Article de presse: Un président de la République élu par tous
Publié le 22/02/2012
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28 octobre 1962 - L'idée de faire désigner le président de la République par le peuple tout entier n'est pas née du jour au lendemain. Le général de Gaulle y pensait depuis longtemps, et c'est, sans doute, par souci de ne pas trop inquiéter davantage, avec la menace du plébiscite, les républicains qui acceptaient bon gré, mal gré, son retour au pouvoir en 1958, qu'il ne l'a pas proposée aussitôt. Ainsi qu'il s'en est expliqué dans ses Mémoires d'espoir, il n'en avait pas besoin tout de suite pour lui-même. Il y avait une autre raison pour ajourner un semblable projet : à l'époque, les citoyens français dans les colonies qui s'orientaient vers l'indépendance étaient plus nombreux que ceux de la métropole.
Quatre ans plus tard, le général juge opportun de réaliser une réforme qui lui paraît indispensable pour asseoir l'institution présidentielle et pour se protéger d'une remise en selle des partis politiques une fois la question algérienne réglée. Il lance un premier ballon d'essai le 11 avril 1962, au cours d'une conférence de presse, y revient dans une allocution radiotélévisée le 8 juin 1962, et précise son projet à la faveur de plusieurs conseils des ministres, au cours de l'été, jusqu'à son annonce officielle au pays le 20 septembre et dans un message au Parlement le 2 octobre.
Comme il ne se fait aucune illusion sur ce que sera l'accueil des parlementaires, le général de Gaulle choisit de procéder à la révision constitutionnelle non par la procédure prévue à cet effet (article 89 de la Constitution), mais par la voie plus directe d'un référendum. Il se réfère à l'article 11 de la Constitution suivant lequel tout projet de loi portant sur l'organisation des pouvoirs publics peut être soumis par le président de la République, sur proposition du gouvernement, à une consultation référendaire.
Dès lors s'ouvre une controverse constitutionnelle qui concerne à la fois le principe de l'élection au suffrage universel et la procédure de révision. Un ministre, Pierre Sudreau, marque son opposition à cette dernière en se démettant de ses fonctions. Le président du Sénat, Gaston Monnerville, accuse le premier ministre Georges Pompidou de " forfaiture " pour s'être prêté à une telle opération. Un ancien président de la République, Vincent Auriol, désavoue publiquement l'initiative. La classe politique s'enflamme et l'opposition, qui va de la droite modérée aux socialistes, en excluant les gaullistes et les communistes, s'organise sous la forme d'un " cartel des non ". Il s'agit de dire non au recours direct au référendum, car sur le fond les avis sont partagés entre ceux qui acceptent l'élection au suffrage universel et l'évolution vers le présidentialisme, et ceux qui veulent maintenir la démocratie parlementaire. L'opposition se manifeste à l'Assemblée nationale sous la forme d'une motion de censure qui vise le gouvernement, faute de pouvoir mettre en cause le président de la République. Elle obtient, avec deux cent quatre-vingts voix, la majorité requise, le 5 octobre 1962.
L'instauration de l'élection au suffrage universel du président de la République donne lieu à une double épreuve de force: celle du référendum du 28 octobre et celle des élections législatives des 18 et 25 novembre provoquées par la dissolution de l'Assemblée nationale. La première est gagnée sans difficulté par le général de Gaulle : la réforme est votée par 62,25 % des suffrages exprimés contre 37,75 % en faveur du non : la seconde fait revenir à l'Assemblée nationale une majorité encore plus gaulliste, et la plupart des personnalités qui animaient le " cartel des non " sont battues. Les Français ont approuvé deux fois l'évolution présidentialiste du régime.
Nul ne doute, en effet, qu'à partir d'une Constitution qui privilégiait déjà le rôle de l'exécutif sans rompre vraiment avec le régime parlementaire, l'adjonction décisive de 1962 a contribué à faire pencher la balance vers le présidentialisme.
ANDRE LAURENS
Le Monde du 29-30 mars 1981
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