ARTICLE DE PRESSE: Un dimanche à Pearl Harbor
Publié le 17/01/2022
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7 décembre 1941 - " Le secret de notre réussite, je vais vous le dire : cela s'est passé un dimanche! " Cette explication était donnée à la presse étrangère à Tokyo le lendemain de Pearl-Harbor par le porte-parole de la marine japonaise. J'étais là, et ces déclarations sont restées dans ma mémoire. Des mois d'observations avaient établi, disait-il, que Pearl-Harbor était fortement gardée pendant six jours, et mal gardée le septième : marins et militaires américains allaient en permission.
Les Japonais ont même affirmé depuis que si leurs avions d'attaque sont arrivés en vue de Hawaii le 7 décembre, quelques minutes après 7 heures du matin, c'était parce que les espions leur avaient communiqué que le dimanche matin l'équipe de surveillance au radar de la baie de Pearl-Harbor terminait le service de nuit à 7 heures du matin et n'était pas remplacée.
En fait, ce dimanche matin du 7 décembre, les deux préposés au radar d'Opana, le sergent Joe Lockard et son camarade George Elliot, firent un peu de zèle. Ils étaient en stage d'apprentissage, le métier les intéressait, et à 7 h 2 ils étaient encore devant l'écran. A ce moment apparut dans le champ du radar la tache d'un avion venant du nord, à environ 120 kilomètres de l'île d'Oahu, et volant en direction de cette dernière. Quelques instants plus tard, ce n'était plus un point seulement, mais tout un essaim de points qui apparaissait sur l'écran, où il se déplaçait lentement, à une distance qui diminuait peut à peu, entre 200 et 100 kilomètres de la base navale américaine.
Ces avions n'auraient pas dû être là. Du moins, l'équipe du radar n'avait été informée d'aucun vol qui correspondît à l'emplacement ni à la direction de ces inconnus. Que faire ?
Alerter les services supérieures ? Un dimanche matin, c'était risquer de se faire assez mal recevoir. Les deux équipiers, qui après tout n'étaient plus, comme on dit, " de service ", hésitèrent à le faire. Et pendant plus d'un quart d'heure ils observèrent la progression des petites taches claires qui lentement et bien droit avançaient toujours vers le sud.
N'y tenant plus, le sergent Lockard fini par appeler au téléphone le centre d'alerte antiaérienne de Pearl-Harbor. Un officier de service, qui s'y trouvait seul, faisant la permanence, lui conseilla de ne pas s'inquiéter. On attendait dans l'île une escadrille de B-17 en renfort, dit-il : c'était peut-être cela. On encore une escadrille venant des porte-avions de la flotte de Pearl-Harbor, actuellement en croisière d'entraînement. Ou tout simplement des bombardiers du terrain de Hickham, l'aérodrome d'à côté.
Deux mille cinq cents morts
Le sergent Lockard eut des doutes. Car enfin, les B-17, si c'étaient eux, auraient dû arriver de l'est les bombardiers de Hickham Field auraient dû signaler leur vol et les porte-avions se trouvaient, aux dernières nouvelles, bien trop au sud dans le Pacifique pour que leurs escadrilles apparaissent dans les radars de Pearl-Harbor. Mais le zèle du sergent Lockard ne pouvait tout de même aller jusqu'à tenir tête à un supérieur, officier de métier. Il n'insista pas.
Il était passé 7 h 20. Lockard rentra chez lui. Une demi-heure plus tard se déclenchait l'attaque, menée par plus de cent quatre-vingts avions japonais des porte-avions de la flotte impériale nippone, arrivant par le Pacifique nord.
Cette première vague, qu'avait guidée vers son but la musique de jazz diffusée par la radio de Honolulu, commençait l'attaque par le bombardement des aérodromes, avant de frapper les cuirassés de la flotte américaine amarrés bord à bord, à la queue leu leu.
La seconde vague, avec cent soixante-dix avions, trouva ceux de la première encore si occupés à 8 h 45 qu'elle tourna en rond au-dessus de Pearl-Harbor avant de prendre le relais et d'entrer à son tour dans la bataille. Le bilan, tel que le donne vingt-cinq ans plus tard l'United Press en rappelant l'histoire : deux mille cinq cents morts et mille deux cents blessés en chiffres ronds, du côté américain, tandis que les Japonais n'avaient perdu que cinquante-cinq de leurs aviateurs. Mais le vrai bilan de Pearl-Harbor ne se mesurait pas au nombre des cadavres de combattants ou de carcasses de navires. Le bilan, c'était l'entrée en guerre de l'Amérique, brutalement réveillée un beau dimanche matin.
ROBERT GUILLAIN
Le Monde du 8 décembre 1966
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