifs du Sud déjà Kennedy a ordonné la relance des opérations clandestines contre la RDV (de nombreuses équipes seront capturées) et contre le Laos Taylor a aussi conseillé, au cas où la situation s'aggraverait, de bombarder le Vietnam du Nord : son idée ne sera pas oubliée... L'aide américaine Dès la fin de 1961 en tout cas, l'aviation américaine commence à défolier le Sud. Quatorze GI's sont officiellement morts cette année-là ils seront cent neuf en 1962. Au début de 1962 est installé à Saigon le commandement de l'assistance militaire américaine au Vietnam (MACV), dirigée par le général Harkins. Ce que le FNL appelle la " guerre spéciale " va alors entrer dans une nouvelle phase et franchir un véritable saut qualitatif. A cette époque, le FNL établit une coordination des champs de bataille et des diverses activités politiques. Ce sont encore ses hommes à lui qui, presque exclusivement, mènent le combat, mélange des pièges et des mille astuces de la guérilla traditionnelle des Vietnamiens et aussi des techniques modernes en partie apprises grâce à la capture des armes américaines. Mais on n'en est plus aux balbutiements de 1956 qui surprirent Hanoï. Maintenant les Nord-Vietnamiens jouent un rôle d'assistance matérielle certain, encore que " minoritaire ", mais surtout ils ont effectué un choix politique fondamental : selon les documents du Pentagone qui citent des écrits saisis, il aurait eu lieu en mai 1960, lors d'une réunion des plus hautes instances de la direction nordiste. C'est aussi l'époque à laquelle Le Duan, un homme du Sud, parvient au poste de premier secrétaire du Parti des travailleurs de la RDV, le 5 octobre 1960. Ho Chi Minh, parlant au troisième congrès du parti, qualifie le Sud de " rempart d'airain de la patrie ". Il faut, ajoute-t-il, " réaliser à tout prix notre devise : réunifier le pays, Nord et Sud, sous un même toit ". Giap et ses adjoints vont reprendre du service. JACQUES DECORNOY Le Monde du 25 janvier 1973

« 1956-1959 : " La plupart de ceux qui prirent les armes étaient des Sud-Vietnamiens et la cause qu'ils défendaient n'était enaucune façon suscitée par les manoeuvres du Vietnam du Nord.

" Et il est vrai que Hanoï n'est pour rien dans l'arrestation parDiem, en mars 1955, des membres dirigeants du Mouvement pour la défense de la paix de Saigon-Cholon, parmi lesquels un trèsbourgeois avocat, futur président du FNL, Me Nguyen Huu Tho. Citons aussi, parmi les mesures qui ont poussé des milliers de paysans dans la clandestinité, la stratégie des " hameaux de lanouvelle vie ", puis des " hameaux stratégiques ", dans lesquels des millions de ruraux furent enfermés par Diem; ce fut " un écheclamentable ", diront les experts du Pentagone.

Il en va de même de la fameuse loi répressive du 6 mai 1959, qui permit auxtribunaux militaires de condamner à mort et de faire exécuter immédiatement toute personne " portant atteinte à la sécuriténationale ".

Mais Diem n'est pas seul à concevoir une telle politique qui, autant que la sienne, porte la marque du général Taylor,président du comité des chefs d'état-major à l'époque de Kennedy, du professeur américain Staley, des ambassadeurs des Etats-Unis et, au-dessus d'eux, du Pentagone et de la Maison Blanche. C'est en juillet 1959 qu'explose, à la base dite mixte de Bien-Hoa, la bombe qui fait les premières victimes américaines-autredate qu'il faut retenir comme symbole dans cette guerre qui n'a jamais été déclarée.

En 1960, Kennedy a succédé à Eisenhower.C'est sous son " règne " que sont grandement accélérés les préparatifs de l'intervention massive des Etats-Unis en Indochine.Lorsque Kennedy arrive au pouvoir, il y a officiellement au Sud six cent quatre-vingt cinq militaires américains le 11mai 1961, leprésident décide secrètement de leur adjoindre quatre cents conseillers et quatre cents membres des " forces spéciales ".

Fin1961, Taylor remet un rapport préconisant une forte augmentation du nombre des Américains dans les rouages administratifs duSud déjà Kennedy a ordonné la relance des opérations clandestines contre la RDV (de nombreuses équipes seront capturées) etcontre le Laos Taylor a aussi conseillé, au cas où la situation s'aggraverait, de bombarder le Vietnam du Nord : son idée ne serapas oubliée... L'aide américaine Dès la fin de 1961 en tout cas, l'aviation américaine commence à défolier le Sud.

Quatorze GI's sont officiellement morts cetteannée-là ils seront cent neuf en 1962. Au début de 1962 est installé à Saigon le commandement de l'assistance militaire américaine au Vietnam (MACV), dirigée parle général Harkins.

Ce que le FNL appelle la " guerre spéciale " va alors entrer dans une nouvelle phase et franchir un véritablesaut qualitatif. A cette époque, le FNL établit une coordination des champs de bataille et des diverses activités politiques.

Ce sont encore seshommes à lui qui, presque exclusivement, mènent le combat, mélange des pièges et des mille astuces de la guérilla traditionnelledes Vietnamiens et aussi des techniques modernes en partie apprises grâce à la capture des armes américaines.

Mais on n'en estplus aux balbutiements de 1956 qui surprirent Hanoï.

Maintenant les Nord-Vietnamiens jouent un rôle d'assistance matériellecertain, encore que " minoritaire ", mais surtout ils ont effectué un choix politique fondamental : selon les documents du Pentagonequi citent des écrits saisis, il aurait eu lieu en mai 1960, lors d'une réunion des plus hautes instances de la direction nordiste.

C'estaussi l'époque à laquelle Le Duan, un homme du Sud, parvient au poste de premier secrétaire du Parti des travailleurs de la RDV,le 5 octobre 1960.

Ho Chi Minh, parlant au troisième congrès du parti, qualifie le Sud de " rempart d'airain de la patrie ".

Il faut,ajoute-t-il, " réaliser à tout prix notre devise : réunifier le pays, Nord et Sud, sous un même toit ". Giap et ses adjoints vont reprendre du service. JACQUES DECORNOY Le Monde du 25 janvier 1973. »

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