Article de presse: Vers la baisse des rejets de gaz à effet de serre
Publié le 22/02/2012
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11 décembre 1997 - Il aura fallu dix jours d'âpres négociations, dont quarante-huit heures non-stop, pour que les 159 pays réunis à Kyoto dans le cadre de la conférence climatique adoptent, le 11 décembre, un protocole international de lutte contre l'effet de serre afin de maîtriser le phénomène de réchauffement de la planète. En s'engageant à réduire sensiblement les émissions de gaz à effet de serre, la communauté internationale a, pour la première fois, introduit un processus de diminution de la consommation d'énergie à l'échelle de la planète.
Les quotas de réduction sont répartis entre 38 pays industrialisés et devraient aboutir, s'ils sont respectés, entre 2008 et 2012, à une baisse globale de 5,2 % des émissions de gaz dans les pays industrialisés. Les trois principales puissances économiques se sont engagées à réduire leurs rejets de six gaz à effet de serre, contre trois prévus précédemment, de 8 % pour l'Union européenne, de 7 % pour les Etats-Unis et 6 % pour le Japon. La plupart des pays d'Europe centrale ont suivi le quota européen le plus élevé alors que la Russie et l'Ukraine ont obtenu un inespéré " objectif zéro " . Le Canada est à 6 %, comme le Japon. L'Australie a réussi à convaincre les délégués de sa dépendance vis-à-vis du charbon en arrachant un objectif de + 8 %, qui la situe dans la position du plus " mauvais élève " .
Par ailleurs, les deux autres grands objectifs de la négociation sont, pour l'essentiel, repoussés à plus tard. La définition des conditions d'introduction des instruments de marché comme les " permis négociables " est renvoyée à une nouvelle conférence climatique qui se tiendra en novembre 1998 à Buenos Aires. Quant à la participation des pays du Sud, sur une base volontaire ou contraignante, elle n'est plus évoquée dans le texte.
Ces deux points constituaient pourtant deux éléments clés pour les Etats-Unis, qui, par ailleurs, ne souhaitaient pas se voir imposer des objectifs de réduction trop importants. Par la voix de Bill Clinton, relayé à Kyoto par le vice-président Al Gore, ils avaient annoncé qu'ils ne procéderaient qu'à une stabilisation de leurs émissions de gaz. En acceptant finalement de s'engager à une baisse de 7 %, ils ont fait une concession majeure, tant sur le chiffrage que sur le principe.
Fermeté unitaire
L'Union européenne, qui proposait de réduire ses émissions de 15 %, n'a pas cessé de mettre la pression sur les Américains pour que ceux-ci, en tant que plus gros pollueurs, acceptent de réduire " significativement " leurs émissions. La fermeté unitaire des Quinze s'est avérée payante. Afin, sans doute, de ne pas se déconsidérer aux yeux de l'opinion, Washington a fini par céder. Le résultat est assez spectaculaire: les Etats-Unis acceptent sept points de contrainte supplémentaire, l'Union européenne, elle, se retrouve avec sept points de moins par rapport à ce qu'elle proposait. Les délégations européennes ne cachaient pas leur satisfaction, jeudi, d'avoir " fait bouger le mammouth " et d'avoir découvert la force politique que l'Union représente désormais sur la scène internationale, lorsqu'elle parle d'une seule voix.
En cédant sur les quotas de réduction, les Américains espéraient se concilier les Européens sur un autre volet de la négociation et qui intéressait particulièrement leurs industriels : celui de l'introduction de mécanismes de marché les " permis négociables " et " applications conjointes " qui consistent à pouvoir acheter des droits d'émission supplémentaires auprès de ceux qui en revendent ou contre des investissements technologiques. Dans leur esprit, ces instruments devaient permettre d'introduire la flexibilité et l'efficacité du marché tout en offrant un nouveau champ d'affaires à leurs entrepreneurs. Soumis à leur tour à la pression de Washington et de leurs propres industriels, les Européens s'efforçaient de " contenir " l'exigence américaine en l'encadrant de règles et de conditions précises telles que la création d'un organe de contrôle et de sanction de ce marché.
Le renfort inattendu des pays en voie de développement, regroupés dans le groupe dit des 77, a permis à l'Europe d'emporter à nouveau la donne. Si le protocole fait bien référence au marché et aux " permis négociables " , s'il en admet le principe, il ne donne pas pour autant le feu vert à son développement. Les " applications conjointes " avec les pays du Sud ont disparu au profit d'un " mécanisme de développement propre " qui leur ressemble mais dont le fonctionnement reste à définir. L'idée de l'introduction du marché est passée, y compris dans les rangs européens, mais elle n'a pas été retenue comme une orientation fondamentale de la lutte contre l'effet de serre, comme le souhaitaient les Américains. Du moins pour l'instant puisque, sur ce point, la discussion est renvoyée à un an.
Offensive en règle
Dans la nuit de mercredi à jeudi, les Etats-Unis se sont retrouvés confrontés à une offensive en règle, conduite par la Chine et l'Inde qui ont menacé de claquer la porte si cette orientation était adoptée sans garantie. Sous les yeux ravis des Européens, les pays en voie de développement ont estimé que des mécanismes de marché fonctionnant sans règles contraignantes conduiraient à des " échappatoires " par rapport aux objectifs de réduction des pays industrialisés.
Sans doute les pays du Sud étaient-ils énervés par l'insistance que Washington mettait depuis plusieurs mois à vouloir les inclure dès cette conférence dans les processus de réduction alors que la précédente conférence de Berlin les en avait, pour l'instant, exemptés afin de ne pas pénaliser leur décollage économique. Leur fermeté, ajoutée à celle des Européens, a en tout cas conduit à ce que les Etats-Unis acceptent d'en revenir strictement au " mandat de Berlin " et donc de ne plus exiger, sous une forme ou sous une autre, la participation des grands pays du Sud. Le protocole de Kyoto semble avoir donné naissance à un double mouvement : une avancée dans la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre et un recul de l'influence américaine sur ce dossier.
JEAN-PAUL BESSET
Le Monde du 12 décembre 1997
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