Article de presse: Un vaste plan d'assainissement
Publié le 22/02/2012
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27 décembre 1958 - Quelques jours avant l'ouverture officielle du premier septennat de la Ve République, la France savait quel serait le nouveau décor économique et financier du régime. Le 27 décembre 1958, le conseil des ministres adoptait, en effet, un vaste plan d'assainissement qui rompait avec un passé de facilités. C'est le souci de redonner à notre pays sa place à la table des puissances européennes qui inspira en premier lieu cette profonde réforme d'ensemble.
Depuis des années, les représentants de la France à l'OECE (Organisation européenne de coopération économique) développaient avec une gêne croissante les raisons que leur pays avait de ne pas suivre le train des libérations d'importations des voisins.
Le 1er janvier 1959, les premières mesures de désarmement douanier et d'élargissement des contingents prévues par le traité de Rome entraient en vigueur, et le seul pays des Six qui aurait dû, dès l'ouverture, faire jouer des " clauses de sauvegarde " eût été la France si une opération chirurgicale n'avait pas été prévue.
Enfin, la Grande-Bretagne préparait pour la fin de cette fameuse année 1958 la convertibilité de sa monnaie, et les pays à monnaie forte s'apprêtaient à suivre l'exemple. Le franc eût été, une fois de plus, " à la traîne ".
Cette vision était intolérable pour le général de Gaulle et, d'accord avec Antoine Pinay, un groupe d'experts présidé par Jacques Rueff s'était mis à l'oeuvre, le 30 septembre 1958, pour préparer le " nouveau cours " de l'économie française.
Adopté, après un certain nombre de retouches, à quelques jours des échéances dangereuses, le plan Pinay-Rueff frappa le monde entier par son audace. Il prévoyait notamment : 1-une dévaluation du franc de 17,55 %, le nouveau taux de change (1 ancien franc = 1,8 milligramme d'or 1 dollar = 493,70 F) ménageant une marge de sécurité suffisante pour absorber les conséquences de l'assainissement sur les prix intérieurs 2-la création d'un franc " lourd " (100 F = 1 NF) destiné à faire son apparition sur le marché intérieur le 1er janvier 1960 3-la convertibilité du franc pour les non-résidents, l'apport des capitaux étrangers pouvant ainsi faciliter l'équilibre des paiements extérieurs 4-la libération des échanges avec les pays de l'OECE à un taux jamais atteint auparavant (90 %) 5-l'abaissement des droits de douane de 10 % vis-à-vis de nos partenaires du Marché commun, comme il était prévu par le traité de Rome.
D'un seul coup, la France accomplissait les gestes d'une nation financièrement indépendante, alors que, à l'arrivée du général de Gaulle au pouvoir, les réserves en or et en devises étaient pratiquement nulles (19 millions de dollars au Fonds de stabilisation des changes au 30 mai 1958).
C'est le baromètre des finances extérieures qui devait dire si la France allait ou non gagner son pari. Le commerce avec l'étranger s'améliora plus vite qu'on ne l'avait espéré, la dévaluation du franc, ainsi que la reprise générale de l'expansion dans les pays industriels, donnant un véritable coup de fouet à nos exportations tout en freinant les importations. Dès le mois de mai 1959, c'est-à-dire quatre mois après le lancement du plan Pinay-Rueff, nos importations étaient couvertes, et au-delà, par nos exportations.
Quant à la balance des paiements, qui avait été en déficit (pour la zone franc) de 275 millions de dollars, elle était déjà en excédent de quelque 600 millions de dollars pour le premier semestre 1959. Dès la fin de 1960, nos réserves d'or et de devises convertibles atteignaient 2 068 millions de dollars. Elles eussent été encore beaucoup plus fortes si le gouvernement n'avait allégé le poids des dettes extérieures de 539 millions de dollars. Notre dette à court terme avait pratiquement disparu fin 1960, et en août 1961 s'éteignait notre dette à moyen terme vis-à-vis des pays de l'ancienne Union européenne des paiements. Le stock de devises, l'orthodoxie de sa gestion, ont permis à la France d'aller plus loin, de " donner des leçons " à l'ancien bienfaiteur : les Etats-Unis d'Amérique. C'est Wilfrid Baumgartner qui commença, à Vienne, en 1961, lors de la réunion annuelle des gouverneurs du Fonds monétaire. Il s'agissait de procurer des ressources nouvelles à l'organisme issu des accords de Bretton-Woods. Un accord fut conclu entre dix pays industriels, aux termes duquel ils se déclaraient disposés à fournir des crédits dans leur propre monnaie, à concurrence d'un total de 6 milliards de dollars. La France insista beaucoup à cette époque sur les conditions d'octroi de ces fonds, sur les garanties à fournir, et finalement il fut admis que le FMI ne pourrait accorder une aide que si les prêteurs éventuels avaient, après s'être consultés, pris à l'unanimité ou à une large majorité une décision favorable.
Il ne suffit pas de protéger le pays contre les attaques " frontales " de l'extérieur auxquelles s'expose toute nation qui gère de manière trop lâche ses affaires et accepte avec un excès d'aisance la " souveraineté " du dollar, il faut aussi détecter et réduire les infiltrations de capitaux étrangers, estiment les responsables du régime.
En fait, ils n'ont pas découvert le danger tout de suite. Au début du septennat, la France pratique une politique active d'accueil aux investisseurs étrangers pour des raisons de balance des comptes : en 1959, stimulés par la grande réforme Pinay-Rueff et l'ouverture du Marché commun, les businessmen américains s'intéressent de près à la France. Quelque 1 213 millions de francs d'investissements directs étrangers sont ainsi enregistrés cette année-là. Le rythme de croisière s'établit à 700 ou 800 millions de francs par an les années suivantes.
Le Monde du 23 novembre 1965
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