Devoir de Philosophie

Article de presse: Tchad, l'histoire d'une décolonisation manquée

Publié le 17/01/2022

Extrait du document

21 avril 1974 - La victoire de la faction du président Goukouni Oueddeï au Tchad, avec l'appui militaire décisif de la Libye, consacrée le 15 décembre 1980 par la conquête de N'Djamena, a marqué une étape capitale de l'histoire de l'ancienne colonie française et un grave revers pour la politique africaine de Paris, alors que la fusion entre le Tchad et la Libye alarme les alliés africains de Paris. Pierre Biarnes explique ci-dessous comment la dislocation du Tchad, qui aboutit à une tentative de mise sous tutelle par son voisin du nord, a été rendue possible par l'évolution de cet ensemble disparate dès l'époque de la colonisation. En plus de trente ans de repli inexorable sur l'Hexagone, nulle part la France n'a laissé un vide aussi grand qu'au Tchad où, depuis de longs mois déjà, l'appareil d'Etat moderne hérité de la colonisation s'est effondré, tandis que la nation qui avait commencé à se former volait en éclats. Pour plusieurs autres pays du continent noir menacés d'une évolution analogue, cet état de fait est au moins aussi préoccupant que les visées hégémoniques du colonel Kadhafi. La conquête du Tchad était, à la fin du siècle dernier, un des objectifs majeurs de l'impérialisme français en Afrique. Au-delà de motivations ou de prétextes anti-esclavagistes, il s'agissait de réunir, d'un seul tenant, les possessions du Maghreb et de l'Afrique occidentale à celles de l'Afrique équatoriale et centrale : le temps fort de la conquête de ce territoire-clé fut la capture de Rabah, aventurier venu du Soudan, qui tint tête vingt années durant au colonisateur, le 22 avril 1900, à Kousseri, sur la rive aujourd'hui camerounaise du Chari, face à l'actuelle N'Djamena, par trois colonnes venues d'Alger, de Bangui et de Saint-Louis-du-Sénégal. Mais Rabah vaincu, la pacification du Tchad était loin d'être terminée, et l'armée française dut continuer à y mener de durs combats, presque jusqu'à la veille de la première guerre mondiale, en des lieux dont les noms, guère plus de cinquante ans plus tard, lorsque les mêmes populations se soulevèrent à nouveau, allaient redevenir tragiquement familiers. Il fallut notamment venir à bout de deux autres redoutables adversaires : à l'est-dans une région qui est aujourd'hui le fief des Goranes de Hissène Habré,-le sultan Doudmourrah, à la tête de l'empire du Ouaddaï, autour d'Abéché, qui résista jusqu'en 1910; et, au nord, dans le Borkou, l'Ennedi et le Tibesti-l'immense patrie des Toubous de Goukouni Oueddeï,-la Senoussya, puissante confrérie islamique guerrière, originaire de l'actuelle Libye, dont le chef, le khalifa Achmed ech-Cherif, allié des Turcs, ne fut vaincu à Faya par le colonel Largeau qu'en 1913. En imposant sa domination à ces régions d'Afrique centrale qui depuis constituent le Tchad, la France donnait un coup d'arrêt brutal à une progression arabe et islamique séculaire en direction du Sud négro-africain et animiste, qu'elle avait placé dans un premier temps sous sa protection. Toutefois, en dépit des efforts d'unification, jamais ne s'estompa complètement, pendant les cinquante ans de paix française qui s'ensuivirent, la frontière qui sépare le " Dar el-Islam " (Pays de l'islam) du " Dar el-Abid " (Pays des esclaves) et, à la lumière de ce qui s'est passé depuis au Tchad, après un demi-siècle d'interruption imposée de l'extérieur, l'inexorable expansion des peuples et des idées venus du Nord. Certes, le colonisateur tenta de renforcer le réseau de communications reliant l'ensemble du territoire à sa capitale, de développer quelques activités de rente-en l'occurrence l'élevage et le coton-et de scolariser un peu les enfants. Mais cette action toute simple, et qui se voulait égalitaire dans son principe, devait connaître des résultats inégaux et provoquer de ce fait, en quelques décennies, un dangereux déséquilibre social et politique au détriment de la moitié nord du pays, déséquilibre d'où est directement issu le drame tchadien actuel. La revanche des Saras Sitôt après les rudes affrontements de la conquête, le Tchad musulman bénéficia d'une prédilection de l'administration coloniale, devenant le " Tchad des commandants " -d'ordinaire des officiers amoureux du désert, qui s'y intégrèrent admirablement, menant la vie noble des nomades, dont ils parlaient la langue et auprès desquels ils jouissaient d'une grande autorité. Mais ce Tchad musulman était aussi le " Tchad inutile ", celui, très peuplé, des pasteurs transhumants, dans lequel aucune culture industrielle ne put être développée et où, surtout, il s'avéra vite à peu près impossible de dispenser une éducation moderne aux jeunes générations, du fait même des servitudes imposées par les modes d'existence et de la vigueur persistante des structures sociales traditionnelles. Au Sud, au contraire, pays fertile des lacs, des fleuves et de la savane arborée, dans l'ancien Dar el-Abid sans grande tradition étatique, mais beaucoup plus peuplé et où l'islam n'avait presque pas pénétré, une administration plus impersonnelle, surtout préoccupée de production et de rendement, moins aimée mais plus efficace, faisait surgir pendant ce temps un " Tchad utile " qui s'adonnait à la culture du coton et dont les enfants fréquentèrent très vite et en grand nombre les écoles françaises, celles de la colonie comme celles, plus nombreuses, des missions catholiques et protestantes. Par la suite c'est là, en particulier dans l'ethnie Sara dominante, que, tout naturellement, la fonction publique et l'armée française recrutèrent la plupart de leurs commis et de leurs soldats. Si bien que, à la fin des années 50, les anciens esclaves avaient virtuellement supplanté leurs anciens maîtres, et seule la présence française, en continuant à imposer malgré tout un certain équilibre et, tout d'abord, en interdisant aux gens du Sud de venir commander directement ceux du Nord, empêchait encore que cette situation n'apparût au grand jour. L'indépendance n'allait pas tarder à manifester ce nouveau rapport de forces. En 1957, au moment où la loi-cadre Defferre (qui accordait l'autonomie interne aux anciennes colonies françaises d'Afrique noire) entrait en application, les Saras du Logone et du Chari dominaient déjà potentiellement le pays. Ethnie la plus nombreuse et la plus homogène du Sud, ils constituaient l'élément principal de la formation politique la plus importante, le Parti progressiste tchadien (PPT), qui était la section tchadienne du Rassemblement démocratique africain et à la tête duquel était en train de s'imposer un jeune instituteur de religion protestante, François Tombalbaye. En face du PPT, les autres partis, dirigés par des personnalités musulmanes qui s'entendaient mal entre elles, ne faisaient pas le poids et étaient du reste déjà en train de perdre pied jusque dans leurs régions islamisées d'origine, au Salamat et au Guerra, au Batha, au Kanem et dans le Baguismi. Aussitôt l'indépendance proclamée, le 11 août 1960, Tombalbaye, comme bon nombre de ses pairs, entreprit d'éliminer, y compris physiquement dans bien des cas, toutes les personnalités qui s'opposaient à la consolidation de son pouvoir personnel ou qui risquaient de le faire un jour. Il s'agissait presque toujours de musulmans. Plusieurs complots opportunément découverts pour les besoins de la cause ponctuèrent cette marche vers l'autocratie, marquée par ailleurs, au début de 1962, par la dissolution de tous les partis politiques, à l'exception du PPT, tandis que s'appesantissait la domination des Saras sur toutes les autres ethnies du pays. Dans tout l'ancien Dar el-Islam, à l'exception, jusqu'en 1964, du Borkou, de l'Ennedi et du Tibesti (le BET), où l'administration militaire française était restée provisoirement en place, les jeunes fonctionnaires saras, méprisants pour tous leurs compatriotes qui ne parlaient pas, ou que très mal, le français, se conduisaient comme en pays conquis, rançonnant systématiquement les villages et n'hésitant pas à les mettre à sac, et même à les brûler à la moindre résistance. Puis, à l'automne 1964, à la demande soudaine des autorités de Fort-Lamy, qu'irritait de plus en plus cette ultime survivance du Tchad des commandants, l'armée française évacuait le BET et les Saras, y transposant aussitôt leurs méthodes administratives particulières, pouvaient enfin s'y installer. Dans une région où l'arabisme était en pleine renaissance et l'islam en forte expansion, la revanche des Saras ne devait être cependant que de très courte durée. La révolte des Goranes et des Toubous Le Centre et l'Est s'embrasèrent les premiers. Le 27 octobre 1965, les habitants de Mangalmé, localité de moyenne importance du nord-est de Guéra, à environ 550 kilomètres de Fort-Lamy, las des exactions de toute sorte qu'ils subissaient depuis plusieurs années déjà, se révoltaient contre des percepteurs d'impôts venus les rançonner un jour de marché et massacraient une douzaine de fonctionnaires. Une répression implacable s'abattait aussitôt sur la bourgade, tandis que Tombalbaye en profitait pour faire arrêter peu après quelques personnalités musulmanes de plus, qu'il accusait d'avoir provoqué l'émeute, en prélude à un coup d'Etat. C'était le début d'une insurrection qui, en quinze ans, devait entraîner inexorablement la chute du dictateur sara, la déroute de son ethnie et, pour finir, l'effondrement de l'Etat tchadien lui-même. La France-partagée entre le désir de donner un second coup d'arrêt aux forces et aux idées venues du Nord qui, à la faveur de l'événement, reprenaient leur marche séculaire vers le Sud, mais se rendant confusément compte de l'impossibilité, cette fois, de l'entreprise-se faisait chasser pas à pas de son ancienne colonie, ne parvenant qu'à se mettre à dos, les uns après les autres, tous les protagonistes du drame. Au départ vaste jacquerie, le mouvement d'insurrection ne tardait pas à se structurer. Dès 1966, un Front de libération nationale du Tchad (FROLINAT) était constitué par un certain Ibrahima Abatcha, qui se révéla vite un organisateur de talent. Puis, après sa mort au combat, un ancien ministre de Tombalbaye passé à l'opposition, le docteur Abba Siddick, d'origine soudano-centrafricaine et de formation française, réussissait, à partir de 1968, à intéresser à la cause des rebelles l'opinion progressiste internationale et trois pays voisins, le Soudan, l'Algérie et surtout la Libye. Les années 1968-1969 marquèrent effectivement un tournant capital dans le conflit, avec l'entrée en scène du colonel Kadhafi-qui venait de renverser le roi Idriss, mais qui reprenait aussitôt à son compte les revendications et les visées sénoussies (1) sur le BET-mais aussi du chef traditionnel des Toubous, le vieux derde Oueddeï Kichemedi, qui s'était réfugié à Tripoli deux ans plus tôt pour fuir les exactions saras et dont les trois fils, Hanneur, Hadj Moulinaye et Goukouni, s'étaient rebellés à leur tour aux côtés du FROLINAT (capturés, les deux premiers seront sommairement exécutés par les sbires de Tombalbaye); et enfin de la France, à laquelle le Tchad, dont l'armée était de plus en plus débordée, se résigna à faire appel. L'intervention française se fit en deux temps. En août et septembre 1968, un appui logistique, limité au Tibesti, était d'abord accordé; puis, en mars 1969, la situation ayant continué à se dégrader, le général de Gaulle acceptait d'engager directement les soldats français dans toutes les régions du pays qui étaient en insurrection. Très vite, la rébellion recula sur tous les fronts; mais elle ne fut pas écrasée pour autant et, à la fin de 1972, sitôt le gros du corps expéditionnaire de l'ancienne métropole retiré, elle repartait de plus belle, notamment dans le Tibesti, montagneux et d'accès difficile, où les Toubous de Goukouni Oueddeï, qui seront bientôt épaulés par les Goranes d'un ancien agent français rallié à leur cause par aventurisme, Hissène Habré, étaient en train de devenir avec l'appui de la Libye (qui avait lâché entre-temps Abba Siddick) le noyau dur de l'opposition à la domination sara. Déjà très irrité par les réformes libérales que, parallèlement à son aide militaire, Paris avait tenté de lui imposer, Tombalbaye, qui reprochait au président Pompidou d'avoir un peu trop vite cédé à son opinion publique, s'engageait alors dans une politique suicidaire d'hostilité systématique et hargneuse à son protecteur traditionnel qui déboucha, le 13 avril 1975, sur sa mort dans un coup d'Etat. Le général Félix Malloum, Sara lui aussi, qui en sa qualité de chef d'état-major lui succéda alors à la tête du Tchad avec la bénédiction de Paris, ne parvint pas plus que son prédécesseur à vaincre ses adversaires ou, à défaut, à se les rallier, d'autant que, empêtré dans la rocambolesque " affaire Claustre " (2) Valéry Giscard d'Estaing devait négocier à son corps défendant avec ceux-ci, par Tripoli interposé. Les oasis du BET tombaient les unes après les autres, et les troupes régulières tchadiennes, inexorablement refoulées vers leur Sud ancestral, ne parvenaient à s'accrocher un temps sur la ligne Abéché-N'Djamena, qui coupe le pays en deux, que grâce à une intervention de l'ancienne métropole, qui fit donner in extremis ses Jaguar. Mais, consciente de la précarité de ce nouveau coup d'arrêt, la France ne pouvait en même temps que conseiller à son protégé du moment de s'entendre, par l'intermédiaire de la Libye, avec Goukouni Oueddeï, dont le pouvoir sur le Borkou, l'Ennedi et le Tibesti était alors expressément reconnu (accords de Benghazi du 27 mars 1978), et surtout par l'entremise du Soudan avec Hissène Habré, qui s'était brouillé entre-temps avec le chef toubou et son protecteur Kadhafi et qui devint alors, de façon totalement improvisée, le premier ministre d'un gouvernement de circonstance irrémédiablement divisé et impuissant (accords de Khartoum du 4 août 1978). Dès lors, presque tous les protagonistes du drame qui continue à se jouer autour du lac Tchad étaient en place, et la France apparaissait déjà comme dépassée par les événements. En février 1979, avant d'être subitement rappelé à Paris pour avoir, semble-t-il, outrepassé ses instructions, le commandant en chef de son corps expéditionnaire, le général Forest, apportait ostensiblement son appui à Hissène Habré, entré en rébellion contre le président Malloum, qui était par ailleurs de plus en plus contesté par l'un de ses lieutenants, le lieutenant-colonel Wadal Abdelkader Kamougué. Celui-ci parvenait cependant à faire se replier à peu près en bon ordre le gros des troupes sudistes vers leurs régions d'origine. Mais Goukouni et ses partisans entraient à leur tour dans N'Djamena que, concurremment à la Libye, le Nigeria, héritier de l'empire du Bornou, donnait à présent de plus en plus l'impression de vouloir replacer sous sa suzeraineté, tout au moins dans sa zone d'influence privilégiée. Au mois d'août suivant, les accords de Lagos, tout en prétendant imposer la constitution, sous le contrôle de l'OUA, d'un gouvernement d'union nationale rassemblant toutes les tendances qui se disputaient le pays, ne faisaient en fait que consacrer le retour de ce que, par habitude, on continue à appeler le Tchad à la situation qui y prévalait à la fin du siècle dernier. La parenthèse coloniale était refermée et, en mai dernier, alors que les nomades de Goukouni Oueddeï et Hissène Habré achevaient de détruire une capitale qui n'avait pas été construite pour eux, l'ancienne métropole n'avait plus d'autre solution que d'en retirer définitivement ses soldats qui déjà, depuis plusieurs mois, n'y étaient plus maintenus qu'en spectateurs impuissants. Il est difficile d'admettre que les résolutions de la récente conférence de Lomé-au demeurant, et de par la volonté du Nigeria, presque aussi vigoureusement antifrançaises qu'antilibyennes, même si Paris n'y est pas expressément nommé-pourront changer fondamentalement cette situation dans un avenir prévisible. PIERRE BIARNES Le Monde du 7 février 1981

« virtuellement supplanté leurs anciens maîtres, et seule la présence française, en continuant à imposer malgré tout un certainéquilibre et, tout d'abord, en interdisant aux gens du Sud de venir commander directement ceux du Nord, empêchait encore quecette situation n'apparût au grand jour.

L'indépendance n'allait pas tarder à manifester ce nouveau rapport de forces. En 1957, au moment où la loi-cadre Defferre (qui accordait l'autonomie interne aux anciennes colonies françaises d'Afriquenoire) entrait en application, les Saras du Logone et du Chari dominaient déjà potentiellement le pays.

Ethnie la plus nombreuse etla plus homogène du Sud, ils constituaient l'élément principal de la formation politique la plus importante, le Parti progressistetchadien (PPT), qui était la section tchadienne du Rassemblement démocratique africain et à la tête duquel était en train des'imposer un jeune instituteur de religion protestante, François Tombalbaye.

En face du PPT, les autres partis, dirigés par despersonnalités musulmanes qui s'entendaient mal entre elles, ne faisaient pas le poids et étaient du reste déjà en train de perdrepied jusque dans leurs régions islamisées d'origine, au Salamat et au Guerra, au Batha, au Kanem et dans le Baguismi. Aussitôt l'indépendance proclamée, le 11 août 1960, Tombalbaye, comme bon nombre de ses pairs, entreprit d'éliminer, ycompris physiquement dans bien des cas, toutes les personnalités qui s'opposaient à la consolidation de son pouvoir personnel ouqui risquaient de le faire un jour.

Il s'agissait presque toujours de musulmans.

Plusieurs complots opportunément découverts pourles besoins de la cause ponctuèrent cette marche vers l'autocratie, marquée par ailleurs, au début de 1962, par la dissolution detous les partis politiques, à l'exception du PPT, tandis que s'appesantissait la domination des Saras sur toutes les autres ethnies dupays.

Dans tout l'ancien Dar el-Islam, à l'exception, jusqu'en 1964, du Borkou, de l'Ennedi et du Tibesti (le BET), oùl'administration militaire française était restée provisoirement en place, les jeunes fonctionnaires saras, méprisants pour tous leurscompatriotes qui ne parlaient pas, ou que très mal, le français, se conduisaient comme en pays conquis, rançonnantsystématiquement les villages et n'hésitant pas à les mettre à sac, et même à les brûler à la moindre résistance. Puis, à l'automne 1964, à la demande soudaine des autorités de Fort-Lamy, qu'irritait de plus en plus cette ultime survivance duTchad des commandants, l'armée française évacuait le BET et les Saras, y transposant aussitôt leurs méthodes administrativesparticulières, pouvaient enfin s'y installer. Dans une région où l'arabisme était en pleine renaissance et l'islam en forte expansion, la revanche des Saras ne devait êtrecependant que de très courte durée. La révolte des Goranes et des Toubous Le Centre et l'Est s'embrasèrent les premiers.

Le 27 octobre 1965, les habitants de Mangalmé, localité de moyenne importancedu nord-est de Guéra, à environ 550 kilomètres de Fort-Lamy, las des exactions de toute sorte qu'ils subissaient depuis plusieursannées déjà, se révoltaient contre des percepteurs d'impôts venus les rançonner un jour de marché et massacraient une douzainede fonctionnaires.

Une répression implacable s'abattait aussitôt sur la bourgade, tandis que Tombalbaye en profitait pour fairearrêter peu après quelques personnalités musulmanes de plus, qu'il accusait d'avoir provoqué l'émeute, en prélude à un coupd'Etat. C'était le début d'une insurrection qui, en quinze ans, devait entraîner inexorablement la chute du dictateur sara, la déroute deson ethnie et, pour finir, l'effondrement de l'Etat tchadien lui-même.

La France-partagée entre le désir de donner un second coupd'arrêt aux forces et aux idées venues du Nord qui, à la faveur de l'événement, reprenaient leur marche séculaire vers le Sud,mais se rendant confusément compte de l'impossibilité, cette fois, de l'entreprise-se faisait chasser pas à pas de son anciennecolonie, ne parvenant qu'à se mettre à dos, les uns après les autres, tous les protagonistes du drame. Au départ vaste jacquerie, le mouvement d'insurrection ne tardait pas à se structurer.

Dès 1966, un Front de libérationnationale du Tchad (FROLINAT) était constitué par un certain Ibrahima Abatcha, qui se révéla vite un organisateur de talent.Puis, après sa mort au combat, un ancien ministre de Tombalbaye passé à l'opposition, le docteur Abba Siddick, d'originesoudano-centrafricaine et de formation française, réussissait, à partir de 1968, à intéresser à la cause des rebelles l'opinionprogressiste internationale et trois pays voisins, le Soudan, l'Algérie et surtout la Libye. Les années 1968-1969 marquèrent effectivement un tournant capital dans le conflit, avec l'entrée en scène du colonel Kadhafi-qui venait de renverser le roi Idriss, mais qui reprenait aussitôt à son compte les revendications et les visées sénoussies (1) sur le BET-mais aussi du chef traditionnel des Toubous, le vieux derde Oueddeï Kichemedi, qui s'était réfugié à Tripoli deux ans plustôt pour fuir les exactions saras et dont les trois fils, Hanneur, Hadj Moulinaye et Goukouni, s'étaient rebellés à leur tour aux côtésdu FROLINAT (capturés, les deux premiers seront sommairement exécutés par les sbires de Tombalbaye); et enfin de laFrance, à laquelle le Tchad, dont l'armée était de plus en plus débordée, se résigna à faire appel. L'intervention française se fit en deux temps.

En août et septembre 1968, un appui logistique, limité au Tibesti, était d'abord. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles