Article de presse: Tony Blair, le bourgeois travailliste
Publié le 22/02/2012
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Pour survivre dans cette traversée du désert des années 80, il lui a fallu s'accrocher aux branches du thatchérisme, accepter parréalisme l'économie de marché et ce qui en découlait : dérégulation du travail, mise au pas des syndicats, privatisations,accroissement massif du fossé entre riches et pauvres, coups de canif répétés dans le Welfare State, et qu'il ne pourra corrigerqu'à la marge.
Il lui a fallu ancrer son parti résolument au centre, loin des utopies gauchisantes.
Mais il a dû surtout faire preuved'une force morale et de convictions plus profondes que ne le laisse paraître un sourire électoral bien affûté.
Cette force, il l'atrouvée dans sa découverte de la foi anglicane alors que son épouse Cherie est catholique grâce à un condisciple, le clergymanaustralien Peter Thomson, et surtout aux oeuvres de l'Ecossais John Macmurray.
Macmurray a prêché un christianisme social, communautaire, qui a fortement influencé le jeune Blair.
Et même quand il peutsurprendre par une tonalité conservatrice s'apparentant à un retour à des valeurs victoriennes de "société décente", on aurait tortd'y voir seulement un artifice électoral destiné à rassurer les classes moyennes.
Ces idées sous-tendent sa philosophie et sa viepersonnelle qui, contrairement à tant d'hommes politiques dans cette Grande-Bretagne rongée par le "sleaze" (les "affaires" desexe et d'argent), restent en accord avec son discours.
Pour mieux le comprendre, laissons-le parler.
D'abord sur son "projet moral".
Il ne cache pas qu'il est pour la famille traditionnelle, personnellement contre l'avortement qu'ilaccepte politiquement, au risque d'être traité d'hypocrite par l'archevêque catholique de Glasgow.
Il affirme sa "tolérance zéro"envers les mendiants et les délinquants, ce qui détonne dans cette société permissive tout en rassurant bien des gens.
La familleest la clé de tout : "C'est en son sein que nous apprenons la différence entre le bien et le mal, que la société existe, et c'est sur sesvaleurs que l'on peut bâtir une société décente." Elle est le fondement de son Labour nouveau.
Ensuite, sur la société dont il rêve après trois lustres d'individualisme effréné.
"Il reste une grande idée en politique.
Elle prenddifférents noms participation, nation, inclusion, communauté, mais elle est simple : aucune société ne peut prospéreréconomiquement ou socialement sans que tous ses membres ne prospèrent, sans que l'on utilise le talent et l'énergie de tous plutôtque de quelques-uns et que chaque individu oeuvre pour le bien de la communauté", a-t-il écrit dans la préface à son livre, NewBritain.
"Liberté, égalité, fraternité (ou solidarité)", ajoutera-t-il.
Voilà sa "stakeholder economy" (économie participative), qui secombine avec une priorité accordée à "l'éducation, l'éducation et l'éducation" et aux technologies de pointe.
On est loin du "Lasociété n'existe pas !" lancé de manière provocante par Mme Thatcher.
Tony Blair entend se tailler une place entre "Maggie" et Marx : "Je suis né après la guerre.
(...) Seuls les pervers ne voyaient pasque l'expérience de l'Europe de l'Est était un désastre politique et économique." En même temps, "c'est parce que je croyais enune justice qui ne soit pas seulement individuelle mais sociale que je suis entré en politique." "La vieille gauche (travailliste) croyaiten un Etat-providence non réformé; la nouvelle droite veut le démanteler.
(...) La vieille gauche était en faveur du contrôle del'Etat sur l'industrie, d'impôts et de dépenses élevés; la nouvelle droite est pour le laisser-faire et le retrait de l'Etat depratiquement tout.
Le rôle que le Labour nouveau entend lui donner est différent; c'est d'équiper les gens et le business pour lechangement par le partenariat." Ses avances envers le patronat et la City ont été bien reçues, et le Financial Times du 5 octobre 1996 a titré son éditorial : "Blair parle et la Bourse grimpe".
Pour cela, il faut arriver au pouvoir.
"Je ne crois certainement pas au pouvoir à n'importe quel prix; mais sans lui, la politique estun exercice sans objet." On ne saurait être plus clair.
C'est le but de sa révolution radicale au centre pour toucher le coeur de lasociété britannique, la classe la plus importante et la moins sûre d'elle-même, qui hésite entre gauche et droite, inquiète de ladérive radicale des tories et des vieux démons du travaillisme de papa.
Il faut la convaincre que le Labour saura être bongestionnaire, tout comme l'avait fait avant lui le PS français.
Néoréalisme contre néolibéralisme et néosocialisme.
Un socialisme dont il ne parle plus que du bout des lèvres, et qu'il a mêmeépelé "social-isme" pour en rappeler les origines sociales plutôt que collectivistes, chrétiennes plutôt que marxistes.
Ce sont desidées généreuses qui attirent une société en manque d'âme, mais qui ne permettent pas toujours à Tony Blair de répondre avecprécision aux questions qui lui sont posées.
Car ce que ses adversaires, et parfois aussi ses amis, lui reprochent, c'est de "coller" au plus près aux objectifs des tories pourne pas inquiéter les électeurs et de faire des propositions qui demeurent vagues.
Ses constantes reculades et volte-face enfonction de l'évolution de l'opinion, du moins telle qu'elle est perçue par ses spin doctors, l'ont contraint à revenir sur lespromesses de son programme électoral, dont l'encre était à peine sèche.
Au point qu'il a pu apparaître comme inconsistant etpromettant tout à tout le monde.
Qui est donc Tony Blair ? "Tony en toc", comme l'affirme la propagande des tories ? Il faut dire que ceux-ci n'ont jamais sucomment prendre cet homme qui s'est approprié sans coup férir les bijoux de famille et a remis de l'ordre dans le Labour..
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